
Une enseigne de la Bank of Beirut à Sin el-Fil. Photo P.H.B.
Six mois après le procès remporté par Vatché Manoukian contre Bank Audi et la SGBL pour une affaire de transferts bancaires refusés par ces deux enseignes, les tribunaux britanniques viennent de donner raison à un autre déposant qui s’était pourvu en justice, cette fois contre la Bank of Beirut (BoB). Connue depuis la semaine dernière, la décision rendue par la Haute Cour de justice britannique, la Queen’s Bench Division (division du banc de la Reine) spécialisée dans les affaires civiles, est datée du 11 août et a été publiée en ligne le 15 du même mois. La procédure avait été lancée en avril 2021.
Double national britannique et syrien
La juridiction a ainsi condamné la BoB à verser au plaignant, Georges Gabriel Bitar, un double national britannique et syrien ayant « des liens avec le Liban », la somme de 7,96 millions de dollars avec un intérêt annuel de 9 % dû depuis la date à laquelle l’établissement aurait dû effectuer les transferts demandés par le déposant dont les demandes se sont étalées entre septembre 2020 et octobre 2021. Celles-ci avaient étaient formulées en plein contexte de crise économique et financière marquée par les restrictions limitant l’accès aux dépôts en devise de nombreux clients de banques libanaises. Si elles ne sont dictées par aucune loi, ces restrictions reconnues en novembre 2019 par l’Association des banques du Liban ont été indirectement légitimées par plusieurs circulaires de la Banque du Liban.
Pour revenir à l’affaire, le déposant souhaitait alors vider ses comptes pour en transférer le montant en Grande-Bretagne. Refusant d’exécuter les virements, la banque avait fini par lui remettre un chèque bancaire avec l’ensemble des fonds réclamés inscrits, ce qui ne lui permet pas cependant de les transférer à l’étranger, ni de les encaisser à leur valeur réelle sans subir un très important escompte en le revendant sur le marché informel qui s’était entre-temps développé au fur et à mesure que la crise s’intensifiait.
La justice a considéré que la banque avait manqué à ses obligations et n’a pas retenu les éléments de contexte rapportés par son expert pour justifier le refus de transfert. Il s’agit d’un jugement en première instance auquel la BoB pourrait cependant faire appel dans les jours à venir. À noter que l’affaire Manoukian, qui marque une des premières grandes victoires de déposants de banques libanaises devant les juridictions étrangères, a été citée dans les échanges. « C’est une très bonne décision parce que la justice étrangère confirme que l’argument de la faillite systémique invoquée par les banques pour justifier de se dérober à leurs obligations de restituer les dépôts de leurs clients ou d’exécuter leurs demandes de transfert n’est pas recevable, contrairement à ce que beaucoup de juges au Liban sont enclins à accepter », a déclaré à L’Orient-Le Jour l’Union des déposants. Contacté par e-mail, le service de communication de la BoB n’a pas souhaité réagir.
Cette nouvelle procédure, qualifiée de victoire par l’Union des déposants, intervient dans un contexte tendu pour le secteur bancaire local qui a vu en quelques jours un de ses dirigeants arrêté puis relâché dans le cadre d’une plainte lancée par une détentrice d’actions préférentielles de Creditbank, puis une prise d’otages dans une agence de la Federal Bank pas plus tard que le week-end dernier. Pour rappel, le PDG de la BoB, Salim Sfeir, préside l’Association des banques depuis 2019.
À noter enfin que la Queen’s Bench Division a déjà tranché en faveur d’une banque libanaise par le passé, dans une affaire similaire opposant BLOM Bank à l’un de ses déposants jugée en décembre dernier.
Jusqu'a maintenant, il s'agit de jugements au civil. A quand un jugement au penal condamnant une des crapules bancaires a une peine de prison pour escroquerie en bande organisee ?
19 h 50, le 17 août 2022