L’ambiance était chaotique mardi devant le siège de la Banque du Liban à Beyrouth. La procureure générale près la cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, est revenue à la charge contre le gouverneur de la BDL, Riad Salamé, qui refuse de se présenter devant la justice, dans le cadre d’enquêtes portant sur des soupçons de corruption qui le visent. Une descente ultramédiatisée, comme d’habitude, qui lui a valu une remarque acerbe du Premier ministre Nagib Mikati, la qualifiant de « perquisition-spectacle », et appelant à un « accord politique pour désigner un nouveau gouverneur ».
Les propos de M. Mikati confèrent une dimension politique à l’affaire, la juge étant réputée proche du Courant patriotique libre, qui demande régulièrement le remplacement de Salamé. Dans tous les cas, la descente de la juge Aoun, escortée par des agents de la Sécurité de l’État, institution elle-même chapeautée par un proche de Baabda, n’a pas abouti à la localisation de M. Salamé, mais a provoqué en revanche la colère des employés de l’institution, qui ont décrété une grève en signe de protestation.
تحيّة للقاضية الجريئة #غادة_عون ولجهاز #امن_الدولة pic.twitter.com/hofwpDLPEr
— Jeff ?? (@JeffLebanon) July 19, 2022
Dans la matinée, des agents de la Sécurité de l’État s’étaient d’abord rendus à la villa de M. Salamé à Rabié, dans le Metn, où le gouverneur était introuvable. Quand ils se sont déplacés au siège de la BDL à Hamra, ils ont été empêchés d’y entrer par le juge Raja Hammouche, avocat général près la cour d’appel de Beyrouth.
« Pas une descente-spectacle »
Contactée par L’Orient-Le Jour, la juge Aoun a expliqué qu’elle a mené cette perquisition en vertu d’un nouveau mandat de recherche qu’elle a délivré contre M. Salamé en juin pour soupçon de manipulation des écritures du budget de la Banque du Liban. Le mandat en question expire dans un délai d’un mois et ce crime est passible d’une peine de trois ans de prison. « C’est pour cela que j’ai effectué la perquisition aujourd’hui. Ce n’était pas une descente-spectacle. Comme je suis la procureure près la cour d’appel du Mont-Liban et que le siège de la BDL se trouve à Beyrouth, le parquet de cassation a été notifié afin que l’on obtienne son autorisation », souligne-t-elle. « Je suis entrée dans les locaux de la BDL car nous avions été informés que le gouverneur s’y trouvait. J’ai ensuite reçu un coup de fil du juge Hammouche pour me demander d’évacuer les lieux. »
Moins d’une heure après son arrivée, la juge Ghada Aoun est donc sortie du bâtiment, sans avoir pu localiser Riad Salamé.
Mikati appelle à un accord politique
Réagissant à la perquisition de la juge Aoun, le Premier ministre désigné, Nagib Mikati, connu pour son opposition à un limogeage sec du gouverneur, a dénoncé « une perquisition-spectacle qui n’est pas la solution convenable pour traiter l’affaire Salamé ». Il a affirmé que ce genre de mesures « menace la stabilité du pays et peut avoir des conséquences insupportables ». « Il faut que cette affaire soit traitée après la conclusion d’un accord politique pour désigner un nouveau gouverneur de la BDL, afin que l’enquête judiciaire puisse se poursuivre », a-t-il ajouté.Riad Salamé, 71 ans et aux commandes de la BDL depuis 1993, est déjà visé par une assignation à comparaître en justice délivrée par la juge Aoun en février dernier. Il est également interdit de voyager et ses biens immobiliers ont été gelés, dans le cadre d’affaires sur des soupçons de fraude durant son mandat. Il faisait aussi l’objet d’un mandat de recherche lancé en avril dernier par Mme Aoun, dans le cadre d’une enquête sur des prêts subventionnés de la BDL avant la crise économique au Liban en 2019, à hauteur de huit milliards de dollars, mais il avait toujours refusé de comparaître devant la magistrate. De plus, ce n’est pas la première fois que ce genre de descente a lieu, une perquisition du domicile de M. Salamé à Rabieh ayant été menée le 22 juin dernier, toujours en présence de Mme Aoun.
Trois jours de grève à la BDL
Quelques minutes après que la juge Aoun a quitté les lieux, le président du syndicat des employés de la banque centrale, Abbas Awada, a critiqué la descente de la procureure et annoncé une grève du personnel de la BDL. « Nous refusons que l’on traite avec nous avec des méthodes miliciennes et nous proclamons la grève », a-t-il lancé, la voix tremblante de colère, devant les médias. « Nous ne défendons pas Riad Salamé mais cette institution, et nous n’acceptons pas ces méthodes ». Il a ajouté que les employés ont arrêté le travail dès mardi et que le conseil d’administration du syndicat se réunira pour définir l’étendue de la grève, « en vue de demander aux juges d’agir en réponse aux agissements de Ghada Aoun ».
Dans un communiqué publié par le syndicat mardi après-midi, les employés de la BDL ont annoncé une grève de trois jours, à partir de mercredi, et menacé de « grève ouverte » si les autorités « ne mettent pas un terme aux agissements de la juge Ghada Aoun ».
Le patron de la BDL est considéré par une partie des Libanais comme l’un des responsables de la crise économique et financière dans laquelle s’enfonce le Liban depuis 2019. En outre, des enquêtes sur son patrimoine au Liban sont en cours. D’autres investigations le visant se poursuivent dans au moins cinq États européens (Allemagne, Belgique, France, Luxembourg et Monaco).
La seule chose que le pourrait reprocher à Ghada Aoun c' est sa selectivite... Mais , il y a long a dire sur le dossier du sieur Salame et de son protecteur... Suivez mon regard..
09 h 36, le 20 juillet 2022