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Politique - Polémique

Salaires des juges réévalués : mesure financée par la magistrature ou « pots-de-vin » de la BDL ?

Certains juges ont refusé de bénéficier de la réévaluation de leurs émoluments, sans en préciser la raison.

Salaires des juges réévalués : mesure financée par la magistrature ou « pots-de-vin » de la BDL ?

Des magistrats lors d’une prestation de serment. Archives AFP

Annoncée la semaine dernière dans les médias, la réévaluation des émoluments des magistrats continue de susciter de vifs remous, dans un pays où les salaires d’une majorité des fonctionnaires sont si bas qu’ils ne leur suffisent même plus à faire le plein d’essence pour arriver à leur lieu de travail. Les magistrats, eux, peuvent désormais retirer leurs salaires au taux de change du dollar bancaire ou « lollar », c’est-à-dire à 8 000 LL pour un dollar, et non plus au taux officiel de 1 500 LL. La mesure a été critiquée notamment pour son « illégalité » et « l’inégalité de traitement » en comparaison avec les autres fonctionnaires. La décision n’a pas fait l’objet d’une circulaire du gouverneur de la Banque du Liban, mais seulement d’instructions adressées par ce dernier aux établissements bancaires. Les détracteurs de la mesure de la BDL se basent sur une interprétation suivant laquelle les sommes concernées sont des fonds publics, rappelant que l’octroi de tels fonds ne peut être décidé que par une loi. Or une source proche du ministre de la Justice Henri Khoury assure à L’Orient-Le Jour que les montants réévalués ne proviennent pas des caisses de l’État, mais de la caisse mutuelle du corps de la magistrature. Il s’agit d’une décision interne, consistant a faire assumer à la caisse le paiement de la différence entre les salaires basés sur un dollar a 8 000 LL et les salaires réglés par l’État au taux de 1 500 LL, ajoute cette source.

La somme mise en jeu pour l’augmentation des salaires gravite autour de 200 000 dollars, indique-t-on dans les milieux judiciaires. Une somme disponible à l’heure actuelle, la caisse mutuelle étant renflouée par les frais payés par les justiciables, les cotisations des magistrats ainsi que par des donations.

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Pour Henri Khoury, la polémique autour des rémunérations des magistrats n’a pas lieu d’être. Contacté par L’OLJ, il rappelle que celles-ci doivent en tout état de cause être supérieures à celles de simples fonctionnaires, notant que durant les années 60 les premières représentaient environ le quadruple des autres. Il déplore en outre qu’aujourd’hui « un juge gagne en moyenne 4 millions de livres, alors que par exemple le salaire d’un professeur d’université peut atteindre 10 millions ». « La remise à niveau des salaires est essentielle pour que les magistrats puissent continuer à rendre justice sans se soucier d’assurer leurs besoins les plus élémentaires », martèle le ministre de la Justice, lui-même ancien juge.

Selon une information recueillie par notre journal, une dizaine de magistrats, en coopération avec la caisse mutuelle, avaient sollicité à maintes reprises le gouverneur de la BDL pour trouver une solution qui remédierait aux préoccupations matérielles de l’ensemble de leurs confrères. La décision de Riad Salamé ne semble donc pas avoir été prise de concert avec le chef du gouvernement Nagib Mikati ni avec le ministre de la Justice, comme avancé dans certains médias.

Ingénierie financière

À noter cependant que nombre de magistrats ont refusé de bénéficier de la remise à niveau des salaires, notamment le procureur près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate.

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Contactée par L’OLJ, une magistrate ayant aussi refusé l’augmentation n’a pas souhaité motiver sa décision, se prévalant de son devoir de réserve. Plusieurs avocats également interrogés affirment qu’ils sont en faveur du renforcement des moyens des juges, mais considèrent que « la mesure n’a pas été adoptée dans les règles légales ». Saïd Malek, constitutionnaliste, décrit sans ambages la réévaluation comme « une ingénierie financière par laquelle le gouverneur de la BDL paie un pot-de-vin aux magistrats ». « Comment, dans une affaire, un juge pourrait-il désormais statuer contre les intérêts de la BDL ? » se demande-t-il. Hassan Fadlallah, député du Hezbollah, a dans le même esprit affirmé hier, dans une déclaration, que « la décision paraît comme l’octroi d’un pot-de-vin à la justice, à l’image de laquelle elle nuit encore plus ». Le président du Parlement Nabih Berry avait d’ailleurs prôné mercredi sa « rectification », voire sa « suspension immédiate ».

Annoncée la semaine dernière dans les médias, la réévaluation des émoluments des magistrats continue de susciter de vifs remous, dans un pays où les salaires d’une majorité des fonctionnaires sont si bas qu’ils ne leur suffisent même plus à faire le plein d’essence pour arriver à leur lieu de travail. Les magistrats, eux, peuvent désormais retirer leurs salaires au taux de...

commentaires (8)

Malheureusement pour l'augmentation, ils vont piocher dans les comptes des ÉPARGNANTS

Derwiche Ghaleb

22 h 04, le 15 juillet 2022

Tous les commentaires

Commentaires (8)

  • Malheureusement pour l'augmentation, ils vont piocher dans les comptes des ÉPARGNANTS

    Derwiche Ghaleb

    22 h 04, le 15 juillet 2022

  • Voilà comment mettre dans la poche le plus grand magistrat. Augmenter les magistrats alors qu’ils ne font plus leur travail depuis des années voir plus, si ça n’est pas une façon de les acheter ça y ressemble et même je dirais ça en a tout l’air. Maintenant il va falloir qu’on nous explique avec quel argent comptent ils les rémunérer. Pas plus tard qu’hier Madame Grillot avait rassuré les libanais en leur annonçant qu’il n’y avait plus un sou dans les caisses de leur état. Alors où vont ils trouver l’argent?

    Sissi zayyat

    14 h 36, le 15 juillet 2022

  • AUSSI : JETTEZ UN COUP D’ŒIL A L’AUGMENTATION OBTENUS PAR NOS DÉPUTÉS ET LEURS DESCENDANTS !! ( la RÉVOLUTION SHOU ????? ) UN AJUSTEMENT DE SALAIRE : NORMAL …… CETTE COUTUME EXISTE DEPUIS LES ANNÉES 1960 , MICHEL AOUN N’ÉTAIT MÊME PAS SOLDAT .

    aliosha

    12 h 14, le 15 juillet 2022

  • c'est le Far West ! un gouverneur de Banque centrale qui augmentent les juges chargés de son inculpation !! sans texte de loi ou autre !! et le ministre de la justice qui trouve ca parfaitement normal !! passer au statut de republique bananiere serait une promotion pour ce Liban. merci Michel Aoun

    Lebinlon

    10 h 37, le 15 juillet 2022

  • POTS- DE- VIN A LA BDL ? RIDICULE AU POSSIBLE. mais la question la vraie est la suivante: les salaires etant regles a l'origine en LL et jamais en $, d'ou vient lors le calcul de lollars? qu'est ce que les lollars aux taux de 1500 ou de 8000 ont a faire la dedans ? est ce a dire que, pr ex, 4 millions seraient divises par 1500 pui multiplies par 8000? le salaire serait alors de 21 Millions? ==Caisse mutuelle ? les cotisations etaient elles deposees en Dollars? -encore une fois manque de clarte ou mauvaise comprehension / interpretation ??? consciente ou involontaire ? YA REIT L'OLJ POURRAIT pousser plus loin et aller plus en profondeur pour nous eclairer ?

    Gaby SIOUFI

    10 h 03, le 15 juillet 2022

  • QUI PAYE ? VOUS ET MOI DONC COMME TOUJOURS AVANT ET APRÈS THAWRA : LES IMBÉCILES....

    aliosha

    09 h 42, le 15 juillet 2022

  • Les juges ne sont en aucun cas supérieurs aux autres fonctionnaires bien au contraire ils incarnent parfaitement la corruption dans tous ses états au Liban ! ils ont pendant des années touché des salaires mirobolant sans compter les pots de vin et différents wasta! Alors qu'ils continuent à toucher 4 millions de salaire sa ne leur fera pas de mal

    kassem chady

    08 h 55, le 15 juillet 2022

  • Y a t il plus pourri que pourri ? Oui au Liban on va être inscrit dans le livre Guinness des records de la pourriture

    Lecteur excédé par la censure

    08 h 19, le 15 juillet 2022

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