
Le gouverneur de la banque centrale libanaise, Riad Salamé, lors d’un entretien avec l’AFP dans son bureau à Beyrouth, le 15 décembre 2017. Joseph Eid/AFP
Davantage présent dans les médias ces derniers mois, le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, a accordé, mardi soir, un long entretien à la LBCI au cours duquel il a notamment affirmé qu’il ne fallait pas modifier la réglementation instituant, depuis les années 50, le secret bancaire au Liban. Une loi qui n’a été que succinctement aménagée ces 20 dernières années pour rapprocher le pays des standards internationaux.
« Le secret bancaire doit être maintenu au Liban », a notamment estimé le gouverneur en place depuis 1993, considérant que les leviers accordés par plusieurs lois à la CSI (la Commission spéciale d’investigation créée par une loi en 2001 et dont les compétences ont été élargies en 2015) étaient suffisants. Il a ajouté que le Fonds monétaire international (FMI), à qui le Liban demande une aide financière pour sortir de la crise qu’il traverse depuis près de trois ans, avait « demandé la levée du secret bancaire (…) pour pouvoir contrôler » comment l’argent prêté au pays serait utilisé.
Pour l’expert financier Mike Azar et deux sources proches du dossier, une proche du Parlement, et l’autre de l'exécutif que nous avons contactées, la position du gouverneur sur ce point interpelle à plusieurs égards.
Quel est le problème ?
« Ce que demande le FMI, c’est d’aligner le Liban, dont le système financier n’est pas un modèle de transparence, sur les standards internationaux en matière de secret bancaire. Les prérogatives accordées à la CSI ne sont pas suffisantes pour le FMI et c’est pour cette raison que l’institution réclame le vote d’une loi modifiant les effets de la loi de 1956 », développe Mike Azar. « La déclaration du gouverneur interpelle. Qui essaie-t-on encore de protéger avec la loi de 1956 ? Quel problème peut-il y avoir à l’amender ? Et surtout, comment un haut responsable qui a participé au processus ayant mené à l’accord préliminaire (ou staff-level agreement, conclu entre le Liban et le FMI en avril dernier, NDLR) et qui en a donc accepté les termes peut faire une déclaration à la télévision qui semble contredire une partie de ce qui a été convenu par l’équipe chargée de négocier avec le FMI ? » s’interroge-t-il. Riad Salamé fait partie de cette équipe dirigée par le vice-Premier ministre sortant Saadé Chami.
Une source proche du Parlement se montre tout aussi perplexe, en notant que le gouverneur n’avait pas émis « d’objections significatives » lors des séances qui avaient été consacrées à l’élaboration du projet de loi aménageant le secret bancaire, processus piloté par le FMI. « En fin de compte, ce n’est pas l’avis du gouverneur mais bien le vote du Parlement qui compte », commente-t-elle. Selon l’autre source anonyme proche de l’exécutif, le FMI ne fera aucune concession. « L’accord préliminaire a été conclu avec toutes les parties sur l’ensemble des réformes préalables devant être mises en œuvre pour permettre le déblocage d’une aide. Le président de la Chambre Nabih Berry – reconduit après les législatives du 15 mai – a même affirmé, le 7 avril dernier, que le Parlement œuvrera pour voter les lois nécessaires », rappelle-t-elle. Aucun commentaire sur les déclarations du gouverneur n’a émané du FMI, du gouvernement ou du Parlement.
Délits d’initié et CDS
Le secret bancaire n’est pas le seul point à avoir été abordé lors de l’entretien de mardi.
Sur le sujet de la réputation financière du Liban, le gouverneur a notamment rappelé que le Groupe d’action financière (GAFI), organisme intergouvernemental de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, devrait prochainement évaluer les avancées du Liban dans ce domaine. Selon une source proche de l’Association libanaise pour les droits et l’information des contribuables, et une autre source bancaire proche du Barreau de Beyrouth, les experts devraient venir au Liban en juillet pour une évaluation qui inclura d’autres filières (avocats et notaires, notamment). Le gouverneur a de plus assuré que le volet juricomptable de l’audit des comptes de la BDL, dont les faux départs animent l’actualité depuis 2020, avait bien démarré, après que le ministère des Finances a demandé il y a trois semaines à la banque centrale d’effectuer, pour le compte du cabinet Alvarez & Marsal, un versement entrant dans le cadre de sa rémunération. Le cabinet est chargé de cette opération qui vise à examiner les transactions financières passées de la BDL afin d’en retracer l’historique. Selon deux sources officielles libanaises contactées par Reuters, une équipe du cabinet Alvarez & Marsal arrivera au Liban le 27 juin et commencera l’opération, ce qui nuance les propos du gouverneur. Les deux autres volets de l’audit, confiés à KPMG et Oliver Wyman, auraient pratiquement été menés à terme.
S’agissant de la crise, le gouverneur a estimé les besoins de financement du Liban entre « 15 à 20 milliards de dollars », soit plus que les 12 à 15 milliards qu’il avait évoqués en décembre dernier. Il a aussi jugé insuffisante l’enveloppe que le FMI souhaite débloquer (l’accord préliminaire porte sur 3 milliards de dollars, NDLR), en reconnaissant qu’un accord avec l’organisation était toutefois nécessaire pour relancer la confiance et inciter les autres pays et organisations à aider financièrement le Liban. Un argument également mis en avant par le FMI ces derniers mois ou encore par l’ambassadrice de France, Anne Grillo, lors d’une conférence jeudi dernier à Beyrouth. Mardi, la diplomate a assuré que la France, qui figure parmi les principaux soutiens du pays du Cèdre, « veillera au respect des échéances de l’accord » préliminaire. Elle s’exprimait en marge d’un entretien avec le représentant permanent du FMI au Liban, Frederico Lima, fraîchement débarqué à Beyrouth.
Rejetant toutes les analyses liant les causes et l’aggravation de la crise à sa gestion, Riad Salamé est également revenu sur une autre annonce qu’il avait faite dans les médias début juin, concernant l’ouverture d’une enquête de la BDL sur des gains engrangés par certains investisseurs en misant sur le défaut libanais en mars 2020. Des délits d’initié que la BDL aurait détectés en observant les mouvements sur le marché des CDS (Credit Default Swaps). Selon lui, l’enquête a été ouverte il y a un certain temps mais n’a pas encore donné de résultat, notamment en raison des difficultés à tracer les détenteurs réels de ces instruments financiers. Les CDS sont des contrats permettant de se couvrir contre le défaut de paiement souverain sur les eurobonds et sont donc vendus comme des produits financiers à part entière. À noter que la BDL interdit depuis 2008 aux banques libanaises, également détentrices d’eurobonds, d’acquérir des CDS.
S’agissant des réserves de devises de la BDL qui sont encore utilisées pour subventionner certaines importations et alimenter un mécanisme de retrait en dollars à partir de comptes en livres (circulaire n° 161 de la BDL), le gouverneur a indiqué qu’elles s’élevaient à 11,8 milliards de dollars (sans compter les 5,03 milliards d’eurobonds ni les 16,8 milliards de dollars d’or à mi-juin). Une estimation supérieure aux près de 9 milliards déduits par les experts sur la base des données de la BDL à mi-juin, tandis qu’aucune estimation précise de la part constituée par les plus de 1 milliard de dollars liés aux droits de tirage spéciaux du FMI n’a encore pu être confirmée.
Parmi les autres points liés à la politique monétaire, le gouverneur s’est prononcé contre un système visant à stabiliser le taux de change (identique à celui qu’il avait piloté entre les années 1990 et jusqu’à mi-2019 avec une monnaie stabilisée au taux moyen de 1 507,5 livres pour un dollar). Le FMI prône lui un système flottant avec des interventions limitées à la défense de la monnaie contre la spéculation. Le gouverneur a aussi démenti les rumeurs l’accusant d’avoir influencé le taux de change sur le marché parallèle pour des raisons politiques et a considéré que l’usage croissant de la plateforme de change Sayrafa avait contribué à réduire la taille du marché noir. Il n’a enfin pas écarté la possibilité d’imprimer de nouvelles coupures de billets, sans s’avancer sur un calendrier ou de nouvelles dénominations.
Mais c’est qui encore ce RS?? Le Blanchisseur recherché par un ensemble de procureurs européens , et quI fume le cigare tranquillement , derrière des vitres blindées , dans son bureau à la banque centrale ??
12 h 26, le 24 juin 2022