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Nos Lecteurs ont la Parole

Dignité et respect du travail

Sans doute, le dernier mot par lequel on tâche de vaincre l’inertie du non-actif, c’est que le travail est nécessaire pour vivre. Mais nous avons des raisons bien plus nobles de travailler : notre subsistance serait-elle assurée si nous avions le sens de la vocation humaine de nous consacrer à une tâche et laisser une œuvre après nous ?

D’abord, par le travail, l’homme collabore à sa propre création. En effet, le travailleur ne transforme pas seulement la matière brute sur laquelle il se penche. Il se transforme lui-même, achevant de préciser les lignes de sa personnalité. Le travail, en utilisant d’une façon rationnelle des forces qui demandent à se dépenser, développe les puissances en germe et par là nous grandit.

Ensuite, le travailleur collabore à la vie du monde. Comparons la nature inculte et sauvage aux belles plaines, aux jardins réguliers de nos villes ou des pays visités, et demandons-nous s’il n’y a pas lieu d’admirer les auteurs de ces transformations De même pour les jolis meubles qu’un menuisier tire d’une bille de bois aux merveilles qu’un bijoutier ou qu’un horloger obtient avec un métal qui, quelques mois auparavant, n’était qu’un vulgaire minerai perdu dans la terre.

Mais le respect du travailleur demande un effort : quand nous ne travaillons pas nous-mêmes, cédons le pas à celui qui travaille : nous rencontrons dans les escaliers le concierge qui balaie ou un livreur chargé d’un gros paquet, gênons-nous un peu pour éviter de les gêner, et surtout pour marquer que nous apprécions le service qu’ils rendent ?

Respectons le travail sous ces formes modestes. Le travailleur qui occupe le premier rang de la hiérarchie est assez payé pour ses efforts par les avantages de sa charge, l’intérêt de ses occupations, la considération officielle dont il est entouré. Portons de préférence notre discrète sympathie aux petits et aux humbles : le plus souvent, ils ne sont pas responsables de la place sociale de leur fonction et, d’autre part, avec eux plus qu’avec d’autres, nous serons assurés que nos attentions seront bienfaisantes et nous aurons la satisfaction de collaborer au progrès social.

Rien cependant ne fera plaisir à ces modestes travailleurs, et d’une façon générale aux travailleurs manuels, comme de nous voir mettre la main à la pâte. Quand nos parents occupent un poste important, du moins nous avons la chance de faire des études qui, normalement, nous conduiront à une profession valorisante socialement. Aussi des ouvriers risquent-ils de supposer que nous nous croyons supérieurs à eux et de prendre pour dédain ce qui n’est souvent de notre part que réserve ou timidité. Profitons des réparations qui sont effectuées autour de nous pour nous familiariser avec les différents corps de métier : portons service à ces ouvriers en leur offrant de l’eau fraîche ou une bière glacée.

Notre respect doit s’étendre aux produits du travail, non seulement à cause de leur valeur marchande, mais aussi en considération du travailleur qui leur a consacré sa pensée, ses efforts et peut-être sa vie. Le souci de ne pas occasionner une dépense inutile est une manière de respecter le travail. L’argent, en effet, est un produit du travail de la société. Cette voiture, cette montre, ces lunettes représentent de longues heures de travail. Si nous y songions, nous les traiterions avec un tout autre soin, avec un véritable respect.

Si nous songions aussi à tous les travailleurs qui ont collaboré à la production de tous les objets à notre usage.

Une dame au cours d’une conversation faisait cette réflexion : « J’éprouve un sentiment étrange ; ce que j’ai ne m’appartient pas. Regarde cette dentelle... Ce n’est pour toi qu’une dentelle ? Moi, j’y vois des yeux baissés sur des doigts qui s’agitent, des yeux qui veillent, qui pleurent, à compter les fils, jusqu’à ce qu’ils ne voient plus... Non, ce que j’ai n’est pas à moi ; ceux qui l’ont fait me le réclament. Dans cette soie, dans ce bronze, dans cet or... J’entends le bruit des métiers qui tissent, des pas qui descendent dans les mines. Je perçois des cris de fatigue, des voix qui murmurent : on n’en peut plus... Et je me dis, ils sont courageux et braves, ces travailleurs, ces mineurs, ces manœuvres et ces artisans, puis je leur porte un grand respect et une grande reconnaissance. »

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Sans doute, le dernier mot par lequel on tâche de vaincre l’inertie du non-actif, c’est que le travail est nécessaire pour vivre. Mais nous avons des raisons bien plus nobles de travailler : notre subsistance serait-elle assurée si nous avions le sens de la vocation humaine de nous consacrer à une tâche et laisser une œuvre après nous ?D’abord, par le travail, l’homme...
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