Rechercher
Rechercher

Culture - Webinaire

Salomé, Pénélope des temps modernes

Sarah Briand était l’invitée d’une rencontre littéraire virtuelle, organisée par le BEMO Virtual Art Club (Bevac) et menée par Georgia Makhlouf, à l’occasion de la sortie de son premier roman « Les pépins de grenade » (éd. Fayard).

Salomé, Pénélope des temps modernes

Sarah Briand : « Au sein de chaque famille, il existe souvent des silences qui couvrent des histoires honteuses. » Photo éditions Fayard

Récit mêlé entre histoire contemporaine et histoire durant la Seconde Guerre mondiale, le premier roman de Sarah Briand, Les pépins de grenade (éd. Fayard), relate le parcours entre la France et les États-Unis de Salomé, une journaliste française qui, dans les ruines de Carthage, rencontre Andrew, un jeune soldat américain. Celui-ci la mettra sur les traces d’un membre de sa famille, André, un paysan de l’Ardèche appelé à combattre durant la Seconde Guerre, et qui sera ensuite fait prisonnier avant d’être finalement nommé « juste parmi les nations » (titre donné à ceux qui ont sauvé des juifs, NDLR). Deux histoires qui se chevauchent et se font écho, à la première personne pour André et à la troisième personne pour Salomé. Deux histoires qui ravivent la mémoire et entraînent le lecteur dans les affres de la Seconde Guerre mondiale, tout en suivant une histoire d’amour qui se construit en parallèle. Il s’agit du premier roman de Sarah Briand.

Lire aussi

Issa Makhlouf, humaniste éclairé

Journaliste et écrivaine, celle-ci a passé toute son enfance en Ardèche avant de partir vivre en famille au Liban où son père avait obtenu un poste d’expatrié. Passionnée de littérature, elle obtient son baccalauréat (section littéraire) au Lycée français de Beyrouth et s’inscrit en lettres modernes à l’Université Saint-Joseph où elle obtient un DEUG. De retour en France, elle continue ses études supérieures en licence et maîtrise à l’Université de Grenoble en lettres et langues. Devenue journaliste et réalisatrice de films documentaires sur France 2, elle travaille aux côtés de Laurent Delahousse pour le Journal de 20 heures chaque week-end, mais aussi pour l’émission Un jour un destin. Si Les pépins de grenade est son premier roman, Sarah Briand a déjà publié deux biographies, l’une consacrée à Simone Veil : Simone, éternelle rebelle, et l’autre à Romy Schneider, Romy, une longue nuit de silence, toutes deux parues aux éditions Fayard, et initié le recueil Pour l’amour de Beyrouth où, sous sa direction, 35 personnalités – artistes et écrivains libanais et français – ont accepté de raconter leur Beyrouth et le lien intime qu’elles entretiennent avec cette ville.

Quand se déclenche l’envie d’écrire

Avec ce livre, Sarah Briand passe au roman pour la première fois. Et avoue que le travail de documentariste lui a beaucoup servi : « Raconter un destin, c’est se mettre dans la peau d’un détective privé », déclare-t-elle lors d’un webinaire organisé dans le cadre des activités du BEMO Virtual Art Club. « Je me suis beaucoup intéressée aux femmes dont le destin va un jour basculer et je me suis rendu compte que ce qui était surtout raconté, en l’occurrence pour Simone Veil, était le destin politique mais jamais la femme qui se cachait derrière cette carapace. Le journalisme offre un formidable terreau où lorsqu’on fouille, on découvre des choses inédites : le choix de ces femmes, leur moteur de vie et leur face intime. La trame romanesque de mon écriture est de visualiser leur destin et de trouver le fil conducteur de ces femmes ordinaires qui ont eu une vie extraordinaire. » Et d’ajouter : « Je n’avais pas prévu d’écrire un roman, mais j’avais dans mon entourage de grands romanciers. Pour les avoir longtemps côtoyés, il m’arrivait de poser des questions sur les méthodes d’écriture, il n’y avait pas de mode d’emploi mais des façons différentes de procéder. Certains établissaient des tableaux Excel, d’autres des bibles et des fiches sur les personnages. C’est en travaillant sur la biographie de Simone Veil que l’histoire a germé (il existe un lien entre le voyage de Salomé à Carthage et à Washington pour visiter le musée de l’Holocauste, et le passé de Veil. »

Pour mémoire

« Simone Veil n’était pas féministe, mais elle a vraiment œuvré pour les femmes »

Un lien évident, fait remarquer Georgia Makhlouf, qui anime la rencontre virtuelle, entre Salomé journaliste et Sarah Briand. « L’histoire, confie l’auteure, m’est venue d’une façon très cinématographique, et le fait de travailler sur des documentaires m’a aidée à voir très nettement un film, sauf que j’ignorais tout de la fin de mon roman, y compris comment on peut perdre ses personnages en chemin. Pour le personnage d’André, je me suis inspirée du parrain ardéchois de ma mère. Lorsque j’ai visité le Mémorial de la Shoah et repéré sur le mur des Justes le nom de mon aïeul, le déclic est venu et a réveillé une émotion. »

Un roman à double entrée

Dans Les pépins de grenade, André tente de retrouver Blanche et Salomé de retrouver Andrew. La journaliste attend un amour naissant et recherche en même temps cet aïeul dont elle ignorait tout. Une position de miroir pour ce double récit où Sarah Briand enquête et tente de tirer un fil dans une dimension proche de l’autobiographie. Lorsque Georgia Makhlouf relève le silence de cet aïeul que mentionne l’auteure en soulignant qu’au sein de chaque famille, il existe souvent des silences qui couvrent des histoires honteuses, alors que dans le cas d’André, il est surtout question d’héroïsme, Sarah Briand s’explique : « Le silence d’André renvoie au passé d’un homme simple qui vivait dans un monde rural. Il a la pudeur des gens de la campagne et l’humilité des protestants. Engagé pour la première fois pour combattre un ennemi qu’il ne connaissait pas, il est fait prisonnier. Plus tard, lorsqu’une famille juive apparaît sur son chemin, il ne se posera pas de question pour se décider à lui venir en aide, sauf qu’au sortir de la guerre, il n’en parlera jamais, et pourtant dans son entourage, il était considéré comme un héros. » « Est-ce que j’aurais fait ce choix, est-ce que j’aurais risqué ma vie ? » s’interroge alors Sarah Briand. « Ce roman est une façon de lui rendre hommage et de mettre en perspective ce que les hommes et les femmes sont capables de faire par humanité et à toutes les époques », précise l’écrivaine qui, pour avoir beaucoup enquêté sur le sujet, restitue la vie dans les camps avec beaucoup de réalisme et décrit le quotidien de ces prisonniers dont on a peu parlé.

Lire aussi

Quand Marianne Saradar Barakat recense les vices (et les vertus) de la bourgeoisie libanaise...

Rendre hommage à ces héros anonymes était pour elle essentiel. Son roman est à double entrée ; deux hommes, André et Andrew, et deux femmes, Salomé et Blanche, qui attendent. « Cela fait écho à l’Ukraine et à ces femmes qui attendent leurs hommes, relève encore Sarah Briand. Le roman se penche aussi sur la thématique de l’enfermement, de la résilience et de la persévérance. » Quid du titre ? lui demande la coordinatrice du débat. « Il joue un rôle fugitif mais néanmoins important, réplique l’auteure. J’aime beaucoup ce fruit qui représente le soleil, la Méditerranée, l’exotisme et un clin d’œil au Liban, tout comme le nom de la physiothérapie en la personne de Claire Gemayel. La grenade est aussi un fruit à un double sens. Lorsque la grenade blesse Andrew, c’est toute la noirceur de la guerre qui remonte à la surface. »

Salomé est une Pénélope des temps modernes, mais qui ne l’est pas aujourd’hui ? Ne sommes-nous pas tous en attente de quelque chose dans cette vie ?

« Les pépins de grenade » de Sarah Briand (éditions Fayard).

Récit mêlé entre histoire contemporaine et histoire durant la Seconde Guerre mondiale, le premier roman de Sarah Briand, Les pépins de grenade (éd. Fayard), relate le parcours entre la France et les États-Unis de Salomé, une journaliste française qui, dans les ruines de Carthage, rencontre Andrew, un jeune soldat américain. Celui-ci la mettra sur les traces d’un membre de sa...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut