Le chef du Courant patriotique libre (CPL), Gebran Bassil, l'un des candidats officieux à la présidentielle libanaise, a déclaré ne pas s'attendre à ce que les sanctions américaines qui le visent pour corruption soient levées avant le scrutin d'octobre. Abordant également les élections législatives du 15 mai, le leader chrétien et gendre du chef de l'Etat, Michel Aoun, a estimé qu'il n'était pas nécessaire de réélire son rival chiite Nabih Berry à la présidence du Parlement. Un poste que ce dernier occupe sans interruption depuis 1992.
"Je ne m'attends pas à ce que les sanctions américaines à mon égard soient levées avant l'élection présidentielle, car c'est une décision politique", a lancé mercredi soir le député de Batroun, dans une interview à la chaîne pro-Hezbollah Al Mayadeen. Il y a quelques semaines, M. Bassil avait affirmé à L'Orient-Le Jour qu'"on peut être président du Liban même en étant sous sanctions américaines".
En novembre 2020, le Bureau du contrôle des actifs étrangers (Office of Foreign Assets Control, OFAC) du département du Trésor américain avait sanctionné Gebran Bassil "pour son rôle dans la corruption au Liban". Le Trésor lui reproche des pratiques de corruption du temps où il était à la tête des ministères des Télécommunications, de l’Énergie et des Affaires étrangères. Le chef du CPL est accusé par les Etats-Unis d'avoir approuvé en 2014, lorsqu'il était ministre de l’Énergie, "plusieurs projets qui ont permis à des individus dont il est proche de recevoir des fonds du gouvernement libanais via un groupe de sociétés écrans". Il lui est aussi reproché, entre autres, d'avoir renforcé sa base politique en 2017 en nommant certains de ses "amis" à des positions-clés de pouvoir, et en "achetant" son influence dans les cercles politiques libanais.
Selon notre chroniqueur politique Mounir Rabih, M. Bassil se sert du dossier concernant la délimitation de la frontière maritime avec Israël pour négocier la levée des sanctions américaines à son encontre. Dans ce dossier, Gebran Bassil espère pouvoir bénéficier de l’aide du Qatar, le petit émirat entretenant des liens privilégiés avec les États-Unis. L’Orient-Le Jour a appris que le chef du CPL s’est rendu deux fois à Doha au cours des derniers mois, pour négocier la participation de sociétés qataries à l’exploration pétrolière et gazière au Liban en échange de l’aide du Qatar pour améliorer ses relations avec Washington.
"Rien n'oblige à réélire Nabih Berry"
En outre, Gebran Bassil a visé son ennemi politique juré, le chef du Parlement Nabih Berry, avec qui il a toutefois consenti à s'allier en vue des législatives. "Comment pouvons-nous nous considérer majoritaires avec Nabih Berry comme président du Parlement, alors nous nous opposons en politique ?", a-t-il d'abord questionné. "Rien n'oblige à réélire le président Berry à la tête du Parlement", a-t-il poursuivi.
Ciblant également son rival chrétien Samir Geagea, leader des Forces libanaises, M. Bassil a jugé que "la rue sunnite ne peut pas accepter le leadership" de ce dernier. Il s'est dit prêt de son côté à "coopérer avec les sunnites, s'ils se sentent injustement représentés", et a affirmé que son mouvement préparait une plainte "au sujet des manquements aux règles électorales sur le plan financier, qui ont explosé".
Riyad, Damas et Moscou
Souvent perçu par ses détracteurs comme aujourd'hui isolé sur la scène internationale, Gebran Bassil a évoqué le rôle de l'Arabie saoudite, qui a renoué ses relations diplomatiques avec le Liban après une grave crise déclenchée en octobre dernier. Semblant tendre une perche à Riyad, il a affirmé qu'"aucune ingérence de l'Arabie saoudite dans les élections ne nous est apparue jusqu'à présent sur le plan financier". Il a également appelé à une "relation d'amitié" avec le royaume wahhabite "qui ne soit pas basée sur la complaisance ou les intérêts matériels". Gebran Bassil a également évoqué la Syrie de Bachar el-Assad, où il s'était récemment dit prêt à se rendre. "Damas ne s'ingère absolument pas dans les élections ; la visite à Damas sert l'intérêt du Liban aux niveaux économiques et politiques", a défendu Gebran Bassil tout en précisant que son éventuelle visite aurait lieu après les élections du 15 mai.
Évoquant enfin la Russie, le chef du CPL a assuré que sa relation avec Moscou "était excellente". "J''aurais exprimé mon désaccord avec le contenu du communiqué des AE si j'en avais été préalablement informé", a-t-il lancé, faisant référence au texte publié par le palais Bustros dans la foulée de l'invasion russe de l'Ukraine, le 24 février. Ce texte dénonçait l'offensive de Moscou et appelait la Russie à "arrêter immédiatement" ses attaques. Il avait fait polémique sur la scène libanaise et les autorités ont tenté par la suite de modérer leur position. Le Hezbollah, tout comme le CPL, se sont démarqués de cette position. Le parti de Gebran Bassil avait par la suite signé une entente avec celui de Vladimir Poutine il y a un mois.
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Je suis profondément respectueux pour l’honnêteté, la pertinence,la recherche, la profondeur de l’équipe de notre journal L’Orient- leJour est un grand journal et fait honneur à notre nation Un merci particulier à Anthony Samrani pour la profondeur de son analyse Un Pulitzer , pourquoi pas?
Paul SIDANI
20 h 02, le 29 avril 2022