La tristesse et la colère régnaient lundi à Tripoli (Liban-Nord) lors des funérailles de migrants clandestins, décédés dans la nuit de samedi à dimanche dans le naufrage de leur embarcation au large de Qalamoun, faisant plusieurs morts et suscitant des tensions dans la région et à travers le pays. Si le bilan officiel ne fait état que de six décès jusque-là, plus d'une trentaine de personnes seraient encore portées disparues, alors que les recherches se poursuivent par voies maritime, terrestre et aérienne.
Joints lundi matin par L'Orient-Le Jour, le porte-parole de l'armée libanaise, le colonel Fadi Bou Eid, et le secrétaire général de la Croix-Rouge libanaise, Georges Kettané, ont indiqué que le bilan officiel des morts s'élevait toujours à six personnes, alors que des informations faisaient état de deux autres corps repêchés. Les opérations de recherche menées par la troupe par voies terrestre, maritime et aérienne se poursuivent, a assuré le colonel Bou Eid, au moins 48 personnes ayant été secourues jusque-là. Les migrants qui se trouvaient à bord du navire étaient libanais, syriens et palestiniens.
Selon l'agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), au moins 84 personnes se trouvaient à bord de l'embarcation, avant de faire naufrage à environ 5,5 km des côtes libanaises, et trente personnes seraient encore portées disparues. Une source sécuritaire a indiqué à notre correspondant dans la région, Souhayb Jawhar, que 33 personnes sont toujours portées disparues et auraient probablement péri, alors que sept autres sont mortes. L'Agence nationale d'information (Ani, officielle) précise, quant à elle, que la dépouille d'une femme a été retrouvée lundi matin à Tripoli et celle d'une autre dimanche en fin d'après-midi à Chekka, plus au sud. Trois enfants, âgés de quatre, six et huit ans, et dont la mère a péri dans le naufrage, sont portés disparus, rapporte notre correspondant dans la région, Michel Hallak.
Funérailles sous tension
La capitale du Nord, qui était la scène de violentes tensions la veille, notamment à Tebbané et Kobbé, connaissait un calme précaire lundi matin, ajoute-t-il. Les tensions semblaient se renouveler toutefois à Tripoli peu après midi, des protestataires ayant coupé la route à Bab el-Tebbané à l'aide de bennes à ordures. Des tirs ont également été signalés lors des funérailles des victimes.
Dimanche, l'armée a indiqué que le bateau avait coulé juste après son départ de Qalamoun, au sud de Tripoli, en raison du trop grand nombre de personnes à bord. Mais l'un des survivants a affirmé que l'embarcation avait coulé après avoir été prise en chasse par l'armée. "La bateau de patrouille a percuté à deux reprises notre embarcation (...)", avait-il dit à l'AFP au port, avant que des familles de survivants ne lui demandent de se taire et l'emmènent plus loin.
Lors d'une conférence de presse tenue dimanche à 13h à la base navale de l'armée à Beyrouth, le commandant de la marine militaire, le général Haytham Dennaoui, a expliqué que le navire qui a fait naufrage a été construit en 1974 et mesurait 10 mètres sur une largeur de trois. Il a également affirmé que l’embarcation avait coulé après avoir percuté un bateau de la marine militaire qui la pourchassait, précisant toutefois que l’armée n’avait pas ouvert le feu contre elle.
Colère générale
Dimanche soir, la colère a également éclaté dans la rue dans plusieurs régions du pays en réaction au drame de Tripoli. Plusieurs protestataires ont de nouveau pointé du doigt l'inaction de la classe au pouvoir qu'ils tiennent responsables du départ des migrants dans un pays en proie à des crises multiples.
A Beyrouth, des manifestants ont tenu un sit-in sous tension devant le domicile du Premier ministre, Nagib Mikati, où étaient déployés des forces de sécurité. "Les naufragés sont les victimes de la situation dans le pays, des députés de Tripoli et de tout le Liban", a lancé une personne. "Nous appelons tous les dirigeants à démissionner", a renchéri une autre. Une vidéo partagée sur les réseaux sociaux montre par ailleurs une banderole accrochée devant un luxueux yacht amarré à Nice (sud-est de la France), appartenant au Premier ministre Mikati, sur laquelle il est écrit : "Les habitants de Tripoli se font assassiner par le propriétaire de ce yacht". Avec une fortune estimée à 2,7 milliards de dollars, selon le magazine Forbes, M. Mikati, originaire de Tripoli, est perçu par beaucoup au Liban comme l'un des symboles d'un pouvoir accusé de corruption et de népotisme, et soupçonné d'enrichissement illicite.
Des militants s'en sont également pris au ministre de l'Energie, Walid Fayad, à sa sortie d'un bar dans le quartier d'Achrafieh, et l'ont accusé d'être ivre alors que des naufragés sont encore portés disparus.
Le même cri a été lancé à Saïda, dans le sud du pays, où des dizaines de personnes ont également tenu un sit-in en signe de solidarité avec les migrants de Tripoli, selon notre correspondant dans la région Mountasser Abdallah. "Les morts ne sont pas victimes du naufrage mais de la classe politique corrompue", ont-ils déploré, alors que des convois de motos sillonnaient les rues de Saïda pour dénoncer l'inaction des dirigeants politiques.
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ET DANS DEUX SEMAINES ILS VONT OUBLIER ET VOTER MIKATI. QUE DIEU TE GARDE EN PLEIN FORME ACHRAF RIFI POUR ATTRAPER TOUS CES MILLIARDAIRES QUI EXPLOITENT CES MALHEUREUX PAUVRES.
Gebran Eid
18 h 23, le 25 avril 2022