Des pieds et des nains

Les facultés de sciences politiques auraient vraiment tort de ne pas piocher dans les quelques saillies, appelées pompeusement « programmes » et bavées par les candidats, tant du pouvoir que de l’opposition, en vue de la prochaine loterie des 128 perles de la République. Certaines sont de véritables morceaux d’anthologie et l’on se demande parfois où vont se nicher ces trésors d’imagination.

Comme le candidat est à peu près sûr de vendre sa sauce à un électorat basique, il bâclera donc la partie la moins manuelle de son boulot : le programme politique. D’ailleurs, pourquoi va-t-il se fendre d’une synthèse élaborée à l’intention de trois millions de tordus, agrippés à leurs communautés comme des spadassins afghans à un buffet festif ?

Alors forcément, les quémandeurs de strapontin parlementaire nous tartinent du Liban à toutes les entournures. En gros, ça donne à peu près ceci : « Le Liban à tous ses fils », « Tous pour le Liban », « Quinze Liban dépecés valent mieux qu’un seul unifié tu auras », « Le Liban, le missile et moi ». Y a même un cuistre qui n’y est pas allé de main morte : « Vive le Liban », proclame-t-il avec un courage et une originalité qui forcent l’admiration. Des slogans de paquets de lessive, qui ont l’avantage de ne pas trop s’attarder sur des concepts compliqués de développement et de quête de ressources pour les financer.

Pour le reste, rien de bien original. Ne sera catalogué « préférentiel » que le candidat qui aura déversé le plus d’asphalte sur les routes caviardées par les crevasses et les fondrières menant à son caillou natal. La croissance par le goudron électoral, rien de tel pour fouetter un moral frappé de dysfonctionnement érectile.

Puis il y a toujours ceux qui croient qu’il est bon de gaver le populo. Au Liban, jusqu’à il n’y a pas si longtemps, on pouvait engraisser l’électeur de deux façons : directement par le pognon à l’entrée des bureaux de vote ; indirectement par les services rendus, notamment en fourguant à l’administration un taré qui lui est proche. L’État bananier a ensuite inventé une troisième voie : augmenter les salaires des fonctionnaires pour récompenser ceux qui n’en fichent pas une rame et abattre ainsi un pays tout entier par l’explosion des dépenses publiques.

Quand on pense aux minables qui s’excitent parce que la loi électorale ne traite pas les Libanais sur un pied d’égalité. C’est faux ! Cette loi les traite simplement comme des pieds, et c’est largement suffisant. Comme si un texte scandinave allait leur amener 128 parlementaires mieux chambrés ! Dont acte : le dimanche 15 mai, ils iront voter avec leurs pieds.

gabynasr@lorientlejour.com