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Lifestyle - Un peu plus

La petite lumière des nomades libanais

La petite lumière des nomades libanais

La Love Night au 25 Hours Hotel, Dubaï. Photo DR

On nous répète souvent qu’après la pluie, vient le beau temps, que des jours meilleurs nous attendent, que le phénix a rejailli de ses cendres de multiples fois. Laissons le phénix se reposer un peu. Malgré toutes les tentatives de nous redonner espoir, l’obscurité qui nous a envahis est toujours là. Mais dans cette noirceur opaque, il subsiste une petite lumière. Toute petite, mais une lumière quand même.

John Berger a écrit un jour : « For nomads, home is not an address, home is what they carry with them. » Nous sommes devenus des nomades, jetés en pleine nature, ballottés ici et là. Comme les autres générations. Comme nos ancêtres. Comme tous ces Libanais qui ont formé ces vagues d’exodes. Pour le nomade, le foyer n’a pas d’adresse. Son foyer, c’est ce qu’il porte avec et en lui. Et le foyer du Libanais, c’est lui-même. Ce n’est ni ce foutu phénix, ni sa résilience, ni sa capacité à s’adapter à une vie dénuée de toute dignité. La force du Libanais réside en lui. À cette faculté de savoir comment sortir du magma qu’a fait couler sur lui une classe dirigeante sans scrupules, sans conscience ni empathie. Qu’ils soient restés de force au Liban ou qu’ils aient été contraints de partir à l’étranger, de nombreux Libanais ont su créer des opportunités. Ils ont pu se réinventer, malgré la douleur de l’exil et de l’arrachement, ou malgré cette immense prise d’otage.

Paris, Dubaï, Londres, Montréal, New-York, Riyad, Berlin, tant de villes ont accueilli des Libanais(es). Les ont autorisé(e)s à (re)faire leur vie. Et la plupart d’entre eux ont réussi. Et dans cette réussite, ils ont pris avec eux le Liban. Le savoir-faire libanais. Ce petit quelque chose que les autres n’ont pas. Cette empreinte qui est la nôtre. Petits commerces, relations publiques, organisation d’événements, emplois un peu partout, coiffure, esthétique, services, médecine, enseignement. Oui, cette fuite des cerveaux est terrifiante, mais elle laisse aussi la place à ceux et celles qui sont resté(e)s. Ceux et celles qui n’ont pas eu d’autre choix ou ont décidé de continuer leur aventure libanaise. Cette aventure dépasse les frontières. Et là où nous allons, nous semons les graines de notre pays qui ont des fragrances de zaatar et d’eau de fleur d’oranger. Et c’est ce qui garde le Liban vivant.

Il y a deux semaines, une société qui a vu ses boîtes de nuit détruites par la double explosion au port a organisé l’ouverture d’un hôtel à Dubaï. Des centaines d’invités, pour la plupart libanais. Des Libanais qui se sont sentis quelques heures durant à la maison. Ils étaient heureux. Heureux de ne pas se sentir seuls, d’être entourés de gens qu’ils connaissaient ou pas. De danser et de sourire. Oui, nous avons un sens inné de la fête, et il est temps d’arrêter de nous le reprocher. La vie doit continuer, et si on peut offrir des moments de plaisir à ceux qui sont partis, eh bien, pourquoi pas ? Parce que ces exilés étaient heureux, comme tous ceux qui se retrouvent un peu partout dans le monde, au gré de leurs pérégrinations. Et même si c’est triste de voir que c’est ailleurs que ces retrouvailles ont lieu, elles ont quelque chose de rassurant, quelque chose de lumineux. Lorsqu’on part, qu’on quitte sa famille, ses amis, son pays, mais qu’on sait que là où on va, il y aura quelqu’un pour nous ouvrir les bras, on se sent moins seul. Et aujourd’hui, les Libanais ouvrent leurs bras les uns aux autres. Ils sont solidaires, aimants. Ils s’entraident. Invitent chez eux les plus seuls, essayent de leur trouver un logement ou un boulot. Parce que le foyer des Libanais est en eux. Entre eux. Quoi que fassent nos dirigeants, quoi qu’ils entreprennent pour nous mettre à genoux, pour nous rendre esclaves de leurs ambitions, pour nous anéantir et nous réduire, nous ne les laisserons jamais gagner, même s’ils remportent les urnes. Ils ne pourront jamais, mais alors jamais, tuer le peuple libanais. Ce peuple qui le leur fera payer un jour.

Chroniqueuse, Médéa Azouri anime avec Mouin Jaber « Sarde After Dinner », un podcast où ils discutent librement et sans censure d’un large éventail de sujets avec des invités de tous les horizons. Tous les dimanches à 20h, heure de Beyrouth.

Épisode du 27 mars : Eli Rezkallah

On nous répète souvent qu’après la pluie, vient le beau temps, que des jours meilleurs nous attendent, que le phénix a rejailli de ses cendres de multiples fois. Laissons le phénix se reposer un peu. Malgré toutes les tentatives de nous redonner espoir, l’obscurité qui nous a envahis est toujours là. Mais dans cette noirceur opaque, il subsiste une petite lumière. Toute petite, mais...

commentaires (1)

Excellent, merci

Kgz

13 h 52, le 07 avril 2022

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Commentaires (1)

  • Excellent, merci

    Kgz

    13 h 52, le 07 avril 2022

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