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Nos Lecteurs ont la Parole

L’impression de n’avoir pas toujours vingt ans

Curieux, mais on dirait que les escaliers qu’on construit à l’heure actuelle sont plus raides qu’autrefois. Les marches sont-elles plus hautes ? Y en a-t-il davantage ? Qu’en sait-on ? En tout cas, on s’aperçoit qu’on a plus de peine à grimper les marches deux par deux. Tout ce qu’on peut faire, c’est de les gravir une à une.

On remarque aussi l’utilisation de caractères d’imprimerie microscopiques. Les journaux s’éloignent de plus en plus de nous quand on les tient et on se crève les yeux pour les lire. L’autre jour, un voisin d’une cinquantaine d’année a dû reculer d’un pas de plus pour distinguer les lettres d’un faire-part accroché à un tableau. Il serait absurde de suggérer qu’à un certain âge un homme doive porter des lunettes.

Il ne nous reste plus qu’un moyen de savoir ce qui se passe dans le monde : écouter la radio. Et ça ne va guère mieux car, de nos jours, les radios émettent tellement de parasites qu’on les entend à peine. Sinon, il vaut mieux regarder la télévision et ce n’est pas donné...

Tout s’éloigne de nous. Ainsi, la route qui mène à la bifurcation de la place Sassine à Achrafieh est deux fois plus longue qu’autrefois et on y a ajouté une montée qu’on n’avait jamais remarquée auparavant...

Les matins, les cars de transport partent plus tôt. Aussi on a cessé de les prendre. Quand on se dépêche, ils filent encore plus vite. Alors maintenant on prend des taxis-service.

Et les tissus actuels, quelle complication ! Les complets dans l’armoire de la chambre à coucher ont tendance à se rétrécir ou à s’élargir, à la taille. Le fond du pantalon aussi. Et les lacets de souliers sont plus difficiles à atteindre.

Notre climat même se modifie. Les hivers deviennent plus rigoureux, les étés plus torrides. Suivant la saison, nous partirions bien vers des régions plus clémentes ; mais tout est si loin ! La neige est plus lourde dans notre pelle quand nous déblayons la devanture du chalet de montagne ! Les courants d’air sont plus violents qu’autrefois ; cela doit tenir à la façon dont on fait les fenêtres à présent ou cela est dû au changement climatique.

À âge égal, les gens sont plus jeunes que de notre temps. Tout dernièrement, en retournant à l’université, d’où on est sorti diplômés autrefois, pour assister à une réunion d’anciens élèves, on a été péniblement surpris de voir les frimousses angéliques des jeunes inscrits maintenant, on dirait des adolescent(e)s. On doit reconnaître cependant qu’ils/qu’elles sont plus poli(e)s que nous ne l’étions à leur âge. Plusieurs d’entre eux nous ont traités avec déférence, et l’un d’eux nous a proposé de faire un bout de chemin ensemble du campus jusqu’au quartier à côté.

En revanche, les gens de notre âge ont l’air tellement plus vieux que nous. On se rend parfaitement compte que notre génération approche d’un âge mûr avancé. Mais ce n’est pas une raison pour que nos camarades soient atteints de sénilité précoce. L’autre jour, au café-trottoir, on a remarqué un de nos anciens camarades qui a tellement changé qu’on ne l’a pas reconnu. Il a pris du poids, c’est peut-être cette cuisine moderne de hamburgers qu’on distribue chez les chaînes américaines de fast-food. De même, nous avons remarqué, que les alcools ne sont plus aussi forts qu’autrefois. Ah ! ce n’est plus comme au bon vieux temps. Et ces descentes qu’on faisait dans ce fameux bistrot Costa, où des nymphettes sirotaient un bon cappuccino en nous regardant langoureusement !

Ah oui ! Les parties d’autrefois, c’était chouette. Quels bons danseurs nous étions, mais nous sommes devenus un peu lourds. Ces repas à la hâte peuvent y être pour quelque chose, on est persuadés.

On a repensé à ces pauvres vieux camarades des bancs de classe en nous rasant ce matin. Nous sommes restés un instant immobile à nous regarder dans la glace. Décidément, la qualité des miroirs est de loin meilleure à ce qu’elle était. On a l’impression d’avoir vingt ans. Mais est-ce dû à la bonne qualité de la glace ou à ce retour au passé qui nous a rajeunis ? Seul le hasard le sait.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Curieux, mais on dirait que les escaliers qu’on construit à l’heure actuelle sont plus raides qu’autrefois. Les marches sont-elles plus hautes ? Y en a-t-il davantage ? Qu’en sait-on ? En tout cas, on s’aperçoit qu’on a plus de peine à grimper les marches deux par deux. Tout ce qu’on peut faire, c’est de les gravir une à une. On remarque aussi l’utilisation de caractères...

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