Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole

Afin que la présidentielle ne porte pas le coup de grâce à la République

Afin que la présidentielle ne porte pas le coup de grâce à la République

Photo Ibrahim Tawil

On parle déjà de report possible des élections législatives et la guerre entre candidats a commencé.

La vacance de la présidence de la République et le blocage du pays deux ans et demi avant l’élection du président Aoun, et sept mois avant l’élection du président Sleiman, restent toujours vivaces dans notre esprit. Il est fort probable que le même scénario se reproduise en novembre 2022, car encore une fois, il n’y a pas de favori, mais il y a maintes possibilités de blocage à l’horizon.

L’échéance électorale présidentielle depuis cinq décennies, surtout après la fin de la tutelle syrienne, provoque une crise institutionnelle, une longue période de paralysie, et « perturbe » la République des mois avant, pendant et même après.

Plus d’un an avant chaque présidentielle, la plupart des forces politiques commencent à prendre des dispositions pour que soit élu celui qui défend mieux leurs intérêts. Cette année, il s’avère qu’une des dispositions soit le report des législatives pour que le Parlement actuel élise le prochain président, possibilité qui convient à des candidats qui pensent jouir de la majorité parlementaire actuelle. Certaines autres parmi les forces politiques envisagent la possibilité de reporter l’élection présidentielle si elle peut servir leurs propres intérêts, à savoir enliser le pays encore plus dans le chaos pour mieux le contrôler. Plus encore, chaque partie fait pression pour que le gouvernement en place soit sous son contrôle au moment de la vacance présidentielle afin de reprendre les prérogatives du président. De même, chaque candidat et ceux qui l’appuient essayent de créer des alliances avec les blocs parlementaires pour garantir leurs voix, souvent aux dépens des intérêts du pays et des convictions du candidat même.

D’autres tactiques se mettent en jeu au moment de l’échéance : si certains candidats et leurs blocs sentent que le résultat ne jouera pas en leur faveur, ils boycottent simplement la séance parlementaire et empêchent le quorum. Ou bien ils provoquent d’autres interprétations sur le décompte du nombre à assurer pour le quorum ou la majorité requis, compte tenu des députés décédés ou démissionnaires. À la dernière élection, des dizaines de séances parlementaires sur 29 mois ont été nécessaires !

Quant au candidat qui a le plus grand bloc parlementaire de sa confession au moment de l’échéance, il se considère comme celui qui devra être élu et tend à paralyser le processus des élections pour s’imposer, quel que soit le prix à payer par le pays.

L’argent a aussi joué un rôle non négligeable pour convaincre des députés de voter en faveur d’un candidat. À d’autres échéances, l’élection présidentielle n’a été possible que suite à une conférence internationale organisée par l’étranger qui en garantissait les résultats, comme cela s’est produit à Taëf ou à Doha.

Attendre un feu vert de l’étranger ou un choix imposé par l’extérieur a dans le passé retardé les élections ou bien a eu une influence importante sur le choix du président, bien loin du principe de souveraineté sur lequel nous devons rebâtir le Liban. Le pouvoir discrétionnaire du chef du Parlement dans la convocation de l’assemblée pour l’élection et l’influence de ses options personnelles en faveur de tel ou tel autre candidat ont aussi été des complications supplémentaires. Le problème auquel a fait face le président de la République dans toutes les élections précédentes est qu’il reste redevable aux blocs qui l’ont élu et demeure sous leur influence pendant la grande partie de son mandat.

Donc, beaucoup de problèmes et pratiques négatives continuent d’entacher l’élection présidentielle et font grand tort au pays. Il faudrait alors réfléchir à un moyen pour éviter tous ces effets néfastes et qui soit acceptable pour les candidats eux-mêmes et la majorité des partis en présence. En ce moment, les effets négatifs commencent déjà à se faire sentir avec l’approche de l’échéance électorale, comme si nous avions rendez-vous avec des scénarios encore pires que par le passé. La paralysie, les tiraillements et l’obédience à l’étranger risquent cette fois-ci de donner le coup de grâce à la République !

Par où commencer alors pour résoudre ce problème à dimension nationale ? Actuellement au Liban, les députés, qui élisent à leur tour le président, sont choisis non pas pour qu’ils élisent le meilleur président, mais sur la base de leurs services personnels rendus aux citoyens (aux dépens de l’État et non de leur propre poche, bien sûr). Présenter des condoléances, assister aux célébrations familiales, user de l’argent électoral, etc. sont les pratiques utilisées par les candidats aux législatives, et le peuple en majorité leur donne encore son vote sur cette base, ce qui est malsain.

La base sur laquelle les députés sont élus ne produit pas des représentants du peuple aptes à choisir le président idéal ni même de nommer le meilleur Premier ministre.

Je propose donc la solution suivante. Des « délégués » seront choisis au moment de l’échéance dans le but uniquement d’élire le meilleur candidat à la présidence et qui puisse être accepté et appuyé par toutes les composantes et toutes les confessions. Qui devrait choisir ces délégués ? Il est tout à fait normal que ce soit le peuple, source de tous les pouvoirs, pour que le président ait une plus grande représentativité. Étant donné que nous n’avons pas pu encore dépasser le confessionnalisme et que notre Constitution est basée sur l’équilibre entre les chrétiens et les musulmans, il faut trouver un système pour que le peuple élise un président, mais en respectant cette règle.

Quel peut être ce système ? Prenant en considération tout ce qui a précédé et toutes les entraves à chaque élection présidentielle, et pour écarter le risque de report des prochaines législatives, je propose ce qui suit. Deux semaines avant l’échéance présidentielle, des élections préliminaires seront tenues durant lesquelles les citoyens de confession chrétienne choisiront deux candidats parmi ceux qui se présentent. Ces préliminaires devraient se tenir, de préférence, dans des « mégacentres » où chaque personne déposerait son bulletin de vote sur le critère du lieu de résidence, ce qui permet d’éviter les frais de déplacement et d’éliminer le risque d’influence, etc.

Les deux candidats choisis s’affronteront deux semaines plus tard sur la base de la règle de l’équilibre confessionnel. Chacun des deux nomme de sa part – à titre d’exemple – 50 délégués (tenus par l’obligation de voter pour lui), 25 chrétiens et 25 musulmans. Nous aurons ainsi un total de 100 délégués dans la course.

Une fois que les citoyens auront voté, les voix chrétiennes se répartiront sur 50 délégués et les voix musulmanes sur les 50 autres. On saura à ce moment quel nombre de voix chrétiennes ou musulmanes équivalent à un délégué – à condition de respecter l’équilibre confessionnel de 50-50 pour les délégués. Le nombre de voix populaires de chaque candidat déterminera le nombre de ses délégués élus et sur ce, le candidat qui aura obtenu le plus grand nombre de délégués sera élu.

Ainsi, le président aura été élu directement par le peuple, mais en respectant l’équilibre confessionnel, en dépassant la question de la démocratie du nombre, et tous les désavantages – tels que le blocage, l’absence de quorum, l’intervention étrangère – auront été ainsi contournés.

Ce système pourrait conforter la souveraineté et la libre décision, et éviter au président d’être tributaire de quelques blocs parlementaires. Le président sera alors fort par l’appui de son peuple et non pas grâce à des alliances passées avec des députés qui, rappelons-le, n’ont pas été élus sur la base de qualités leur permettant de choisir un président.

Il devient alors logique d’adopter le même système pour désigner le Premier ministre du mandat. Les citoyens de confession musulmane élisent deux candidats, puis le peule choisit l’un des deux, toujours selon le principe de l’équilibre confessionnel assuré par les délégués.

À part tous les arguments précités en faveur d’un tel système, celui-ci aura l’avantage d’éviter l’impasse à la prochaine échéance présidentielle et d’échapper à toutes les tensions la précédant.

Il faut contourner le piège du report des législatives de mai prochain : cette situation, si elle venait à se produire, paralyserait les institutions et favoriserait le blocage, et serait suivie d’un blocage de la présidentielle pendant des années, à un moment où la situation est déjà désastreuse et la population complètement désespérée, ce qui pourrait avoir raison de la République.

Je propose ce système dans le contexte des tensions qui commencent à monter en prévision de la présidentielle, mais aussi suite à mes propositions antérieures d’entamer certains amendements constitutionnels nécessaires au cas par cas, là où on peut trouver un quasi-consensus entre les parties plutôt que de se diriger, comme le suggèrent certains partis, vers un congrès national constitutionnel sur des sujets à l’échelle nationale tels que le Parlement des trois tiers, un sujet de grande discorde et que le Hezbollah, de par son hégémonie de facto, pourrait essayer d’imposer à cette occasion. Commencer par résoudre un problème à la fois pour éviter un blocage du pays, par une réforme constitutionnelle qui n’avantage pas d’emblée l’une ou l’autre partie, est la base de ce que je propose.

Traduction d’un texte publié en arabe dans « an-Nahar » du 20 janvier 2022.

Dr Habib ZOGHBI

Président honoraire de l’Association des diplômés de Harvard au Liban et ancien professeur en maîtrise à New York University.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

On parle déjà de report possible des élections législatives et la guerre entre candidats a commencé. La vacance de la présidence de la République et le blocage du pays deux ans et demi avant l’élection du président Aoun, et sept mois avant l’élection du président Sleiman, restent toujours vivaces dans notre esprit. Il est fort probable que le même scénario se...

commentaires (2)

Article d’autant plus pertinent après plus de six mois de vacance présidentielle dont on ne voit toujours pas la fin. Effectivement le Liban est un des rares pays au monde où le peuple élit des députés qui désignent un président et un premier ministre comme bon leur semble sans aucun contrôle de leurs électeurs. La proposition mentionnée dans cet article revient à un système de « grands électeurs » à l’américaine, répartis sur base confessionnelle. Si les députés officiellement opposés au Hezbollah, censés être majoritaires depuis mai 2022, n’arrivent toujours pas à se mettre d’accord sur un candidat présidentiel unique, on sera obligés de recourir à un tel plan B, qu’il faudra certainement imposer par la mobilisation populaire, contre le Hezbollah qui a tout intérêt à préserver le vide présidentiel à défaut de pouvoir imposer son candidat. Dans les détails je préfère plutôt un système d’élection législative où chaque liste déclare son candidat président et son candidat premier ministre et ceux qui obtiennent la majorité relative sont élus. Ainsi « La base sur laquelle les députés sont élus ne produit pas des représentants du peuple aptes à choisir le président idéal ni même de nommer le meilleur Premier ministre. » —> Problème résolu !! Sinon que faire en cas de vote de défiance de la majorité des parlementaires contre le gouvernement ? Soit on l’interdit mais alors plus aucun moyen de contrôler l’action du gouvernement, soit on le garde mais alors rien ne change..

Citoyen libanais

23 h 20, le 14 mai 2023

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • Article d’autant plus pertinent après plus de six mois de vacance présidentielle dont on ne voit toujours pas la fin. Effectivement le Liban est un des rares pays au monde où le peuple élit des députés qui désignent un président et un premier ministre comme bon leur semble sans aucun contrôle de leurs électeurs. La proposition mentionnée dans cet article revient à un système de « grands électeurs » à l’américaine, répartis sur base confessionnelle. Si les députés officiellement opposés au Hezbollah, censés être majoritaires depuis mai 2022, n’arrivent toujours pas à se mettre d’accord sur un candidat présidentiel unique, on sera obligés de recourir à un tel plan B, qu’il faudra certainement imposer par la mobilisation populaire, contre le Hezbollah qui a tout intérêt à préserver le vide présidentiel à défaut de pouvoir imposer son candidat. Dans les détails je préfère plutôt un système d’élection législative où chaque liste déclare son candidat président et son candidat premier ministre et ceux qui obtiennent la majorité relative sont élus. Ainsi « La base sur laquelle les députés sont élus ne produit pas des représentants du peuple aptes à choisir le président idéal ni même de nommer le meilleur Premier ministre. » —> Problème résolu !! Sinon que faire en cas de vote de défiance de la majorité des parlementaires contre le gouvernement ? Soit on l’interdit mais alors plus aucun moyen de contrôler l’action du gouvernement, soit on le garde mais alors rien ne change..

    Citoyen libanais

    23 h 20, le 14 mai 2023

  • c'est bien la que nous aurions eu besoin des predictions de michel hayek & Co car avec les crapules qui gerent notre nation, impossible d'espere connaitre une verite, a n'importe quel sujet.

    Gaby SIOUFI

    11 h 16, le 04 mars 2022

Retour en haut