Le ministre libanais des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib, a estimé que l'appel des pays arabes du Golfe à un désarmement du Hezbollah pour régler la crise diplomatique avec le Liban mènerait à une "guerre civile". Cette mise en garde du chef de la diplomatie intervient alors que la réaction des monarchies du Golfe à la réponse libanaise à la feuille de route transmise par le Koweït en janvier dernier se fait toujours attendre.
"Nous demander de faire quelque chose qui dépasse nos moyens constitue un appel à une guerre civile que nous refusons", a affirmé vendredi M. Bou Habib, dans un entretien avec le journaliste Imad Marmal du quotidien Al-Joumhouria.
Le Liban tente, depuis plusieurs mois, de restaurer ses liens avec les monarchies du Golfe, après la crise diplomatique déclenchée en octobre dernier par l'ancien ministre de l'Information Georges Cordahi sur le rôle de Riyad dans la guerre au Yémen. Si depuis la démission du ministre, des avancées avaient semblé se profiler, elles ne se sont pas concrétisées. Le Koweït avait soumis douze propositions aux autorités libanaises, lors d'une visite de son chef de la diplomatie à Beyrouth en janvier, afin de s'orienter vers un dégel diplomatique. Cette feuille de route comprenait plusieurs requêtes générales de la communauté internationale, comme l'organisation des législatives et le lancement de réformes, ainsi que certains points comme l’appel au respect de la résolution 1559 de l'ONU, adoptée en 2004 et qui porte, entre autres, sur "le désarmement et la dissolution de toutes les milices", à savoir le Hezbollah, financé par l'Iran. Le Liban avait estimé, dans sa réponse, que l'application de cette résolution nécessite du temps et n'a pas commenté directement la possibilité d'un désarmement du parti pro-iranien.
Fin janvier, le chef de la diplomatie koweïtienne, cheikh Ahmad Nasser al-Mohammad al-Sabah, avait annoncé que la réponse du Liban aux propositions était "à l'étude" et que des décisions seraient prises concernant la suite à donner à cette initiative.
"Une réunion du Conseil de coopération du Golfe est prévue à la fin de ce mois, et le dossier libanais devrait y être évoqué", a précisé M. Bou Habib. Le ministre a ensuite affirmé que les responsables koweïtiens étaient "très rassurés par la réponse libanaise que je leur ai transmise". "Le chef de la diplomatie (koweïtienne) est quelqu'un de très compréhensif et coopératif", a ajouté son homologue libanais.
Frontière maritime
Par ailleurs, Abdallah Bou Habib a abordé la question des pourparlers entre le Liban et Israël pour la délimitation de la frontière maritime en vue de l'exploitation de carburants offshore. Il s'est, dans ce contexte, dit en faveur d'un tracé en vertu de la ligne 23 et non celui de la ligne 29 qui reflète de revendications libanaises maximalistes rejetées par Israël.
"Est-ce que nous voulons nous lancer dans des batailles populistes ou bien obtenir des résultats ?", a demandé le ministre, dans une réponse claire aux revendications maximalistes. Il a ainsi rappelé qu'un décret portant sur la ligne 23 avait été émis il y a 11 ans et signé par le président de la République de l'époque, Michel Sleiman, et le Premier ministre actuel, Nagib Mikati, qui l'était aussi à cette date-là. "La continuité fait partie du pouvoir et l'Etat doit respecter ses signatures", a affirmé M. Bou Habib.
L’émissaire américain Amos Hochstein, qui a effectué récemment une visite de deux jours à Beyrouth pour relancer les pourparlers indirects entre le Liban et Israël autour de la délimitation de leur frontière maritime, s'était déclaré "très optimiste", affirmant que le processus se trouvait dans la phase de "comblement des lacunes pour aboutir à un accord".
Les pourparlers avaient démarré en octobre 2020, sur la base d’une zone contestée d’une superficie de 860 km² à partager entre les deux pays et située entre la ligne 1 officiellement revendiquée par Israël et la ligne 23 revendiquée par le Liban auprès des Nations unies en 2011. La ligne Hof, du nom du diplomate américain Frederic Hof qui avait joué les médiateurs entre les deux parties entre 2010 et 2012, attribuait au Liban 55% de cette zone contre 45% à Israël. Mais au terme de quelques rounds, les négociateurs libanais formés d’experts militaires et civils ont présenté une revendication maximaliste de 1.430 km2 supplémentaires limitée par la ligne 29. Les pourparlers avaient fini par être suspendus en décembre 2020. Le chef de l’État, Michel Aoun, avait alors fait de la revendication maximaliste libanaise son cheval de bataille, avant de faire volte-face et de s’abstenir de signer le décret amendant la superficie de la zone réclamée par le Liban. Face aux revendications libanaises qu’il jugeait excessives, l’État hébreu avait menacé d’élaborer un tracé maximaliste de son cru, qui aurait empiété sur quatre blocs libanais et bloqué toute négociation.
Vous ne voulez pas de guerre civile, nous ne voulons plus du vivre en commun avec eux. Donc divorçons
14 h 02, le 19 février 2022