
Lors du décompte des voix, hier, pour l’élection du conseil d’administration de la Ligue des enseignants du secondaire de l’école publique. Photo Siham Antoun
Les partis politiques au pouvoir ont remporté une franche victoire hier, en portant la totalité des candidats de leur liste au conseil d’administration de la Ligue des enseignants de l’enseignement secondaire officiel. Et ce au terme d’un scrutin qualifié de démocratique, mais entaché d’accusations de collusion avec la caste au pouvoir, qui s’est déroulé à l’école officielle Zahia Selman, de Jnah-Bir Hassan. La « Liste du travail syndical unifié », constituée d’une coalition des partis Amal, Hezbollah, courant du Futur, Parti socialiste progressiste, Marada, avait pourtant entretenu le flou jusqu’à la veille du scrutin sur ses capacités à affronter les deux autres listes de l’opposition. Elle avait laissé entrevoir une possibilité pour les candidats de se présenter en rangs dispersés, sans former de liste. Ce qui a donné de l’élan aux deux listes adverses, baptisées « Les forces du changement syndical » et « Moustakilloun (indépendants) », qui se sont lancées âprement dans la bataille… l’une contre l’autre. Résultat, la bataille qui s’annonçait morose a finalement bien eu lieu. Cerise sur le gâteau, Élias Mondalak, le candidat proche du Courant patriotique libre (créé par le chef de l’État Michel Aoun et présidé par son gendre Gebran Bassil), n’avait pas été intégré à la liste des partis politiques. Il a finalement été élu. Il faut dire que cette liste était incomplète. Comptant 17 candidats au lieu de 18, elle a laissé la voie libre au candidat du CPL, soutenu par ses alliés du Hezbollah notamment.
577 délégués, dont 100 directeurs d’établissement
Les règles de ce scrutin en plusieurs étapes permettent de mieux comprendre les enjeux de l’élection. Elles permettent surtout de prendre conscience de la solidité de l’emprise de la classe politique sur les institutions et les syndicats. Une emprise que n’a cessé de dénoncer le soulèvement populaire depuis le 17 octobre 2019, sur fond d’effondrement de l’État et de crise économico-politico-financière sans précédent. Mais ce discours, porté par les deux listes se revendiquant de l’opposition, n’a semble-t-il pas mobilisé. La première étape de l’élection se déroule au préalable au sein des institutions scolaires publiques, qui doivent chacune voter pour ses délégués. Le nombre de délégués scolaires attribué à chaque établissement dépend du nombre d’enseignants cadrés du secondaire. Ainsi, chaque tranche de 15 enseignants donne droit à un délégué, 16 enseignants étant représentés par deux délégués… C’est dans ce contexte que 7 000 enseignants cadrés ont nommé 577 délégués habilités à élire un conseil d’administration composé de 18 membres. « Parmi ces délégués, il y a une bonne centaine de directeurs d’établissement directement nommés par les partis au pouvoir, et particulièrement le courant du Futur, pour des considérations partisanes et non éducatives », dénonçait Siham Antoun, candidate issue de l’opposition, peu avant le scrutin. « Il y a pourtant conflit d’intérêts, et les chefs d’établissement ne doivent pas avoir le droit d’être délégués », se désolait l’enseignante et militante, qui ambitionnait d’amender les règles du vote.
Selon les résultats définitifs publiés hier en fin d’après-midi, 503 délégués sur 577 ont voté. Voici par ailleurs le nombre de voix obtenues par les candidats : Moulouk Mehrez 255 voix, Sahar Serhan 234, Ismat Daou 229, Najeh Rifaï 227, Fouad Ibrahim 227, Ahmad Mahrabouni 226, Ghassan Zeïdan 224, Ghassan Abi Fadel 223, Haïdar Khalifé 222, Mohammad Walid Haffar 221, Antoine Bou Abdallah 213, Firas el-Hass 213, Zein el-Abidine Jammal 212, Richard Abou Mehrez 209, Naji Yassine 209, Haïdar Ismaïl 203, Nidal Abdallah 200, et enfin Élias Mondalak 200. « En moyenne, les deux listes de l’opposition totalisent plus que la liste gagnante, se console Siham Antoun. La liste gagnante a obtenu en moyenne 208 voix par candidat, celle des forces du changement syndical 178 voix par candidat, et enfin la liste Moustakilloun 75 voix par candidat. »
Pendant le déroulement du scrutin à l’école officielle Zahia Selman, de Jnah-Bir Hassan. Photo Siham Antoun
Tous au chevet des enseignants ?
Il n’en reste pas moins que l’opposition n’a pas brillé hier. Les accusations de collusion avec les partis au pouvoir que ses deux listes se sont lancées ayant probablement bien plus marqué les électeurs que leurs programmes ou leurs candidats. Sans oublier qu’en ces temps de crise économique aiguë, les revendications des enseignants ont désormais pris le dessus, figurant au menu des trois listes. « Nous sommes soucieux de travailler pour les droits des enseignants », expliquait à L’Orient-Le Jour à la veille du scrutin, Moulouk Mehrez, qui a obtenu le nombre le plus élevé de voix. « Tous les enseignants ont aujourd’hui les mêmes revendications salariales, car leurs salaires ne valent plus rien depuis l’effondrement de la monnaie nationale », précisait la candidate sortante, cadre au sein du courant du Futur. Au cœur des revendications enseignantes également, la couverture de santé des enseignants et de leurs familles, les indemnités de transport et celles de fin de service, mais aussi le sauvetage d’une école publique désargentée qui n’a ouvert ses portes que deux semaines cette année, dans le meilleur des cas pour cause de grève de ses enseignants. « Les enseignants sont les plus touchés par la crise. Ils en ont payé le prix fort. D’où la nécessité de se retrouver tous autour d’un seul et même programme », observe Mme Mehrez. Mais pour un syndicaliste soutenant la liste des indépendants, Fayçal Zayoud, « les enseignants du secondaire ont bien vu ce qu’il est advenu de la profession, depuis que les partis politiques ont phagocyté le syndicat ».
D’ici à une semaine environ, le nouveau conseil d’administration devra élire son président ou sa présidente, qui succédera à Nazih
Jebbaoui dont le mandat a pris fin à la mi-janvier. Réussira-t-il là où ses prédécesseurs ont échoué ?
meme le corp enseignant est de meche avec les responsables politiques qui ont ruiner le pays et qui souffrent le plus de la dégradation de la situation économique ne bougent pas. on peut toujours attendre les reformes et le redressement de la situation, je pense que les éléctions ne changeront rien. pauvre Liban
15 h 11, le 31 janvier 2022