Le leader druze Walid Joumblatt a affirmé jeudi soir que si le retrait de l'ancien Premier ministre et chef du Courant du Futur Saad Hariri de la vie politique, qu'il avait annoncé lundi, allait "laisser un vide sur la scène arabe sunnite", le parti joumblattiste ne prendrait aucune décision similaire et poursuivrait son travail politique.
Avec son retrait de la vie politique Saad "Hariri va laisser un vide sur la scène arabe sunnite", a déclaré le chef du Parti socialiste progressiste (PSP) lors de l'émission "Sar el-Wa'et" ("Il est temps") de l'animateur-vedette Marcel Ghanem, sur la chaîne locale MTV. Refusant de se prononcer sur les "circonstances" dans lesquelles a été prise la décision de M. Hariri et du contenu de ses discussions avec ce dernier avant son annonce, il a souligné qu'avec son parti il était "obligé de continuer" son travail politique. "Nous ne fermerons pas les portes de Moukhtara", le fief familial du leader druze dans le Chouf, a-t-il déclaré. M. Joumblatt a ajouté qu'avec son fils Taymour, actuellement chef du groupe parlementaire du PSP, son parti et ses alliés politiques, il allait "continuer à s'opposer au minimum de manière pacifique" au Hezbollah.
Lundi, Saad Hariri avait annoncé son retrait de la vie politique et que ni lui ni son parti ne participerait aux législatives prévues en mai 2022. Une décision qui met dans l’embarras ses différents partis et alliés potentiels, et notamment Walid Joumblatt, le président du Parlement Nabih Berry, mais aussi le Hezbollah qui entretenait ces dernières années un modus vivendi avec l’ex-chef du gouvernement. Dans ce contexte, certains médias évoquaient ces derniers jours la possibilité d'un boycott du scrutin non seulement par d'autres leaders sunnites, comme le Premier ministre actuel Nagib Mikati et l'ex-président du Conseil Fouad Siniora, mais également par d'autres partis comme le Parti socialiste progressiste de M. Joumblatt. Mardi soir, dans un entretien à la chaîne Russia Today, le chef du Courant patriotique libre (CPL, aouniste) Gebran Bassil avait appelé à ce que le scrutin ne soit pas reporté suite au retrait de M. Hariri.
Ces spéculations jettent le doute sur la tenue même du scrutin, sur laquelle insiste pourtant la communauté internationale et qui est perçu par une partie de la population comme une opportunité de renouveau, même partiel, de la classe politique actuelle, accusée de corruption et d'incurie, dans un pays en pleine effondrement financier et socio-économique.
Interrogé sur les futures alliances électorales du PSP, suite au retrait de M. Hariri et du Courant du Futur, Walid Joumblatt a indiqué qu'il annoncerait ses candidats "dans les deux prochaines semaines au maximum", après discussion avec son fils Taymour. Il a cependant refusé de s'exprimer sur des alliances spécifiques dans les différentes régions, évoquant uniquement un "alignement" avec les Forces libanaises du leader maronite Samir Geagea. Soulignant que le député joumblattiste Waël Bou Faour s'était entretenu dernièrement avec M. Geagea dans ce cadre, il a affirmé que d'autres rencontres suivront. Il a en outre estimé que la décision de Saad Hariri allait provoquer une "fragmentation" sunnite à Beyrouth, Tripoli, Saïda et dans d'autres régions lors des prochaines élections.
Walid Joumblatt en a en outre appelé à "ceux qui peuvent entrer en contact avec le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, pour qu'ils lui fassent comprendre la spécificité de la situation libanaise". "Nous demandons au Hezbollah : où allons-nous ? Souhaitez-vous que le Liban devienne un champ de bataille ouvert ? Nous ne sommes pas une plateforme de lancement de missiles, mais une entité indépendante", a-t-il ajouté. Et le leader druze de souligner que le parti pro-iranien "ne peut plus poursuivre ses opérations de contrebande", en allusion probable au trafic en direction de la Syrie. Dernièrement, le chef du PSP s'en était pris à plusieurs reprises et avec virulence au Hezbollah, notamment dans la foulée de la dernière crise diplomatique avec les pays du Golfe. En novembre, M. Joumblatt avait notamment affirmé "avoir été trop patient" avec le parti chiite et l'avait accusé de vouloir mener le pays à l'effondrement économique.
Le Golfe a "abandonné" le Liban
Le chef du PSP a dans ce contexte regretté que les monarchies arabes ont "abandonné" le Liban "sous prétexte que le Hezbollah s'en prend politiquement et personnellement" à elles, estimant que le pays du Cèdre est "victime" de ce conflit. Selon lui, cet "abandon" du Liban par les pays arabes "permet à l'Iran d'avoir une influence plus importante" sur le pays. Il a dans ce contexte indiqué avoir demandé aux autorités russes, lors de sa visite la semaine dernière à Moscou, de "transmettre un message aux Iraniens concernant la nécessité de respecter l'importance et les spécificités du Liban".
Revenant sur les propositions faites le week-end dernier par le chef de la diplomatie koweïtienne Ahmad Nasser al-Mohammad al-Sabah pour mettre un terme à la crise diplomatique avec le Golfe, M. Joumblatt a estimé que la proposition concernant la résolution onusienne 1559, qui prévoit le désarmement de toutes les milices, "nous dépasse" au Liban et ne peut pas être appliquée, mais que la résolution 1701, qui a mis un terme au conflit entre Israël et le Hezbollah en 2006, est "la clé de la sécurité pour tout le Liban".
Parmi les douze points de cette initiative koweïtienne soutenue par Riyad, figurent outre les réformes attendues à l'international pour pouvoir aider le Liban à sortir de la crise, le retour à la politique de distanciation et de non-ingérence dans les affaires des pays arabes, et en particulier des pays du Golfe, la détention du monopole des armes par l’État (et donc le désarmement du Hezbollah), le contrôle des frontières et points de passage frontaliers et le renforcement des mesures de sécurité à l'aéroport, afin d'empêcher le trafic de drogues vers l'Arabie saoudite, ou encore la fin de l'ingérence du parti pro-iranien au Yémen. Le Liban est appelé à rendre samedi sa réponse concernant ce document, lors d'une réunion des ministres arabes des Affaires étrangères au Koweït, à laquelle le chef de la diplomatie libanaise Abdallah Bou Habib a été convié. La crise avec le Golfe avait éclaté fin octobre en raison de propos contestés de l'ancien ministre de l'Information Georges Cordahi sur le rôle de la coalition saoudienne dans la guerre au Yémen. M. Joumblatt a appelé les différentes parties à "quitter le Yémen en toute dignité".
commentaires (7)
C'EST BIEN JOUMBLTT QUI A VOTÉ EN SURPRISE À LA DERNIÈRE MINUTE POUR NOUS AMENER LE HEZBOLLAH SUR LA SÉNE DE POUVOIR. IL FAUT PAS OUBLIÉ. SON PÈRE KAMAL A FAIT LA MÊME CHOSE À L'ÉPOQUE EN VOTANT EN SURPRISE POUR LE MERCENAIRE SYRIEN SLEIMAN FRANFIÉ 1ER, QUI ÉTAIT ÉLU PRÉSIDENT GRACE À UNE SEULE VOIX, CELLE DE KAMAL JOUMBLATT. ON CONNAIT COMMENT FRANGIÉ A SACCAGÉ LE PAYS AVEC SES MARADA. MÉFIEZ VOUS DES JOUMBLATT...TAYMOUR ARRIVE
Gebran Eid
15 h 57, le 28 janvier 2022