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Politique - Focus

Les dessous de la visite du chef de la diplomatie koweïtienne au Liban

Un document listant 12 « conditions » pour rétablir les relations diplomatiques avec le Golfe a été remis aux autorités libanaises par Ahmad Nasser al-Mohammad al-Sabah à l’instigation de Riyad.

Les dessous de la visite du chef de la diplomatie koweïtienne au Liban

Le ministre koweïtien des Affaires étrangères, la cheikh Ahmad Nasser al-Mohammad al-Sabah, lors d’une conférence de presse le 23 janvier 2022 à Beyrouth. Photo Dalati et Nohra/Handout via Reuters

Certes, la visite au Liban du ministre koweïtien des Affaires étrangères durant le week-end écoulé revêt en soi une importance politique. Il s’agit en effet du premier déplacement d’un officiel représentant les monarchies du Golfe depuis la crise diplomatique avec le Liban, qui a éclaté fin octobre suite aux déclarations de l’ancien ministre de l’Information Georges Cordahi sur le conflit au Yémen. En représailles, plusieurs pays du Golfe, l’Arabie saoudite en tête et parmi eux le Koweït, ont rompu leurs relations diplomatiques avec le Liban. Vue sous cet angle, la visite peut donc être considérée comme un premier pas sur la voie du rétablissement de ces relations.

« Je suis porteur de trois messages : la solidarité avec la population libanaise, notre volonté que le Liban ne serve pas de plateforme pour s’attaquer aux pays du Golfe et enfin que le pays du Cèdre effectue les réformes qui lui sont demandées », a déclaré Ahmad Nasser al-Mohammad al-Sabah en entamant sa visite visant, selon lui, à « restaurer la confiance » avec le Liban. Mais au-delà des « trois messages », c’est une liste de douze « idées et propositions » que le diplomate a remise aux autorités libanaises. Celles-ci sont appelées à rendre leur réponse ce samedi 29 janvier lors d’une réunion des ministres arabes des Affaires étrangères au Koweït, à laquelle le chef de la diplomatie libanaise Abdallah Bou Habib a été convié. « Nous commencerons aujourd’hui à étudier la lettre koweïtienne et nous aurons finalisé cela avant samedi », a déclaré ce dernier hier depuis le palais de Baabda.

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Ces propositions ont été présentées par le Koweït à Beyrouth en coordination avec les pays arabes du Golfe, notamment le royaume saoudien. Le ministre koweïtien des Affaires étrangères a d’ailleurs annoncé qu’il visitait le Liban en sa qualité de représentant des pays du Golfe. Et il s’agirait plutôt de « conditions saoudiennes inchangées ». « C’est l’Arabie saoudite qui a demandé au Koweït de mener cette initiative, affirme une source diplomatique arabe. Personne ne veut abandonner le Liban, mais les autorités de ce pays doivent mettre en œuvre ce qui leur est demandé pour que l’État libanais retrouve sa place en tant que membre fondateur de la Ligue arabe dont les décisions devraient être respectées. » Des propos confirmés par un diplomate saoudien qui a déclaré à L’Orient-Le Jour, sous couvert d’anonymat, que « l’Arabie saoudite a accepté l’initiative du Koweït d’effectuer une visite au Liban et de remettre aux autorités un document composé de 12 conditions que le pays doit s’engager à mettre en œuvre pour que les procédures de rétablissement des relations puissent être lancées ».

La démarche du Koweït est donc indissociable des contacts entrepris avec Riyad depuis la démission de Georges Cordahi en décembre dernier, présentée alors en gage de bonne volonté à la veille d’un déplacement du président français Emmanuel Macron à Djeddah. À l’issue d’un sommet avec le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane, le chef de l’Élysée, étroitement impliqué dans le dossier libanais, avait annoncé une initiative consistant en la création d’un « mécanisme de soutien humanitaire franco-saoudien » qui serait financé par Riyad et d’autres pays du Golfe, en plus d’un engagement sur la restauration des liens entre Beyrouth et le royaume. Paris et Riyad avaient toutefois conditionné le rétablissement des relations à « la nécessité de limiter la possession d’armes aux institutions légales de l’État », une allusion au Hezbollah, seul parti à avoir conservé ses armes après la fin de la guerre civile libanaise en 1990. Un appel téléphonique entre le prince héritier saoudien et le Premier ministre libanais Nagib Mikati avait également eu lieu ce jour-là sous l’impulsion du président français.

Ce qui est demandé au Liban

Les « propositions » remises par le diplomate koweïtien demeurent indissociables des conditions saoudiennes imposées par Riyad lors du sommet de Djeddah, dont principalement le respect de la Constitution de Taëf et des échéances constitutionnelles, ainsi que la mise en œuvre des réformes politiques et financières conformément aux termes du Fonds monétaire international (FMI) et de la communauté internationale. La lettre koweïtienne comprend également des points concernant le respect des résolutions 1559 (qui exige le désarmement de toutes les milices, notamment le Hezbollah) et 1701 du Conseil de sécurité (qui avait rétabli en 2006 une cessation des hostilités entre Israël et le Hezbollah) ; le retour à la politique de distanciation et de non-ingérence dans les affaires des pays arabes, et en particulier des pays du Golfe. Autres points figurant dans le document : la nécessité pour l’État libanais de détenir à lui seul le monopole des armes ; le contrôle des frontières et des points de passage, ainsi que le renforcement des mesures de sécurité à l’aéroport pour empêcher le trafic de drogue vers l’Arabie saoudite. Le Liban est également appelé à interdire toute activité politique menée par des parties hostiles au royaume et aux monarchies du Golfe, à l’instar de la conférence organisée il y a quelques semaines à Beyrouth par l’opposition bahreïnie suivie d’une autre, parrainée il y a quelques jours par le Hezbollah, en soutien à l’opposition au régime des Saoud. Également sur la liste : l’exigence que le Hezbollah cesse son ingérence dans le conflit au Yémen et qu’il ne reçoive pas de combattants rebelles houthis.

« Le document place la barre très haut et contient des conditions très difficiles à satisfaire dans leur intégralité, commente la source diplomatique arabe précitée. Mais toute réponse du Liban est censée ouvrir la voie aux négociations avec les pays du Golfe et aboutir à la signature d’une charte conjointe stipulant l’arrêt des agressions politiques, médiatiques et militaires contre ces monarchies. » À la question de savoir si le document exige clairement que le Hezbollah se retire du Yémen, la source répond qu’il s’agit d’une « condition essentielle, même si c’est un objectif difficile à atteindre ». « Mais généralement, lorsque deux parties entament des négociations, chacune d’elles fait monter les enchères pour arriver à ses fins. Il s’agit d’un long chemin nécessairement lié aux développements régionaux et internationaux », tient-elle à souligner.

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Du côté des autorités libanaises, on semble accueillir favorablement la démarche du Koweït. « Le Liban veut réhabiliter les relations avec le Golfe et est prêt à coordonner avec ces monarchies pour restaurer la confiance », affirme un proche de Nagib Mikati. Il concède toutefois qu’il y a des points « qui ne peuvent être réglés rapidement car ils s’inscrivent dans un contexte régional plus large qui dépasse le Liban, comme les armes du Hezbollah et le positionnement du parti chiite ». Il est rejoint par un proche du président Michel Aoun qui rappelle que ce dernier a été le premier à appeler à améliorer les relations diplomatiques avec le Golfe. « Le président est même allé jusqu’à critiquer le Hezbollah, pourtant son allié, et à l’appeler à cesser de porter atteinte aux relations entre le Liban et ces pays », rappelle-t-il. Et de souligner que le président avait récemment invité, sans succès, les protagonistes libanais à discuter de la stratégie de défense nationale autour d’une table de dialogue. Le président du Parlement Nabih Berry a lui aussi positivement réagi aux propositions koweïtiennes, selon un proche de Aïn el-Tiné. Les trois présidents vont d’ailleurs collaborer afin de présenter une réponse écrite annonçant l’engagement total du Liban à rétablir les meilleures relations avec les pays arabes et les monarchies du Golfe. De source gouvernementale, on indique que le Liban négociera la question des armes du Hezbollah dans une logique selon laquelle il s’agit d’un dossier régional qui dépasse les frontières du pays et qui ne peut être résolu que dans le cadre d’un accord global.

Quant au Hezbollah, il dénonce, selon plusieurs sources proches du parti, une tentative de l’Arabie saoudite d’imposer à l’État libanais, par voie diplomatique, ce qu’elle n’a pas été en mesure d’imposer en politique et sur le terrain.

Certes, la visite au Liban du ministre koweïtien des Affaires étrangères durant le week-end écoulé revêt en soi une importance politique. Il s’agit en effet du premier déplacement d’un officiel représentant les monarchies du Golfe depuis la crise diplomatique avec le Liban, qui a éclaté fin octobre suite aux déclarations de l’ancien ministre de l’Information Georges Cordahi sur...

commentaires (8)

Je suis sur que si nous nous soulevons contre le Hezbollah, nosu aurons le support du monde arabe mais aussi du monde occidental. Mais ceci doit commencer par notre soulèvement. Que le premier ministre baisse les baras en disant que cette question dépasse le Liban est un scandale. Le Liban est occupé, il devrait avoir un seul gouvernement en exil et pas une bande de pétainistes.

Bachir Karim

15 h 45, le 26 janvier 2022

Tous les commentaires

Commentaires (8)

  • Je suis sur que si nous nous soulevons contre le Hezbollah, nosu aurons le support du monde arabe mais aussi du monde occidental. Mais ceci doit commencer par notre soulèvement. Que le premier ministre baisse les baras en disant que cette question dépasse le Liban est un scandale. Le Liban est occupé, il devrait avoir un seul gouvernement en exil et pas une bande de pétainistes.

    Bachir Karim

    15 h 45, le 26 janvier 2022

  • Tant que des opportunistes tels aoun bassil et frangieh couvriront la milice sectaire armee vendue a l’Iran, le Liban ne se relevera jamais. C’est eux qui permettent a ces bandes armees de nous soumettre. Un peu de dignité quand meme !!!

    Goraieb Nada

    07 h 42, le 26 janvier 2022

  • Oui le Hezbollah nous pourrit tout mais les Koweitiens qui sont en train de cuire de plus en plus souvent à plus de 50 degrés dans leur pays vont bien finir par devoir l'évacuer et, un jour qui n'est pas loin, je les vois débarquer en masse chez nous

    M.E

    18 h 06, le 25 janvier 2022

  • Faut casser la gueule a l'Iran, une fois pour toutes.

    Remy Martin

    17 h 22, le 25 janvier 2022

  • Vivement une manifestation monstre réclamant le désarmement du hezb traître!

    Wow

    15 h 46, le 25 janvier 2022

  • TRES CLAIR. LES MERCENAIRES IRANIENS DEVRAIENT ETRE DESARMES ET LEURS MILICES DISSOUTES... SINON AUCUNE AIDE AU PAYS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 51, le 25 janvier 2022

  • ""la question des armes du Hezbollah dans une logique selon laquelle il s’agit d’un dossier régional qui dépasse les frontières du pays """ Oh que c'est beau ! comment ne pas etre fiers de la reaction sus mentionnee a la question des armes de khamenai !

    Gaby SIOUFI

    10 h 35, le 25 janvier 2022

  • Tout ce charabia diplomatique compliqué ne pourra pas mener à grand chose . Cela ne dépend pas du Liban .

    Chucri Abboud

    00 h 13, le 25 janvier 2022

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