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Culture - Portrait

Les corps sexuel, politique, social et culturel de Joumana Haddad

La journaliste, traductrice et auteure a fondé en 2009 le magazine « Jasad » (Corps), voulu comme une plateforme pour défendre les libertés sociales, intellectuelles, littéraires, artistiques, politiques et sexuelles, et dénoncer toutes les formes d’oppression. Après une interruption de plusieurs années, le voici de retour en format numérique.

Les corps sexuel, politique, social et culturel de Joumana Haddad

Joumana Haddad se définit comme une femme qui a conservé son âme d’enfant. Photo Imad Diab

D’emblée, Joumana Haddad se définit comme une femme qui a conservé son âme d’enfant. Mais elle est surtout une femme libre et passionnée. « La passion, dit-elle, lorsqu’on la désire, qu’on l’accueille et qu’on l’accepte, on ne la subit plus, elle devient un choix. »

À l’école, elle apprend le français, l’anglais et l’arabe. Par amour pour sa grand-mère, elle découvre l’arménien. L’italien et l’espagnol viendront à l’âge adulte et l’allemand, une langue de plus pour assister ses enfants écoliers au lycée franco-allemand de Beyrouth. Polyglotte, Joumana Haddad parle sept langues. « Sept et demi, je comprends le portugais », corrige-t-elle, avant d’affirmer que les langues lui ont appris à mieux comprendre le monde, lui ont donné une richesse qu’aucun enseignement académique ne procure. « Rester ignorant des autres cultures vous limite dans votre regard sur le monde, relève la journaliste, traductrice et auteure. Les langues m’ont fait découvrir une nouvelle dimension intérieure, de nouvelles facettes de ma personnalité. » Et d’ajouter : « Joumana qui parle italien est différente de celle qui parle l’arabe ou le français. Moi qui suis ouverte à l’autre, posséder plusieurs langues est une véritable porte d’entrée à la communication, à la connaissance des coutumes, à la compréhension de la politique, à la découverte de la littérature. C’est une façon d’élargir ma culture et ma pensée. Aussi loin que mes souvenirs me portent, j’ai toujours écrit. Je ne choisis jamais la langue dans laquelle j’écris, c’est elle qui vient vers moi et m’impose un sujet. » Engagée au quotidien an-Nahar en 1997 en tant que traductrice, journaliste culturelle avant de devenir cheffe du service culturel, elle décide, après 20 ans de carrière, de passer à l’audiovisuel et dirige actuellement un programme qui traite des droits humains dans le monde arabe. « Je suis une activiste, la liberté des hommes est mon combat ! » lance-t-elle.

Légitime défense

Lorsqu’en 2009 elle crée le magazine Jasad, il lui a fallu beaucoup de détermination et de cran pour résister à la censure et aux problèmes de financement. « Le magazine fonctionnait sans publicités, dit-elle, les gens craignaient le sujet, le sexe est tabou. » Deux ans plus tard, après avoir gagné la bataille de la censure, le magazine, à la suite de difficultés budgétaires, suspend sa publication pour renaître aujourd’hui sous une forme digitale, une plateforme numérique qui apporte, en plus du papier, une dimension interactive, audiovisuelle et une version en anglais, le contenu publié étant catalogué dans un numéro trimestriel avec la disponibilité de l’impression. Une plateforme libre où tout le monde est invité à pratiquer son droit d’expression, à se découvrir, à combattre l’injustice, à trouver le bonheur.

Pour mémoire

Rencontre
« Jasad », nouveau magazine où le corps est sans voiles ni tabous

« Érotique, féministe, sociale, philosophique, culturelle, la plateforme est un espace de liberté qui vise l’absolu dans la mesure du possible », dit-elle. Au cours de ces dix dernières années, le monde arabe a été témoin de plusieurs soulèvements, de guerres, de catastrophes et de tragédies humaines. Jasad aborde tous ces sujets, mais la plateforme impose une seule restriction, elle refuse l’anonymat. « Il faut assumer et être capable de confronter avec transparence ses convictions, précise Joumana Haddad. C’est un magazine qui n’a pas de limites, hormis la dignité humaine. » Parce que le corps en général et le corps arabe en particulier sont devenus plus que jamais un terrain de jeu pour l’oppression, l’objectivation, la persécution, la violence et les violations répétitives, Jasad veut s’opposer à « toutes les institutions sociales, politiques, économiques et religieuses qui tentent de diffamer, de faire honte à notre désir légitime d’épanouissement », affirme la journaliste qui se déclare déterminée à démanteler le patriarcat et le système politique qui le soutient.

Le corps sous tous (les) rapports

Joumana Haddad avoue entretenir un rapport privilégié avec son propre corps. « Je suis très à l’écoute de mon corps, affirme-t-elle. Je l’accepte et reçois le monde à travers lui, même l’écriture pour moi demeure charnelle. Le corps sexuel est l’un de mes corps préférés, enchaîne-t-elle. Cela me permet d’embrasser le mystérieux et l’inconnu. Cette dimension du plaisir, du toucher me laisse m’ouvrir à l’autre, mais la sexualité peut être aussi intellectuelle. » Si d’aucuns restent imperméables à cette expérience, c’est simplement par peur, estime Joumana Haddad. « Peur de lâcher prise, d’accepter cette dimension mystérieuse. Les tabous imposés par la religion n’ont qu’un seul but, contrôler le désir. Je respecte le rythme de chacun dans la mesure où il respecte le mien. Tu peux vivre dans un monde en marge de la sexualité sans imposer tes repères et tes références. Vivre et laisser vivre, telle est ma devise. La peur laisse libre cours à l’oppression et le corps religieux en est en partie responsable. Je suis anti-institutions religieuses et athée. Ce n’est pas forcement lié, ajoute-t-elle, quand bien même j’aurais été croyante, j’aurais eu assez d’honnêteté intellectuelle pour dénoncer le vice des institutions religieuses. »

Pour apaiser ses angoisses ou remercier, Joumana Haddad invoque l’univers et remercie la nature. « J’ai beaucoup de gratitude envers la vie et pour ce qu’elle m’offre, c’est cela ma spiritualité. » Quant à son rapport au corps politique, il atteste d’un dégoût absolu. Pour elle, la corruption, le manque d’intégrité et de courage, la lâcheté ont plongé le Liban dans le dernier cercle de l’enfer. Elle regrette les vrais hommes d’État, convaincue que cette décadence n’est pas imposée, que c’est bien le peuple libanais qui l’a fabriquée. « ll existe au départ, dit-elle, un vice de forme. Plutôt que de se concentrer sur la notion d’un seul peuple, les pouvoirs externes et internes ont insisté que ce pays, formé de 18 communautés, devait appliquer le concept du “vivre-ensemble”. » Pour la journaliste et auteure, la solution réside dans la laïcité parce qu’« insister sur la différence religieuse, c’est creuser l’écart qui sépare les hommes ». Quant au corps social, il est pour Joumana Haddad dans le paraître et non dans l’être. « Nous n’avons qu’une vie, et nous perdons notre temps à accorder de l’importance au regard de l’autre sur notre vie en s’évertuant à la modifier. Rentrer dans un moule pour satisfaire le jugement de l’autre au lieu de se mobiliser à être heureux est toxique. Susciter l’admiration de quelqu’un doit relever de l’organique. »

Pour mémoire

Joumana Haddad : Je n’ai pas peur de la confrontation


Hormis le corps sexuel, c’est le corps culturel qu’elle privilégie. Il reste pour cette activiste acharnée une autre forme de jouissance. « Le corps créatif donne à la vie une éloquence et un dépassement de nous-même. L’expérience que l’on vit à travers toutes les formes artistiques permet de se découvrir et de jouir de la vie. C’est la seule dimension qui dépasse la chair et qui vise l’absolu, c’est une expérience mystique du domaine du sacré. » Pour toutes ces convictions, Jasad se bat. Et Joumana Haddad promet : « Nous ne resterons pas silencieux. »

D’emblée, Joumana Haddad se définit comme une femme qui a conservé son âme d’enfant. Mais elle est surtout une femme libre et passionnée. « La passion, dit-elle, lorsqu’on la désire, qu’on l’accueille et qu’on l’accepte, on ne la subit plus, elle devient un choix. » À l’école, elle apprend le français, l’anglais et l’arabe. Par amour pour sa grand-mère,...

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Quelle est l’addresse web de son magazine? Même Google n’a pas pu me la donner

Saade Joe

06 h 18, le 25 janvier 2022

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Commentaires (1)

  • Quelle est l’addresse web de son magazine? Même Google n’a pas pu me la donner

    Saade Joe

    06 h 18, le 25 janvier 2022

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