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Lifestyle - Controverse

Quand la statue d’une Italienne parmi 78 hommes illustres suscite le débat

Piscopia est la première femme au monde à avoir obtenu un diplôme universitaire, plus précisément en philosophie, attribué par l’Université de Padoue en 1678.

Quand la statue d’une Italienne parmi 78 hommes illustres suscite le débat

Prato de la Valle, la plus grande place d’Italie et une des plus importantes d’Europe. Photo tirée du compte Tweeter Prato de la Valle

En Italie, pays de l’art statuaire par excellence, et, plus précisément, dans la ville de Padoue, une polémique a été lancée autour de l’inclusion de la statue d’une femme célèbre du passé dans un site qui réunit 78 personnages mâles historiques. Le tout constituant un trésor patrimonial baptisé Prato de la Valle. Le débat en cours n’est nullement d’ordre esthétique ou architectural, mais relève essentiellement d’une divergence de convictions socio-culturelles. Car, jusqu’à présent, cette place de 8,86 hectares, la plus grande place d’Italie et une des plus grandes de toute l’Europe, rend exclusivement hommage à des figures masculines. La configuration actuelle du lieu datant de la fin du XVIIIe siècle est caractérisée par une île elliptique centrale baptisée île Memmia, d’environ 20 000 m2, entourée d’un canal. Sur ses berges a été placée une série de statues d’hommes célèbres. Tout récemment, deux membres de la mairie de la ville ont voulu compléter ce paysage en l’enrichissant d’un legs féminin. Une motion à ce sujet propose d’installer sur une stèle la statue de la philosophe du XVIIe siècle, Elena Lucrezia Cornaro Piscopia, aux côtés de celles des 78 autres.

Le « Women’s Rights Pioneers Monument », une installation de statues en bronze de trois militantes, Sojourner Truth, Susan B. Anthony et Elizabeth Cady Stanton, à Central Park. Photo tirée du site officiel de Central Park

Injustice historique ou projet contre-culture ?

Ce choix ne pouvait être plus pertinent, Piscopia étant la première femme au monde à avoir obtenu un diplôme universitaire, plus précisément en philosophie, attribué par l’Université de Padoue en 1678. « Ce serait un message fort en ces temps où la culture a changé, mais aussi un signe pour l’avenir », a déclaré Simone Pillitteri, l’un des membres du conseil de la mairie, très engagé dans cette initiative. Sur sa page FaceBook, il précise : « 78 homme-zéro femme ! Ce n’est pas le brillant résultat d’un match joué entre deux équipes sportives, mais une profonde injustice non seulement historique, mais surtout socio-culturelle, à laquelle il fallait trouver un remède. » À son instar, beaucoup trouvent qu’il est temps d’immortaliser publiquement des personnalités féminines de la trempe de cette intellectuelle. Dans le camp opposé, ce projet reste controversé, car perçu comme un geste contre-culturel et une tentative de réécrire l’histoire à travers le prisme de l’égalité contemporaine des genres. Pour d’autres opposants, le débat s’est centré sur l’inviolabilité d’un monument historique. « Qu’on le veuille ou non, a déclaré au New York Times David Tramarin, homme politique local et historien de l’art, Prato della Valle est une expression du passé qui voulait qu’un monument d’illustres locaux soit entièrement masculin. Nous devons apprendre du passé et non pas le changer. » Par ailleurs, selon différentes associations patrimoniales du pays, plus de 200 statues représentent des figures féminines historiques, alors que l’on dénombre beaucoup plus de sculptures de femmes allégoriques et mythiques.

Portrait de la philosophe Elena Lucrezia Cornaro Piscopia. Photo tirée du compte Tweeter Prato de la Valle

« Enough is enough »

Au pays de l’Oncle Sam, berceau du féminisme, la priorité statuaire avait été également donnée aux hommes illustres, mais on tente de corriger cette disparité. Selon le Monument Lab, basé en Philadelphie, parmi les personnalités historiques les plus honorées par des sculptures, se trouvaient jusqu’à présent, et seulement, trois femmes : Jeanne d’Arc, Sacagawea (1788-1812, exploratrice amérindienne qui a participé à la découverte de l’Ouest américain) et Harriet Tubman (Noire américaine qui a milité contre le racisme, et en faveur de l’abolitionnisme et du féminisme). Les monuments des places publiques exposent des femmes mythologiques et fictives plutôt que celles qui ont participé à la vie sociale du pays. Ainsi, dans un lot de 22 sculptures qui incluent des sirènes, seulement deux sont dédiées à des femmes du Congrès : La représentante Barbara Jordan (1936-1996) et l’écrivaine et femme politique Millicent Fenwick (1910-1992). De plus, il y a deux ans, le Central Park à New York a accueilli le Women’s Rights Pioneers Monument, une installation de statues en bronze de trois militantes qui étaient en faveur du vote féminin : Sojourner Truth (1797-1883), Susan B. Anthony (1820–1906) et Elizabeth Cady Stanton (1815-1902). Auparavant, en 2017, la ville de Richmond avait aménagé la Maggie L. Walker Memorial Plaza, une place honorant par une statue en bronze de trois mètres de haut la vie et l’héritage de Mme Walker (1864-1934) native de cette ville. Elle fut la première femme américaine, noire de surcroît, à avoir fondé une banque baptisée St. Luke’s Penny Savings et qui accordait des prêts aux propriétaires d’entreprise et aux résidents noirs à des taux équitables et redistribuait les intérêts pour aider la communauté. Walker ne tolérait aucune oppression des personnes de couleur, « Enough is enough », disait-elle. Enough aussi, en 2022, toute misogynie dans l’art statuaire !

En Italie, pays de l’art statuaire par excellence, et, plus précisément, dans la ville de Padoue, une polémique a été lancée autour de l’inclusion de la statue d’une femme célèbre du passé dans un site qui réunit 78 personnages mâles historiques. Le tout constituant un trésor patrimonial baptisé Prato de la Valle. Le débat en cours n’est nullement d’ordre esthétique ou...

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