Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a affirmé lundi qu'il est prêt à "développer" son alliance avec le Courant patriotique libre (aouniste), avec qui les relations se sont tendues ces dernières semaines, dans une réponse à un appel en ce sens lancé dimanche par Gebran Bassil, estimant toutefois que cela nécessitait "de la transparence" entre les deux parties. Dans un discours télévisé prononcé à l'occasion de la deuxième commémoration de l'assassinat du général iranien Kassem Soleimani dans une frappe de drone américain en Irak, le leader chiite s'est contenté d'évoquer très brièvement la situation locale au Liban, accordant juste quelques mots à la question des relations avec le CPL.
"Nous insistons sur l'importance du dialogue entre les Libanais et tenons à nos alliés, nos amis et nos relations", a déclaré le leader chiite concernant l'alliance du Hezbollah avec les aounistes. "Nous tenons également à l'entente de Mar Mikhaël avec le CPL et sommes prêts à la développer, tant que cela sert l'intérêt national", a-t-il ajouté. Il a toutefois souligné que "les prises de position de Gebran Bassil nécessitent un dialogue en toute transparence et des éclaircissements". "Nous parlerons plus longuement de la situation intérieure au Liban dans les prochains jours", a-t-il encore annoncé.
Le CPL et le Hezbollah avaient signé en février 2006 l'entente de Mar Mikhaël, scellant leur partenariat. Si depuis, les relations entre les deux partis ont connu des tensions au fil des ans, concernant notamment l'implication du parti pro-iranien dans le conflit en Syrie, elles sont aujourd'hui réellement remises en question par le courant aouniste, en raison de divergences sur de nombreux dossiers. Dimanche, le chef du CPL et gendre du président Aoun, Gebran Bassil, a déclaré qu'il n'était pas prêt à mettre un terme à l'entente de Mar Mikhaël, mais que celle-ci devrait être "développée" pour répondre aux nouveaux défis économiques et financiers. Le député de Batroun a également estimé que l'alliance entre le Hezbollah et le mouvement Amal du président de la Chambre Nabih Berry impactait l'accord de Mar Mikhaël. Le président libanais et fondateur du CPL, Michel Aoun, avait de son côté appelé lundi dernier à un dialogue "national urgent", notamment autour de la stratégie de défense du Liban. Par "stratégie de défense", le chef de l'Etat semblait désigner les armes du Hezbollah et la manière de les intégrer à l'Etat.
S'étendant beaucoup plus sur l'assassinat du général des gardiens de la révolution, le chef du Hezbollah a estimé que les répercussions de cet événement "continuent de se faire sentir jusqu'à aujourd'hui". Kassem Soleimani, chef des opérations extérieures des gardiens de la révolution iraniens, et Abou Mahdi al-Mouhandis, numéro deux du Hachd al-Chaabi, mouvement paramilitaire irakien intégré à l'État, avaient été tués par une frappe américaine de drone à Bagdad le 3 janvier 2020. Après la frappe qui avait tué le général Soleimani et fait craindre un conflit ouvert entre Téhéran et Washington, l'Iran avait riposté en tirant des missiles sur des bases irakiennes abritant des soldats américains, et en précisant que ces frappes étaient "un avertissement" avant une riposte de plus grande envergure. Aucune attaque d'ampleur n'a toutefois encore eu lieu. Plusieurs hommages au général Soleimani ont été organisés par le Hezbollah au Liban-Sud, tout au long de la journée de dimanche.
Washington "responsable des crimes d'Israël"
Hassan Nasrallah s'en est par ailleurs longuement pris aux Etats-Unis et à l'Arabie saoudite qu'il a une nouvelle fois accusés d'avoir "créé Daech", l'organisation Etat islamique. Washington est "responsable des crimes d'Israël en Palestine et au Liban", a-t-il lancé, déclarant que "le sort des Etats-Unis est de faire sortir toutes ses troupes de la région", et surtout d'Irak où la continuité de "leur présence constitue un nouveau meurtre de Kassem Soleimani, Abou Mehdi al-Mouhandis et de tous les martyrs qui étaient avec eux." L'assassinat de Kassem Soleimani a "inauguré une nouvelle phase de prise de conscience et d'identification de qui est le réel ennemi", a-t-il poursuivi.
Il a par ailleurs réagi aux accusations de la coalition menée par Riyad au Yémen, selon lesquelles le parti chiite et son parrain, l'Iran, soutiennent les rebelles yéménites houthis et les aident à attaquer le territoire saoudien. "Nous n'avons pas attaqué l'Arabie, bien qu'elle soit partenaire dans la guerre qui touche toute la région", a affirmé Hassan Nasrallah.
Riyad "tient en otage" les Libanais du Golfe
Dans le contexte de ses déclarations hostiles envers les Saoudiens, le secrétaire général du Hezbollah est en outre revenu brièvement sur la crise diplomatique entre le Liban et le Golfe, accusant le royaume saoudien "terroriste", un adjectif désormais accolé au nom du parti chiite dans la plupart des prises de position officielles saoudiennes, de "tenir en otage les Libanais résidant" dans le Golfe. Le Liban tente de résorber la crise diplomatique avec Riyad, après la démission du ministre libanais de l’Information Georges Cordahi, dont des propos sur le rôle de la coalition arabe au Yémen avaient déclenché cette crise et poussé plusieurs monarchies du Golfe à prendre des mesures de rétorsion à l'égard de Beyrouth. Le royaume wahhabite, déjà désinvesti du Liban depuis plusieurs années en raison notamment de la mainmise grandissante du Hezbollah sur l'Etat, a rompu tous les liens diplomatiques et commerciaux avec le pays du Cèdre, fin octobre. Plusieurs autres monarchies et émirats du Golfe proches de Riyad ont fait de même. Le 29 décembre, le roi Salmane d'Arabie saoudite avait appelé le Liban à "stopper la mainmise du Hezbollah terroriste sur l'Etat".
Peu après la fin du discours, le Premier ministre libanais Nagib Mikati a tenu à se démarquer de ces propos de Hassan Nasrallah à l'égard de Riad, affirmant qu'ils "ne représentent pas le point de vue du gouvernement libanais ni de la majorité des Libanais".
commentaires (13)
Ya Gebran, il se fout de toi.
DJACK
19 h 08, le 04 janvier 2022