
Le député et ancien ministre Ali Hassan Khalil au Parlement, le 6 décembre 2021. Photo Ali Fawaz / Parlement libanais
Le bras droit du président du Parlement libanais Nabih Berry, le député Ali Hassan Khalil, a répondu lundi aux virulentes critiques lancées la veille contre M. Berry par le chef du Courant patriotique libre (CPL), Gebran Bassil, qui avait accusé le mouvement Amal de miner l'alliance entre le parti aouniste et le Hezbollah.
Dans une conférence de presse, Ali Hassan Khalil, qui fait l'objet d'un mandat d'arrêt lancé par le juge Tarek Bitar dans le cadre de l'enquête sur l'explosion au port de Beyrouth, a affirmé que l'alliance entre le Hezbollah et Amal restait solide et ne serait pas impactée par les accusations de M. Bassil. Le député a également critiqué le chef de l’État, l'accusant a demi-mot de faire partie des "seigneurs de la guerre civile".
La défense de Nabih Berry
"Nous n'allons pas répondre au flot de calomnies insolentes prononcées par Gebran Bassil, hier", a d'abord dit Ali Hassan Khalil. "Nous sommes les seigneurs de la défense du Liban et de son unité et nous ne savons pas si le fondateur du CPL, le président (de la République) Michel Aoun fait partie des seigneurs de guerre évoqués par Gebran Bassil, ou s'il est juste un seigneur de la guerre de +libération+ de 1988 qui a coûté la vie à des chrétiens et des musulmans, en raison de son appétit du pouvoir", a lancé M. Khalil, dans une critique claire adressée au chef de l’État qui entretien des relations houleuses avec le président du Parlement.
Dimanche dans son discours, Gebran Bassil avait affirmé que sa formation était "la seule à avoir fait face aux seigneurs de la guerre à l'époque des milices", pendant la guerre civile de 1975-1990. Durant les dernières années de cette période, le général Michel Aoun était devenu commandant en chef de l'armée, puis avait dirigé un gouvernement militaire de transition en 1988, avant d'être délogé par les troupes syriennes du palais présidentiel de Baabda.
"Nabih Berry a mené un dialogue national rassembleur qui a permis la reprise de contacts entre les Libanais et la mise en place d'une feuille de route qui a sauvé le Liban. Oui nous sommes les seigneurs de la défense contre le Liban, son territoire, son honneur et ses fils", a insisté Ali Hassan Khalil.
L'alliance Amal-Hezbollah
M. Bassil avait également estimé que l'alliance entre le Hezbollah et le mouvement Amal impactait l'accord de Mar Mikhaël qui lie le CPL au parti pro-iranien. "Lorsque l'on découvre que la partie qui décide face à nous dans le cadre de l'entente c'est Amal, nous avons avons le droit de demander une révision de cet accord", avait lancé M. Bassil. Il avait toutefois exclu de rompre cette accord qui date de 2006, tout en affirmant vouloir "l'améliorer", a l'heure où les relations entre le parti aouniste et le Hezbollah sont au plus bas.
"Nous sommes fiers de faire partie d'un binôme national avec le Hezbollah, un tandem qui assume la responsabilité de défendre le Liban (...)", a réagi Ali Hassan Khalil. "Notre alliance avec le Hezbollah ne sera pas affectée par des propos provocateurs car elle est fondée sur la franchise, la confiance et le respect des spécificités de l'autre", a-t-il souligné.
Le blocage du Conseil des ministres
Gebran Bassil avait aussi accusé dimanche le tandem chiite de bloquer le Conseil des ministres. Le gouvernement du Premier ministre Nagib Mikati ne se réunit plus en effet depuis le 12 octobre en raison d'une grave crise politique autour du juge Tarek Bitar, en charge de l'enquête sur l'explosion du 4 août 2020 au port de Beyrouth. Les ministres chiites s'opposent à ce que le Conseil des ministres se réunisse avant qu'il ne tranche la question du sort du juge Bitar. Ce dernier est accusé par les deux partis chiites de politiser les investigations. Le Hezbollah plaide même pour la mise à l'écart du juge, alors que le mouvement Amal affirme se contenter de le voir dessaisi du volet politique de l'affaire. Michel Aoun, allié de longue date du Hezbollah, réclame la reprise des réunions du Conseil, afin de tenter de sauver la dernière année de son mandat, qualifié de catastrophique par ses détracteurs. En attendant une solution à cette crise politique, le Premier ministre refuse de convoquer une nouvelle réunion de son cabinet, de crainte de le voir partir en éclats.
Dans son discours dimanche, le chef du CPL s'en est également pris à Nabih Berry, dénonçant notamment les votes à la Chambre qui se font "selon son bon vouloir parce qu'il interdit le vote électronique". Gebran Bassil a aussi reproché au mouvement Amal de bloquer les réformes dans le secteur de l'électricité. Il a ainsi critiqué les ministres des Finances, membres ou proches depuis des années d'Amal, comme Ali Hassan Khalil, d'avoir bloqué la construction de la centrale de Deir Ammar "parce qu'ils ne pouvaient pas en profiter et parce qu'elle ne se situe pas dans une région qui les intéresse".
"Les Libanais savent qui a déformé la démocratie consensuelle en bloquant l’État et les décisions du Conseil des ministres pour faire passer des marchés. C'est vous qui avez bloqué le vote en Conseil des ministres sur le plan des dossiers relatifs à l'énergie, les télécoms et l'environnement", a encore lancé le bras droit de Nabih Berry, en faisant allusion à l'époque ou Gebran Bassil était tour à tour ministre des Télécoms et ministre de l’Énergie. Commentant enfin les appels du président Aoun et de Gebran Bassil en faveur d'une décentralisation financière et non seulement administrative, le député Khalil a estimé que ces propos sont "dangereux et minent les bases d'un État unitaire".
"Le problème au niveau de l’État, c'est lorsque nous élisons deux présidents de la République simultanément", a estimé Ali Hassan Khalil, en allusion à l'influence présumée de Gebran Bassil auprès du président de la République, les détracteurs du chef du CPL l'accusant de jouer les présidents de l'ombre.
Procès public
Réagissant aux accusations du député Khalil, le CPL a réclamé, en fin de journée, "un procès public concernant le dossier de la centrale électrique de Deir Ammar, suivant n'importe quels moyens transparents et équitables" à disposition. "S'il s'avère que le ministère de l'Energie est coupable de corruption ou de gaspillage, le CPL demandera à son chef de démissionner de ses fonctions politiques", a affirmé le parti dirigé par Gebran Bassil. "S'il s'avère que le ministère des Finances est coupable de gaspillage, le mouvement Amal est appelé à faire de même et à demander à son chef de démissionner de la présidence de la Chambre", ajoutent les aounistes.
La réponse du camp berryiste n'a pas tardé. Ali Hassan Khalil a "salué la proposition du CPL quant à un procès public dans le dossier de la centrale de Deir Ammar, avec (la démission, ndlr) d'un président contre deux", dans une allusion à peine voilée au chef de l'Etat et à son gendre. "Qu'ils se préparent à la démission", a-t-il poursuivi.
Le CPL a une nouvelle fois riposté en fin de soirée. "Si vous êtes à la hauteur du défi, que le chef du Parlement, Nabih Berry, "appelle rapidement à une séance parlementaire publique au cours de laquelle le dossier sera exposé". "Nous les défions de montrer leurs allégations de vol de 50 millions de dollars", ajoute le CPL.
Pour une fois je trouve que les deux ont raison!
07 h 35, le 05 janvier 2022