Photo M.A.
D’habitude, quelques jours avant le réveillon, on se fait une petite liste des bonnes résolutions qu’on va tenter d’appliquer durant la prochaine année. J’arrête de fumer, je commence un régime, je me remets au sport, je serai plus gentil(le). Je vais faire de la méditation, lire à nouveau, voir mes grands-parents plus souvent, apprendre une nouvelle langue, faire une detox, aider dans une ONG. Je vais voyager, découvrir d’autres pays, d’autres cultures…
Sérieux ? De quelle liste parle-t-on ? Peut-on prendre une seule bonne résolution à l’heure qu’il est, quand tout part en vrille ? Entre le Covid-19 et ses 15 variants (jusqu’à maintenant), le dollar qui joue aux montagnes russes, les banques qui se jouent de nous, Riad Salamé qui cherche une nouvelle façon de nous voler, les politiciens qui font tout ce qui est en leur pouvoir pour continuer à régner, la supra-inflation qui pointe le bout de son nez, internet qui menace de s’arrêter, le réseau téléphonique parkinsonien, les nouvelles législations de voyage, certains pays qui referment leurs frontières, la possibilité d’un nouveau lockdown, un énième booster shot, les élections à venir (ou pas)… c’est le bordel absolu.
On n’a jamais connu autant d’incertitudes. Alors les résolutions, cette année, on s’en tape un peu. Parce que comment faire du sport quand déjà on n’a pas l’énergie d’aller au gym ? Quand on ne sait pas si on peut faire un cours online faute d’électricité et qu’on attrape l’Omicron comme on chope un rhume. Comment arrêter de fumer quand le stress est omniprésent? Quoique, vu le prix des clopes, vaudrait mieux. Comment planifier un voyage quand notre argent a disparu, que le prix des billets est en fresh, qu’on doit parfois faire deux semaines de quarantaine ailleurs qu’au Liban, que c’est la croix et la bannière pour obtenir un nouveau passeport, qu’on ne peut plus se procurer un visa facilement et qu’on ne sait pas si le pays où on veut se rendre fermera à nouveau ses frontières, que, que, que ? Comment postuler pour un nouveau job si le salaire est en livres libanaises ou en lollars et que le dollar continue sa valse folle ? Comment faire n’importe quel plan, d’ailleurs ? Qu’il soit minime ou essentiel. Qu’il concerne le lendemain ou les prochains mois. On ne peut même plus programmer une réunion en ligne parce qu’on ne sait pas si le gars du moteur a décidé de le reposer et si IDM fait des réparations ; si l’orage a coupé la transmission ou si MTC et Alpha font grève et qu’on ne peut même plus téléphoner ou se connecter sur la 3G (on ne parle même pas de la 5). On ne peut rien prévoir. Un petit dîner ? Trois invités testés positifs ce matin, il n’y a plus de gaz, les routes sont inondées, il n’y a pas de moteur entre 20h et 22h, le frigo a rendu l’âme, la viande est trop chère. Il suffit de voir comment aujourd’hui, à la veille du réveillon, on ne sait toujours pas ce qu’on va faire et surtout avec qui. Le staff du resto à Kleïate est entièrement omicroné, nos potes le sont aussi, le bar où on était censé aller a été obligé de fermer; l’autre bar a préféré le faire à cause de l’irresponsabilité de ses clients, et de toute façon, passer la soirée dans un endroit public est non seulement risqué mais trop cher. Le bordel quoi.
On va donc oublier les bonnes résolutions cette année (encore). On va se contenter de souhaiter que ça aille mieux et que 2022 ne soit pas pire que l’année qui s’en va. Espérer qu’on en finira avec la pandémie, parce que honnêtement, ça commence à être pénible. Désirer qu’il se passe un miracle et que nos politiciens disparaissent de n’importe quelle façon. Que les procès pleuvent et que les banquiers, le gouverneur de la banque centrale, les corrompus et les criminels soient enfin condamnés. Que les élections aient lieu et que l’opposition s’entende finalement, pour qu’on rafle le maximum de sièges. Et que Dieu se réveille. Mais bon, c’est mettre la barre trop haut et c’est agir comme Miss Liban qui aimerait faire disparaître la faim dans le monde.
Je ne vous souhaiterai donc pas une bonne année, mais que vos vœux, quels qu’ils soient, s’exaucent enfin.
