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Moyen-Orient - ÉCLAIRAGE

Annulation de la présidentielle en Libye : et maintenant ?

Le scrutin qui devait se tenir aujourd’hui n’aura pas lieu, du moins pas cette année. Mais avec l’arrivée à expiration du mandat du gouvernement libyen, c’est désormais la question de l’exécutif qui menace de déstabiliser le pays.

Annulation de la présidentielle en Libye : et maintenant ?

Un homme lit le quotidien libyen « as-Sabaah », qui fait sa une sur le report de l’élection présidentielle prévue initialement pour le 24 décembre. Tripoli, le 23 décembre. Mahmoud Turkia/AFP

Pour Noël, les Libyens pensaient avoir une élection historique. Le 24 décembre aurait dû être le premier scrutin présidentiel de l’histoire du pays et le premier rendez-vous démocratique des Libyens depuis 2014. Il devait marquer l’aboutissement d’un processus de transition politique parrainé par l’ONU qui semblait bénéficier d’un élan suffisamment confortable pour permettre l’élection, en février dernier, d’un gouvernement d’union nationale. Au lieu de cela, les Libyens finissent l’année au point mort. Et s’apprêtent à entamer la suivante avec des semaines, sinon des mois, d’incertitude.

Certes, on sentait le vent tourner depuis un moment. La hausse des tensions, les disputes entre clans rivaux et surtout l’incapacité de la Haute Commission électorale libyenne (HNEC) à publier une liste finale de candidats autorisés à concourir avaient alerté depuis des semaines quant à la possibilité d’un report du scrutin. Début décembre, le ministre de l’Intérieur libyen avait ainsi déclaré que l’environnement sécuritaire ne permettrait plus la tenue du scrutin, tandis que le président du Conseil de sécurité de l’ONU avait affirmé quelques jours plus tard que les conditions pour une élection « libre, démocratique et crédible » n’étaient plus réunies.

Mais après plusieurs semaines de tergiversations, au cours desquelles les Libyens ont continué à nourrir l’espoir d’un changement en réceptionnant leur carte d’électeur auprès des bureaux de vote, le report du scrutin est désormais officiel. Mercredi, soit moins de 48 heures avant l’échéance, la HNEC a proposé d’ajourner le scrutin d’un mois, au 24 janvier 2022. Le même jour, une commission parlementaire chargée de la supervision du processus émettait un avis similaire, concluant à l’« impossibilité » de respecter la date initiale du 24 décembre.

Mêmes écueils

Mais pour une partie des observateurs, la nouvelle date semble condamnée d’avance. La communauté internationale et les différents acteurs libyens s’étaient jusque-là accordés sur le 24 décembre, mais l’ajournement pourrait ouvrir une brèche en permettant à certains de contester la nouvelle échéance ou encore de bloquer le processus sans avoir, cette fois, à assumer la responsabilité d’un report. Sans compter que les mêmes écueils devraient se retrouver, à l’identique, dans un mois : les mêmes disputes légales, les mêmes manœuvres pour influer sur le système judiciaire et, surtout, les mêmes candidats controversés – à l’image de Saïf el-Islam Kadhafi, fils de l’ancien dictateur déchu, de Khalifa Haftar, à la tête de l’Armée nationale libyenne (ANL), ou encore du Premier ministre actuel Abdelhamid Dbeibah.

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« S’ils parvenaient à se mettre d’accord sur une liste finale de candidats dans les prochaines semaines, l’élection pourrait avoir lieu fin janvier ainsi que le propose la HNEC ; en revanche, s’ils commencent à remettre à plat l’ensemble du cadre légal, à discuter de la Constitution, alors aucune élection ne pourra avoir lieu dans un futur proche », estime Wolfgang Pusztai, analyste politique et ancien attaché de défense en Libye pour l’Autriche de 2007 à 2012.

Paradoxalement, une réforme de la loi électorale est pourtant aussi ce qui pourrait permettre de débloquer la situation. « Une manière de réparer les textes en clarifiant les clauses qui ont mené à la confusion d’aujourd’hui », poursuit ce dernier. En septembre, le Parlement de l’Est avait adopté un décret controversé et jugé vague portant sur la loi électorale. Il l’avait fait contre l’avis du Haut Conseil d’État libyen de Tripoli, ravivant le clivage entre ces deux régions rivales. « Pour que des élections aient lieu en 2022, un cadre légal beaucoup plus solide sera nécessaire », avançait sur Twitter Jalel Harchaoui, spécialiste de la Libye.

Expiration du mandat

L’exercice paraît d’autant plus compliqué qu’au-delà des disputes légales, s’ajoute à partir d’aujourd’hui un nouveau problème d’ordre exécutif : l’expiration du mandat du gouvernement d’union nationale, mené depuis mars par Abdulhamid Dbeibah, relance les tractations en vue de la formation d’un gouvernement. La feuille de route de l’ONU tout comme le vote parlementaire ne s’engageaient en effet à reconnaître le gouvernement de Tripoli que jusqu’au 24 décembre. Et, alors que le Parlement de l’Est planche déjà sur un projet de gouvernement intérimaire, M. Dbeibah ne semble pas prêt à lâcher son siège. « Après le report du scrutin, il est retourné à son poste, a pris des décisions concernant certains postes ministériels… il se considère de nouveau comme le Premier ministre… » observe Wolfgang Pusztai.

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Alors que la situation sécuritaire est déjà sur une pente glissante, un nouveau contentieux autour de l’exécutif pourrait ajouter de l’huile sur le feu. Depuis le début du mois, des incidents, agressions et accrochages armés à Sebha (Sud-Ouest) et dans le Grand Tripoli avaient contribué à inquiéter les observateurs quant à une possible dégradation de la situation à l’approche des élections. Depuis quelques jours, des miliciens armés se sont déployés à Tripoli, tandis que des affrontements entre milices ont eu lieu à Ajaylat, près de la frontière tunisienne, et qu’une vaste opération anticriminelle a été lancée à l’Est sous le leadership de l’ANL.

Si la situation reste pour l’instant sous contrôle, l’expiration du mandat du gouvernement, ajoutée au report du scrutin, pourrait mener à une « déstabilisation majeure » du pays, estime Wolfgang Pusztai. « Un gouvernement Dbeibah qui se maintient sans être reconnu pourrait encourager l’établissement d’un second exécutif régional, à l’Est », poursuit ce dernier. Ce scénario présente le risque d’une escalade rapide des tensions, notamment dans le cas où certaines milices affiliées à Tripoli s’inviteraient dans la partie. Mais une scission remet également en question l’unité des institutions financières du pays, banque centrale en tête, capables aujourd’hui de centraliser et de redistribuer les revenus du secteur pétrolier.

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Face à ces risques de basculements en cascade, la communauté internationale, qui avait engagé sa responsabilité depuis novembre 2020 dans le processus de transition, paraît lourdement discréditée. Après avoir multiplié les sommets internationaux, appelé au respect de l’échéance du 24 décembre et manœuvré dans l’ombre pour rabibocher les acteurs de la scène locale, l’ONU tout comme les grandes puissances impliquées dans le dossier pourraient se retrouver à court d’idées. Il reste bien la menace de sanctions envisagées à demi-mot. Mais, là aussi, les dirigeants libyens ont une longueur d’avance : si l’annonce officielle de l’annulation du scrutin a tant tardé, c’est précisément parce qu’aucune des forces en présence ne voulait en assumer la responsabilité… « L’élection libyenne du 24 décembre va être retardée, mais il y a eu un retard dans l’annonce du retard… » ironisait sur Twitter Anas el-Gomati, directeur d’un centre de recherches à Tripoli.

Pour Noël, les Libyens pensaient avoir une élection historique. Le 24 décembre aurait dû être le premier scrutin présidentiel de l’histoire du pays et le premier rendez-vous démocratique des Libyens depuis 2014. Il devait marquer l’aboutissement d’un processus de transition politique parrainé par l’ONU qui semblait bénéficier d’un élan suffisamment confortable pour permettre...

commentaires (1)

heu..Oui en effet. Heureusement que vous nous en parlez. C‘est notre souci permanent, la libye. Faut il manifester? Dites nous où...LOL ....Bon allez...Revenons à nos moutons.

LE FRANCOPHONE

16 h 02, le 24 décembre 2021

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Commentaires (1)

  • heu..Oui en effet. Heureusement que vous nous en parlez. C‘est notre souci permanent, la libye. Faut il manifester? Dites nous où...LOL ....Bon allez...Revenons à nos moutons.

    LE FRANCOPHONE

    16 h 02, le 24 décembre 2021

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