Rechercher
Rechercher

Moyen-Orient - LIBYE

Saïf el-Islam : le dernier des Kadhafi s’invite dans la course à la présidentielle

Le fils de l’ancien dictateur a déposé sa candidature auprès de la haute commission électorale en vue du scrutin prévu le 24 décembre.

Saïf el-Islam : le dernier des Kadhafi s’invite dans la course à la présidentielle

Le 14 novembre 2021, dans la ville de Sebha, capitale du Fezzan (région sud de la Libye), Saïf el-Islam, le fils de l’ancien dictateur libyen Mouammar Kadhafi, présente officiellement sa candidature auprès de la haute commission électorale, en vue du scrutin présidentiel prévu pour décembre. Photo AFP

Dix ans pour se remettre en selle. C’est le temps qu’il aura fallu à Saïf el-Islam Kadhafi pour orchestrer son retour après le soulèvement populaire de février 2011 ayant provoqué la chute du régime de son père. Le fils cadet de l’ancien « guide » autoproclamé de Libye avait accordé un rare entretien au New York Times en juillet dernier, caressant déjà l’espoir de revenir sur la scène politique afin de « restaurer l’unité perdue du pays ». Mais l’annonce d’hier, faite par vidéo depuis la ville hautement symbolique de Sebha, apporte deux nouveaux éléments : une candidature désormais officielle à l’élection présidentielle prévue pour le 24 décembre ; et un come-back médiatique en images, incarné par un Saïf el-Islam enturbanné, qui n’a jamais autant ressemblé à son père.

La nouvelle intervient moins d’une semaine après l’ouverture des dépôts de candidature, et alors que le processus politique sponsorisé par la communauté internationale depuis février dernier se trouve dans l’impasse. À l’approche du premier scrutin au suffrage universel dans l’histoire du pays, les grands noms susceptibles de se présenter circulent depuis des mois : le fils Kadhafi, mais aussi l’homme fort de l’Est libyen Khalifa Haftar, le porte-parole du Parlement Aguila Saleh ou encore le Premier ministre Abdel Hamid Dbeibah. Mais depuis septembre dernier, l’adoption d’une loi électorale censée mener à la tenue effective du scrutin est paralysée par un bras de fer entre d’un côté la chambre des représentants de Tobrouk dans l’est du pays, et de l’autre le Haut Conseil d’État libyen (l’équivalent du Sénat) basé à Tripoli. Alors que le scrutin législatif a été ajourné à janvier, seul le premier tour de la présidentielle devrait se tenir le 24 décembre... s’il n’est pas lui aussi reporté.

Lire aussi

À Paris, la communauté internationale au chevet des élections en Libye

Dans une tentative de sauvetage désespérée, les dirigeants d’une trentaine de pays (dont notamment la Russie, la Turquie, l’Égypte, les États-Unis ou les Émirats arabes unis) s’étaient réunis vendredi dernier à Paris, à l’invitation du président français, afin de remettre sur pied le processus électoral. Décision y est prise d’imposer des sanctions contre « les individus ou entités, dans et à l’extérieur de la Libye, qui essaieraient de faire obstruction, miner, manipuler ou falsifier le processus électoral », selon un document consulté par l’AFP. Mais malgré ces avertissements, qui ne pourront s’appliquer que de manière marginale, « la journée de vendredi a surtout révélé des modifications sémantiques qui montrent bien qu’il n’y aura pas de scrutin cette année. Le langage édulcoré indique que la date du 24 décembre ne fait plus l’objet d’une cristallisation », observe Jalel Harchaoui, spécialiste de la Libye et chercheur au Global Initiative. La séquence est donc particulièrement amère pour la communauté internationale, qui se heurte à des fractures internes renforcées par des « grands centres de pouvoir plutôt méprisants vis-à-vis de la notion de démocratie libérale », poursuit le chercheur, en référence notamment aux Russes, Turcs et Émiratis engagés militairement sur le terrain libyen depuis 2019-2020.

Phénomène de parasitage

Dans ce contexte, le come-back politique de Saïf el-Islam se présente comme une nouvelle claque à l’intention des Occidentaux. Car l’époque où l’ancien étudiant londonien préconisait une « Libye de demain » modernisée et tournée vers sa jeunesse, contre l’avis des ténors de l’ancien régime, semble loin, très loin. Entre-temps, le fils cadet du guide est devenu partisan d’une ligne dure, promettant des « rivières de sang » pour contrer les manifestations de 2011, avant de faire l’objet d’un mandat d’arrêt par la Cour pénale internationale. Surtout, il est le seul de la fratrie à avoir survécu parmi ceux qui disposaient d’un capital politique. Son père Mouammar et son frère rival Moatassem ont été tués suite à des frappes aériennes de l’OTAN, alors qu’ils tentaient de fuir Syrte en octobre 2011. Même détenu, condamné ou en cavale, Saïf sera désormais considéré comme un rescapé de l’intervention occidentale.

À cela s’ajoute une mise en scène travaillée qui donne aux images d’hier un parfum de revanche. Davantage que la nouvelle, qui était attendue depuis plusieurs mois, c’est le calendrier et les modalités de l’annonce qui semblaient constituer l’essentiel du message politique : « On constate la fragilité du processus électoral et, la même semaine, on apprend la candidature de Saïf :

d’un point de vue symbolique, sa visibilité vient inévitablement décrédibiliser le processus », explique Jalel Harchaoui. « Il s’agit d’un phénomène de parasitage : il tire la couverture à lui, l’objectif étant de montrer que le système qui a existé jusqu’à aujourd’hui est fragile au point d’être bousculé par un simple retour médiatique. Une façon de dire : votre nébuleuse post-2011 vacille dès que nous montrons notre visage », poursuit le chercheur.

Lire aussi

Le Premier ministre candidat à la présidentielle, selon un responsable du GNA

Pour arriver à ses fins, l’homme de 49 ans a déjà esquissé les grandes lignes de sa stratégie : exploiter les années d’instabilité et de guerre afin de se positionner en « homme fort » capable de tenir le pays. Il pourra également s’appuyer sur son capital sympathie au sein d’une partie de la jeunesse libyenne qui, même lorsqu’elle s’est mobilisée en 2011 contre le régime, cultive désormais une certaine nostalgie envers les années Kadhafi. « Même si la situation avant la révolution n’était pas parfaite, elle était stable : il y avait un pays, un gouvernement, un régime », admettait par exemple Feras Bosalum, un jeune homme de 32 ans originaire de Benghazi, il y a un mois dans nos pages. Mais « il y a un monde entre la nostalgie, qui est un sentiment diffus, et le fait de pouvoir convertir cela en vote », prévient Jalel Harchaoui.

L’arrivée samedi soir de Bachir Saleh Bachir, un ancien proche de Mouammar Kadhafi, dans la région de Fezzan où se trouve également Saïf el-Islam aurait pu faire croire à un retour en force synchronisé du clan Kadhafi. Mais c’est sans compter avec les rivalités internes qui continuent de miner le clan dix ans après la mort du patriarche. « Les deux sont des figures liées à la personnalité de Mouammar, mais il ne faut pas présupposer que ces campagnes-là sont coordonnées », estime Jalel Harchaoui. Malgré la montée en puissance au cours des dernières années d’anciens cadres du régime, le clan Kadhafi est très loin de constituer un front uni. Les tentatives de réformes de Saïf dans les années 2000 lui avait valu le désaveu d’une partie de l’establishment, plus préoccupé par le maintien de l’ordre sécuritaire. « Certains kadhafistes détestent Saïf el-Islam pour le mal qu’il a fait au régime, mais ils ne l’avoueront jamais publiquement car ils savent qu’ils font partie d’une vitrine qui a besoin d’être restaurée », conclut Jalel Harchaoui. Reste à savoir comment les autres familles politiques, au-delà du clan Kadhafi, recevront cette annonce au potentiel explosif.

Dix ans pour se remettre en selle. C’est le temps qu’il aura fallu à Saïf el-Islam Kadhafi pour orchestrer son retour après le soulèvement populaire de février 2011 ayant provoqué la chute du régime de son père. Le fils cadet de l’ancien « guide » autoproclamé de Libye avait accordé un rare entretien au New York Times en juillet dernier, caressant déjà l’espoir de...

commentaires (1)

Pardon, mais pour ceux qui ne le connaissent pas, c’est lequel sur la photo? Le monsieur en uniforme derrière le pion, l’étudiant, et le muletier?

Gros Gnon

21 h 03, le 15 novembre 2021

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • Pardon, mais pour ceux qui ne le connaissent pas, c’est lequel sur la photo? Le monsieur en uniforme derrière le pion, l’étudiant, et le muletier?

    Gros Gnon

    21 h 03, le 15 novembre 2021

Retour en haut