Les élections à l'ordre des dentistes qui se sont tenues dimanche dans une ambiance chaotique et émaillées d'incidents ont finalement été annulées après la découverte d'irrégularités pendant le vote. Parallèlement, le scrutin à l'ordre des pharmaciens a pu se tenir sans problèmes, un vote à l'issue duquel Joe Salloum, pharmacien proche des Kataëb, a été élu.
Ces deux scrutins ont eu lieu alors que le Liban, en plein effondrement socio-économique depuis deux ans, connaît une crise de médicaments depuis des mois, entre pénuries en séries et flambées des prix qui provoquent la colère d'une population dont 80% vit désormais dans la pauvreté. Les pharmaciens étaient particulièrement au centre de cette crise, certain ayant été accusés, à tort ou à raison, de stocker ou monopoliser des médicaments.
Les dentistes électeurs se sont rendus dès le matin au centre d'expositions BIEL, sur le front de mer à Beyrouth, pour voter. Trois listes étaient en compétition : la liste "Mon ordre, ma révolution", soutenue par les Kataëb et des formations de l'opposition, présidée par la candidate à la présidence de l'ordre Émilie Hayek ; une liste d’Élias Maalouf, directement soutenue par le Hezbollah et le mouvement Amal ; et une troisième liste baptisée "Les dentistes se révoltent", se revendiquant d'un soutien de formations issues de la révolte populaire du 17 octobre 2019 et présidée par Ronald Younès, qui serait proche des Forces libanaises. Une autre liste présidée par Raymond Khoury s'était retirée de la course tard dans la nuit de samedi. Elle était soutenue par le Courant patriotique libre, mais celui-ci a appelé à soutenir la liste de Ronald Younès. Selon notre correspondante Hoda Chedid, les dentistes proches ou affiliés au Courant du Futur de l'ex-Premier ministre Saad Hariri ont eux aussi voté, dans une certaine mesure, pour la liste de Ronald Younès.
الغاء انتخابات نقابة اطباء الاسنان بعد تقدم مرشحي الانتفاضة في النتائج الاولية هو وصمة عار جديدة بحق احزاب سلطوية مافياوية لا تعترف بالديمقراطية…#كلن_يعني_كلن pic.twitter.com/FLxZLl4k70
— lucien bourjeily (@lucienbourjeily) November 28, 2021
Éléments armés du Hezbollah ?
Selon les informations de notre journaliste Yara Germany, le premier tour visant à élire des membres de l'ordre s'était déroulé sans anicroche. Mais lorsque la liste de Ronald Younès a pris la tête, la situation a dérapé. Des cris ont commencé à fuser et des informations non vérifiées ont fait état d'une panne de machine au moment du décompte électronique. Un décomptage manuel des voix a alors débuté, mais cela a provoqué des disputes qui ont dégénéré, des bulletins ayant été jetés hors des urnes. Le président actuel de l'ordre, Roger Rubeiz, a ensuite annoncé l'annulation du scrutin. Les adversaires de M. Rubeiz lui reprochent d'être proche du CPL et du Hezbollah.
Le fiasco électoral a suscité une vague de réactions dans les milieux partisans. Ainsi, la section des professions libérales au sein du Courant du Futur a condamné "le fait que des partisans de certaines formations aient saccagé des urnes, imposant par la force et le comportement voyou l'annulation du scrutin (...)". Les dentistes affiliés au Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt ont de leur côté condamné des agissements "illégaux et non démocratiques", appelant à "une enquête transparente". Quant au chef du parti Kataëb, Samy Gemayel, il a accusé "des éléments armés du Hezbollah, non affiliés au corps médical, d'avoir agressé les employés chargés du décompte des voix et d'avoir brisé les urnes, dans une scène qui ne présage rien de bon pour les prochaines élections législatives".
Des accusations aussitôt rejetées par le Hezbollah. “Ce qu’a dit Samy Gemayel n’est que mensonges et calomnies et ne présage rien de bon”, a affirmé le parti chiite, qui a souligné avoir laissé la liberté de vote aux dentistes qui lui sont proches. Le Courant patriotique libre de Gebran Bassil a lui aussi critiqué implicitement le Hezbollah et dénoncé "ceux qui imposent la logique de la force en faisant fi de la démocratie et de la liberté de choix". La formation aouniste, de plus en plus critique du Hezbollah, est toutefois un allié de longue date du parti chiite.
Joe Salloum élu à la tête de l'Ordre des pharmaciens
Côté pharmaciens, quatre listes se sont affrontées dimanche. Une liste baptisée "la conscience professionnelle", présidée par l’ancien président de l’ordre (à deux reprises) Ziad Nassour et appuyée par les partis traditionnels, même si M. Nassour affirme le contraire. Une deuxième liste du nom "Mon ordre, mon soutien" présidée par Joe Salloum, affilié lui-même aux Kataëb mais qui a "gelé" toutefois son affiliation au parti. Une troisième, "Vers un syndicat indépendant", présidée par Naji Germanos, qui se revendique indépendant mais qui est soupçonné par ses adversaires d'être soutenu par des partis traditionnels, et une quatrième, "Les pharmaciens se rebellent", présidée par Faraj Saadé, proche de la révolte du 17 octobre mais qui affirme être indépendante.
Quelque 8 000 pharmaciens inscrits et à jour de leur cotisation étaient donc appelés à voter pour élire 17 membres de l’ordre dans un premier temps, et le président, dans un second temps, pour succéder à l’actuel patron de l’ordre, Ghassan el-Amine. C'est finalement Joe Salloum qui a été élu à la tête de la corporation avec 1 429 voix, alors que son rival Faraj Saadé récoltait 1 230 suffrages. Selon le reste des résultats publiés en soirée par l'Agence nationale d'information, les 11 sièges du Conseil de l'ordre été répartis de la sorte : six sièges pour "Mon ordre, mon soutien" de Joe Salloum, quatre sièges pour "La conscience professionnelle" de Ziad Nassour, et un siège pour "Les pharmaciens se rebellent" de Faraj Saadé. Quant aux quatre sièges au sein de la Caisse de retraite de l'ordre, ils ont été répartis de la sorte : deux sièges pour "Mon ordre mon soutien", un siège pour "La conscience professionnelle", et un siège pour "Les pharmaciens se rebellent". Les deux sièges au sein du Conseil de discipline ont été attribués à Véra Haïdar et Bahia Fadel dont les affiliations syndicales ne sont pas précisées. C'est donc la liste de Joe Salloum qui sort victorieuse du scrutin.
De nombreuses élections syndicales ont lieu cet automne au Liban, dans un pays où la contestation populaire de masse dans la rue a disparu. Mais lors des élections de l'ordre des ingénieurs, les groupes issus de cette contestation ont raflé le scrutin. Dimanche dernier cependant, l'opposition et la société civile ont essuyé un échec à l'élection de l'ordre des avocats, en raison de nombreuses divergences internes entre ces formations. Les avocats ont choisi Nader Gaspard comme bâtonnier de Beyrouth, un homme réputé proche des partis traditionnels. Le syndicat des enseignants du secteur privé, qui devait lui aussi tenir son élection dimanche, avait annoncé vendredi le report sine die du scrutin, le ministère du Travail étant "incapable de surveiller l'opération de vote", comme le prévoit normalement le règlement intérieur de cette instance.
commentaires (9)
"La démocratie" rend fou parfois. Les dictatures surtout. Pourquoi les Maalouf (Melkite Grec-Catholique) ont ils besoin du soutien de ce parti islamiste aujourd'hui terroriste et mafieux qu'est le Hezbollah (pourvu qu'il évolue) pour soigner les carries et vendre des râteliers à ma vieille mémé ? Le jour du jugement dernier il y aura des grincements de dents.
Nicolas ZAHAR
12 h 14, le 29 novembre 2021