« En dix ans, je n’ai jamais connu le goût de la sécurité. » Ce témoignage d’une Damascène de 36 ans montre combien est devenue difficile la vie en Syrie. « Il n’y aura pas de sécurité tant que le peuple est dans cet état de pauvreté, d’injustice, de déplacement », précise-t-elle, évoquant par la même occasion « son stress », voire « sa peur » des coupures d’électricité. Les difficultés sont telles que le retour en Syrie n’est pas considéré comme sûr. Même au Liban où près d’un million et demi de Syriens ont trouvé refuge depuis le début du conflit armé dans leur pays en 2011, ils se sentent pris au piège de la crise économique et financière, et n’arrivent plus à joindre les deux bouts, sans parler des violations répétées de leurs droits. D’où la nécessité pour la communauté internationale de trouver des solutions durables aux déplacements forcés résultant de la crise syrienne. C’est le constat énoncé mercredi dernier par la Coalition d’observation de la protection des réfugiés (RPW), regroupant cinq associations de défense des droits de l’homme, Alef Act for Human Rights, Basmeh and Zeitooneh, Pax, 11.11.11 et Upinion. Et ce, lors de la publication virtuelle de son rapport sur l’année 2021 lié à la protection des réfugiés syriens au Liban et en Syrie.
Leur espoir : quitter le Liban pour un pays tiers
Évoquer la protection des réfugiés syriens implique nécessairement de se pencher sur les violations de leurs droits. Au Liban, cette réalité se traduit par la détérioration dramatique de leurs conditions de vie vu la crise, la hausse drastique des prix, les aides insuffisantes, les restrictions sur le marché du travail, le racisme et le harcèlement à leur encontre, les problèmes sécuritaires aussi. Seulement 0,8 % de ces interviewés envisagent de quitter le Liban pour rentrer en Syrie. En revanche, 57,7 % espèrent quitter le pays du Cèdre pour un pays tiers. C’est dire combien ils craignent d’être déportés vers la Syrie et refusent ne serait-ce qu’un retour volontaire. Quelque 72,4 % des interviewés syriens au Liban avouent d’ailleurs que la déportation figure en tête de leurs craintes. Car « les autorités libanaises continuent d’avoir recours à cette pratique, malgré les risques d’arrestations arbitraires et de torture des activistes et opposants au régime syrien ». « De janvier à novembre 2021, nous avons documenté 49 cas de déportation de ressortissants syriens vers la Syrie, dont 33 après une tentative de migration illégale vers Chypre », déplore Marielle Hayeck, représentant l’ONG Access Center for Human Rights (ACHR), basée à Beyrouth et à Paris. « Un homme détenu à la prison de Roumié a même tenté de mettre fin à ses jours lorsqu’il a appris qu’il serait bientôt déporté en Syrie », ajoute-t-elle, en réponse à une question de L’OLJ. Et en Syrie, la même association fait état de « deux cas de disparition forcée, tous deux déserteurs de l’armée syrienne ».
Autres violations constatées en Syrie, la conscription forcée dès le retour des réfugiés, le manque d’accès aux services les plus basiques (eau, électricité, nourriture, éducation, santé, aides sociales), le saccage ou le cambriolage des propriétés privées, les conditions déplorables de vie, les risques de blessure par des engins de guerre. « Certains réfugiés syriens décident de rentrer volontairement dans leur pays, sans savoir ce qui les attend. Aussitôt sur place, ils n’ont qu’une idée en tête, repartir, même par les filières illégales », relate Mme Hayeck.
Les femmes craignent les violences et abus sexuels
Pour toutes ces raisons, « la Syrie n’est pas sûre », et « aucun retour digne des réfugiés n’y est possible, selon les standards internationaux ». « Un retour sûr est inenvisageable à l’heure actuelle vu la grande pauvreté, l’injustice et le déplacement des populations », observe Lisa Marti, au nom de l’association Basmeh and Zeitooneh. Selon RPW, « le conflit syrien a provoqué une des crises migratoires les plus importantes au monde. 6,6 millions de Syriens ont fui le pays et 6,7 autres ont été déplacés à l’intérieur de la Syrie depuis 2011 ». Les réfugiés doivent aussi compter avec les problèmes sécuritaires, relève Mme Marti. « 70 % de ceux qui sont retournés craignent d’être enrôlés de force dans l’armée. Ce qui restreint la liberté de mouvement des hommes vu la multiplication des points de contrôle. Et 60 % des femmes interviewées ont avoué ne pas se sentir en sécurité la nuit, car elles ont peur de subir violences et abus sexuels », souligne-t-elle. Ce qui rend les choses encore plus difficiles pour les réfugiés syriens, c’est le manque d’informations sur la situation en Syrie avant leur retour. En même temps, l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR) n’a pas réussi à mettre en place un système susceptible d’observer les conditions de retour des populations déplacées. « Seulement 3 % des répondants indiquent avoir été soutenus par le HCR après leur retour en Syrie », constate Basmeh and Zeitooneh.
Relocaliser les réfugiés syriens vers un pays tiers, mais aussi leur assurer davantage de protection et de soutien afin que leurs droits les plus basiques soient respectés, est au cœur des recommandations de la coalition. « L’Union européenne et nombre d’États doivent impérativement développer des stratégies de réinstallation des réfugiés syriens, de pair avec le HCR », insiste Nadine Kheshen, représentant Alef Act for Human Rights. RPW invite, de plus, la communauté internationale à mettre en place « un mécanisme de surveillance des conditions de retour en Syrie, pour un retour sûr, volontaire, informé et digne ». La coalition exhorte enfin les autorités libanaises à un « moratoire sur les déportations de réfugiés ». « Il faut envisager une solution durable avec un financement adéquat, car pour l’instant, la Syrie ne permet pas un retour sûr », conclut Mme Kheshen.
commentaires (7)
Elle est bien gentille cette dame représentant l’ONG (ACHR) en déplorant 49 cas de déportation suite à une tente et « illégale » de migration vers Chypre, en outre elle constate le manque d’accès aux services les plus basiques (eau, électricité, nourriture, éducation, santé, aides sociales ) mais chère dame c’est le lot quotidien de millions de Libanais depuis le 4 Août 2020 et même avant…. Devrait on lui rappeler que la charité bien ordonnée commence par soi-même…
C…
19 h 35, le 21 novembre 2021