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Moyen-Orient - Éclairage

Le spectre de la normalisation entre Tel-Aviv et Riyad semble s’éloigner

Pratiquant la politique des petits pas, le royaume wahhabite ne semble pas pressé de normaliser ses relations avec l’État hébreu.

Le spectre de la normalisation entre Tel-Aviv et Riyad semble s’éloigner

À Djeddah, une bannière aux portraits du roi Salmane et de son fils, le prince héritier Mohammad ben Salmane, le 5 février 2021. Photo archives AFP

L’Arabie saoudite traîne les pieds et pose des conditions pour une normalisation avec Israël. Si le prince héritier Mohammad ben Salmane n’a pas balayé immédiatement la possibilité d’une normalisation lors de la visite fin septembre du conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, il a cependant fourni une liste de conditions préalables, a rapporté le site d’information Axios. D’une part, une revendication traditionnelle : des avancées sur le dossier israélo-palestinien, de l’autre un réajustement à faire : une amélioration des relations américano-saoudiennes qui se sont détériorées avec l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche, afin de retrouver son statut d’allié privilégié dans la région. Sous la présidence de Donald Trump, les efforts de Tel-Aviv et Washington pour obtenir une normalisation entre le royaume wahhabite et l’État hébreu semblaient pourtant en bonne voie. Le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Fayçal ben Farhane, avait surpris en annonçant en octobre 2020 que Riyad avait « toujours envisagé une normalisation ». Une rencontre inédite a même eu lieu en novembre 2020 au plus haut niveau de l’État. Alors Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu s’est rendu secrètement en Arabie saoudite pour une réunion avec le prince héritier en présence de Mike Pompeo, alors secrétaire d’État américain. Cette rencontre se tenait peu après la signature des accords d’Abraham, qui ont fait sauter le tabou de la normalisation entre les pays arabes et l’État hébreu.

Pour mémoire

Dans le nouveau monde arabe, la Palestine n’existe pas

Le royaume wahhabite a certes donné son feu vert à Manama – dont la sécurité dépend entièrement de Riyad – pour signer les accords d’Abraham aux côtés d’Abou Dhabi le 15 octobre 2020. Mais du fait de sa taille, de la structure de son pouvoir et de sa population, ainsi que de sa stature au sein de la communauté musulmane dans le monde, les enjeux pour l’Arabie saoudite sont bien différents de ceux de Bahreïn ou des Émirats arabes unis. Détentrice du titre de gardien des deux lieux saints de La Mecque et de Médine, la famille royale al-Saoud se veut la tête de file des musulmans sunnites dans le monde. La ligne officielle dictée par le roi Salmane sur la question de la normalisation, réitérée lors de l’Assemblée générale de l’ONU à New York en septembre, suit ainsi les contours du plan de paix initié par l’Arabie saoudite et approuvé par le sommet de la Ligue arabe à Beyrouth en 2002. Celui-ci exige comme préalable à toute normalisation avec Israël le retrait des territoires occupés pour l’établissement d’un État palestinien selon les frontières de 1967, ayant pour capitale Jérusalem-Est. « Toute sa vie, le roi Salmane s’est engagé pour la cause palestinienne et cela devrait rester le cas aussi longtemps qu’il est capable d’exercer une autorité de décision en Arabie saoudite », prévient Kristian Coates Ulrichsen, chercheur à Chatham House. Une position que le prince héritier pourrait modifier après avoir accédé au trône.

L’effet Biden
L’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche a modifié les paramètres d’une normalisation entre Riyad et Tel-Aviv. Prenant le contre-pied de son prédécesseur, qui avait donné son blanc-seing à ses alliés autocrates du Golfe, le président démocrate a martelé vouloir « recalibrer » sa relation avec l’Arabie saoudite au regard de ses infractions aux droits humains. Conformément à ses promesses de campagne, Joe Biden a rendu public un rapport confidentiel qui dénonçait explicitement la responsabilité du prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane dans l’assassinat du journaliste d’opposition Jamal Khashoggi. Par la suite, il a annoncé mettre un terme aux opérations militaires et aux ventes d’armes qui soutenaient la coalition menée par Riyad au Yémen depuis 2015, pour appuyer les forces gouvernementales du président Abd Rabbo Mansour Hadi dans leur guerre contre les rebelles houthis, soutenus par l’Iran.

Des voix critiques dénoncent cependant des effets d’annonce, au vu du contrat d’armement annoncé en septembre dernier et conclu avec le royaume à hauteur de 500 millions de dollars. « Si le recalibrage de l’administration Biden n’est plus d’actualité, cela donne moins de raisons à l’Arabie saoudite d’avancer vers une normalisation avec Israël, sachant qu’une part considérable de sa motivation consiste à renforcer ses relations avec les États-Unis », souligne Omar Rahman, chercheur à la Brookings Institution à Doha. En outre, si Joe Biden est en faveur de nouveaux accords de normalisation, « il est peu probable qu’il soit aussi transactionnel que Donald Trump, ce qui amènera l’Arabie saoudite à continuer d’adopter une approche attentiste », ajoute-t-il.

Pour mémoire

La normalisation avec Israël reste un sujet tabou, mais...

Depuis l’attaque de ses installations pétrolières en 2019 attribuées aux houthis, l’Arabie saoudite doute de la fiabilité du parapluie sécuritaire de Washington, qui n’avait pas mené alors de représailles. Dans un contexte régional où M. Biden espère poursuivre la politique de désengagement américain de la région amorcée sous l’ère de Barack Obama et revenir à l’accord sur le nucléaire iranien signé en 2015 à Vienne – dont Donald Trump s’était unilatéralement retiré en 2018 –, Riyad a repris langue avec Téhéran pour trouver un terrain d’entente sur le dossier yéménite. La priorité du royaume étant aujourd’hui de trouver une voie de sortie à la guerre coûteuse qu’il mène au Yémen. Alors qu’une solution militaire ne semble pas en vue, des représentants des deux pays se rencontrent depuis quelques mois, lors de réunions secrètes arrangées par l’intermédiaire de Bagdad, afin de trouver une solution diplomatique. La raison principale d’une normalisation avec Israël, qui était de consolider un front anti-iranien, dans le but de neutraliser les activités régionales de la République islamique, semble donc moins urgente si un rapprochement avec Téhéran se concrétise.

De l’autre côté, « les relations entre Riyad et Tel-Aviv se développent à des niveaux informels, comme c’est le cas depuis de nombreuses années », signale Kristian Coates Ulrichsen. Si le royaume était sur la liste des États ayant utilisé le logiciel espion Pegasus, vendu par la société israélienne NSO Group, c’est qu’il « coopère déjà secrètement avec Israël dans de nombreux domaines, notamment la sécurité et le renseignement », affirme Omar Rahman. Riyad avait notamment utilisé Pegasus pour conduire une chasse aux opposants politiques, ciblant entre autres des proches du journaliste Jamal Khashoggi, assassiné au consulat saoudien d’Istanbul en 2018.

Des liens économiques indirects existent aussi entre les deux pays, comme à travers la société de capital-risque japonaise Softbank. Les fonds souverains saoudien et émirati y ont placé de l’argent, et la société investit à travers un fonds distinct dans des entreprises de haute technologie en Israël, qui intéressent Riyad. En outre, les accords d’Abraham offrent indirectement la possibilité à Israël et l’Arabie saoudite d’avoir des contacts économiques via les EAU. Ils ont aussi permis l’ouverture réciproque des espaces aériens saoudien et israélien pour l’autre pays. Pour la première fois dans l’histoire, en début de semaine, un avion en provenance d’Arabie saoudite a atterri à l’aéroport de Ben Gourion, et un avion israélien a fait le chemin inverse pour venir se poser à Riyad, selon les informations du Jerusalem Post.

Dans les médias saoudiens, le discours est devenu majoritairement neutre ou positif envers Israël entre 2019 et 2020 – excepté en période de crise israélo-palestinienne –, indique une étude du Tony Blair Institute for Global Change. Les relations entre Israël et l’Arabie saoudite « deviennent progressivement plus ouvertes et publiques, bien que loin de constituer des relations politiques ou diplomatiques formelles, et cette tendance devrait se poursuivre », prévoit Kristian Coates Ulrichsen.

L’Arabie saoudite traîne les pieds et pose des conditions pour une normalisation avec Israël. Si le prince héritier Mohammad ben Salmane n’a pas balayé immédiatement la possibilité d’une normalisation lors de la visite fin septembre du conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, il a cependant fourni une liste de conditions préalables, a rapporté le site...

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Les chiens et les chats ne pourront jamais devenir amis.

Politiquement incorrect(e)

17 h 08, le 02 novembre 2021

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Commentaires (2)

  • Les chiens et les chats ne pourront jamais devenir amis.

    Politiquement incorrect(e)

    17 h 08, le 02 novembre 2021

  • Les lobbies sionistes n’ont de cesse de vendre l’idée qu’un accord de paix israélo-saoudien serait le meilleur moyen d’affronter l’impérialisme néo-safavide qui menace l’Arabie non seulement au Yémen mais aussi au cœur même de son territoire chez la minorité chiite. Certes l’impérialisme néo-safavide est une menace pour l’Arabie Saoudite bien plus que pour les autres pays voisins comme les EAU ou la Jordanie qui pactisent avec lui plutôt que de l’affronter. Ce qu’il faut voir c’est que les sionistes sont les premiers à vouloir pactiser avec les néo-safavides plutôt que de les affronter. Leur marchandage est bien connu: la Terre Sainte pour les sionistes, le reste du Machreq pour les néo-safavides. Et dans ce marchandage, l’Arabie est le premier dindon de la farce. L’empire néo-safavide n’est qu’un tigre en papier car de Beyrouth à Bagdad en passant par Damas il ne règne que par les mafia et les milices, et les peuples lui vouent une haine rarement égalée dans l’histoire. Un soutien bien placé de l’Arabie aux partis du Machreq qui affrontent réellement l’empire néo-safavide, et il s’écroulera comme un tigre en papier, exactement comme son propre guide suprême Khomeiny a renversé le Shah d’Iran.

    Citoyen libanais

    08 h 07, le 01 novembre 2021

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