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Nos Lecteurs ont la Parole

Grandir à Beyrouth...

J’ai vécu dans les bras d’une ville mutilée, affamée, assiégée. Une ville qui m’a « assiégée » dans le creux de ses bras blessés. Une ville qui, malgré l’horreur qu’on lui a infligée, a réussi à me protéger et à faire battre mon cœur. À l’enfance, des battements naïfs ; à l’adolescence, des battements d’amour ; à la vingtaine, des palpitations et des battements qui s’accordent avec tout tir émis, toute explosion retentissante, parsemés sur Beyrouth.

Ces rues que je parcourais avec ma maman, les mains remplies de friandises, je les parcours maintenant seule, les mains agrippées à mes cours, courant dans des rues désertes. C’est ça, grandir à Beyrouth ? Grandir à Beyrouth, c’est rester calme quand il y a un attentat? C’est trembler pendant ses cours, trembler à l’idée que l’on entre en classe et qu’on nous fusille ? Ou pire, l’idée d’être décapitée par une explosion ? C’est voir le visage de son professeur pâlir et perdre cette aura de juriste serein lorsqu’on lui dit « Madame, il y a des francs-tireurs, Madame, il y a eu une explosion ». Grandir à Beyrouth, c’est vivre les histoires lointaines que nos parents nous racontaient ; c’est vivre sous la menace d’une guerre civile jamais complètement éteinte, toujours imminente. Grandir à Beyrouth c’est envoyer à ses proches un SMS : « Où es-tu? Proche des tirs ? Tu as entendu l’explosion ? Je suis à l’abri, ne t’inquiète pas » ; et espérer recevoir un autre SMS, qui dit « sain(e) et sauf(ve). »

Grandir à Beyrouth c’est faire un choix imposé : c’est naître dans une ville tantôt berceau de la civilisation, tantôt fantôme. Grandir à Beyrouth, c’est faire un choix : celui d’être souverain dans sa peur. Celui d’être souverain à la place de son propre État. C’est dire : « Les tentatives de trauma et d’incitation à la guerre civile ne marcheront pas. Je reste. Je reste pour dessiner mon pays à l’image paisible et transparente que je prêche. Je reste. Jusqu’au dernier souffle. Jusqu’aux derniers tirs. Jusqu’à la dernière explosion. »


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

J’ai vécu dans les bras d’une ville mutilée, affamée, assiégée. Une ville qui m’a « assiégée » dans le creux de ses bras blessés. Une ville qui, malgré l’horreur qu’on lui a infligée, a réussi à me protéger et à faire battre mon cœur. À l’enfance, des battements naïfs ; à l’adolescence, des battements d’amour ; à la vingtaine, des palpitations et des...

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