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Nos Lecteurs ont la Parole

Alfred Naccache : un témoignage authentique

Alfred Naccache : un témoignage authentique

Photo Archives L›OLJ

J’ai connu intimement Alfred Naccache car c’est mon grand-oncle. Il est le frère de ma merveilleuse grand-mère maternelle. Je me souviens parfaitement de cet homme avenant durant les déjeuners sacrés du dimanche chez ma grand-mère. Avant le déjeuner, assis dans son fauteuil coutumier avec son verre habituel de « whisky on the rocks », il entame une conversation joviale avec mon père et mes oncles. Vu mon jeune âge à l’époque, je ne comprenais malheureusement pas les nuances de cette discussion de grandes personnes. Cependant, je me souviens du visage chaleureux, du crâne dégarni, de la mine allègre, des yeux pétillants et des pommettes saillantes d’Alfred Naccache.

Alfred Naccache est un homme qui respire l’humanité dans sa forme la plus pure. Lorsqu’il m’adresse la parole, on sent une bienveillance comme on n’en voit que très rarement dans la vie. Ses paroles sont remplies de grâce et de quelques silences apaisants. Son verbe est clair et contenu. Ses gestes sont empreints de dignité sereine et de retenue patricienne. Son regard profond exprime une savoureuse sollicitude. Derrière son allure de doux rêveur se dissimule un penseur.

Je me souviens aussi du sourire pudique de l’homme gracieux que la gloire n’a pas changé. Bien qu’il soit drapé d’une culture magistrale et d’une élégance exquise, l’homme n’affiche aucune prétention. Il est naturel et à l’aise sous toutes les coutures. De par son attitude, modéré et tempéré, il incarne l’antipode de la vulgaire et tapageuse classe politique d’aujourd’hui.

Alfred Naccache est un grand homme qui a marqué l’histoire du Liban de par son intelligence et sa clairvoyance. Lors de la campagne de Syrie en 1942, le Liban est sous l’emprise des vichystes. Le général français Dentz déclare Beyrouth zone militaire afin de contrer les troupes des Alliés incluant des contingents de la France libre. Beyrouth est sous la menace de bombardements et de destruction dans cette guerre fratricide. Le chef de l’État Alfred Naccache prend alors une décision unilatérale, à la fois courageuse et audacieuse. Bravant au risque de sa vie les instructions du pouvoir vichyste et allemand, il se rend unilatéralement au siège de la radio nationale pour proclamer solennellement Beyrouth ville ouverte, lui épargnant ainsi une destruction aussi tragique qu’inutile.

Alfred Naccache est aussi un homme intrinsèquement noble. Ma mère me raconte que durant son exercice du pouvoir en tant que chef de l’État ou Premier ministre, Alfred Naccache (son oncle maternel) décide de résider dans sa villa de la rue Sursock et non dans les palais présidentiels. Dans cette même logique, il assume personnellement et intégralement les charges onéreuses relevant de sa fonction publique. En effet, son obsession principale est de sauvegarder les deniers du peuple, même si cela signifie qu’il lui faut puiser dans sa fortune personnelle. De surcroît, c’est un homme profondément modeste. Lorsqu’il est nommé chef de l’État par le Haut-Commissariat français, il décide de descendre de sa maison au Sérail à pied.

Incontestablement, son abnégation indicible pour l’intérêt suprême de la nation le dépossède de sa fortune. Les déboires financiers s’accumulent avec le passage du temps. L’homme est trop digne pour exhiber publiquement son affliction. Bien au contraire, malgré les difficultés pécuniaires, il affiche une sérénité à tout-va. Pourtant, les épreuves se sont enfilées le long des années jusqu’au moment fatidique de dire adieu à cette terre libanaise qu’il a tant aimée.

Alfred Naccache est décédé le 26 septembre 1978 alors que la guerre civile fait rage au Liban. Dans son obituaire, les phrases suivantes rendent justice à l’homme : « Avec Alfred Naccache, décédé à 91 ans, disparaît une des plus belles et plus modestes figures de la vie politique libanaise. Homme d’une vaste culture, aux manières raffinées et d’une sociabilité extrême, souvent cité dans leurs Mémoires par de Gaulle, Catroux et Spears… N’ayant agi que selon sa conscience, demeuré hors de portée des tentations du pouvoir, Naccache est resté d’une intégrité et d’une dignité exemplaires. »

Son enterrement sobre et discret reflète l’image de cet homme au caractère affable, doux et humble. Maintenant que je me commémore du passé, je regrette de ne pas avoir passé plus de temps en sa compagnie, du moins pour m’imprégner de sa culture, de sa générosité et de ses connaissances. Le moindre que je puisse faire aujourd’hui c’est offrir un témoignage authentique, une sorte d’hommage posthume, à un homme viscéralement bon et intègre.

Je voudrais conclure en citant la théorie emblématique de Jim Collins sur le leadership. Se basant sur une recherche incroyablement approfondie des leaders les plus performants de ce monde, Jim Collins développe sa fameuse théorie « Leadership niveau 5 » (en anglais, « Level 5 Leadership »). Il est apparu que les plus grands leaders, ceux du niveau 5, ont les caractéristiques suivantes : ils affichent un puissant mélange d’humilité personnelle et de volonté. Ils sont ambitieux, mais leur ambition est avant tout pour une cause noble et non pour des intérêts personnels. Les leaders de niveau 5 sont souvent effacés, calmes, réservés, voire timides, à l’instar de la chancelière Angela Merkel qui vient tout juste de tirer sa révérence de la vie politique allemande. D’après ces critères énoncés, on peut catégoriquement affirmer qu’Alfred Naccache est véritablement un leader du niveau 5.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

J’ai connu intimement Alfred Naccache car c’est mon grand-oncle. Il est le frère de ma merveilleuse grand-mère maternelle. Je me souviens parfaitement de cet homme avenant durant les déjeuners sacrés du dimanche chez ma grand-mère. Avant le déjeuner, assis dans son fauteuil coutumier avec son verre habituel de « whisky on the rocks », il entame une conversation joviale avec...

commentaires (1)

Criteres qui manquent tous a nos KELLON . Conclusion ? je vous laisse la tirer vius-memes.

Gaby SIOUFI

11 h 36, le 29 septembre 2021

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Commentaires (1)

  • Criteres qui manquent tous a nos KELLON . Conclusion ? je vous laisse la tirer vius-memes.

    Gaby SIOUFI

    11 h 36, le 29 septembre 2021

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