Le Premier ministre libanais Nagib Mikati a chargé samedi le ministre des Affaires étrangères Abdallah Bou Habib de contacter les instances internationales pour qu'Israël soit empêché d'effectuer des forages pétroliers et gaziers dans la zone maritime contestée" entre les deux pays, estimant que l'ONU doit dans cette affaire dissuader l'État hébreu de mener de telles opérations.
Ces déclarations de M. Mikati, et celles faites plus tôt dans la journée du président de la Chambre Nabih Berry, ainsi que celles du leader druze Walid Joumblatt sur cette même affaire, font suite à des informations concernant de nouvelles procédures administratives engagées par Israël sur le forage pour l'exploitation d'hydrocarbures dans le nord de sa Zone économique exclusive (ZEE), frontalière de celle du Liban. Dans le courant de cette semaine, l'entreprise américaine Halliburton avait ainsi annoncé, dans un communiqué publié sur son site Internet, avoir remporté un appel d'offres pour le forage de trois à cinq puits au large d'Israël, pour le compte de la société Energean. L'entreprise du secteur énergétique n'a pas précisé la zone dans laquelle seraient creusés ces puits, mais elle a souligné que l'obtention de ce contrat "fait suite à une campagne réussie de forage de quatre puits dans les champs gaziers de Karish et Karish-Nord", au large de l'État hébreu, situé en partie dans la zone contestée.
Le président du Conseil a dès lors demandé au chef de la diplomatie de "mener les contacts nécessaires avec les instances internationales concernées pour qu'Israël soit "empêché" de mener ses forages dans la zone contestée. "Nous serons fermes à ce sujet et ne ferons aucun compromis concernant les droits du Liban", a déclaré M. Mikati, selon des propos rapportés par son bureau de presse. "L'ONU doit jouer son rôle et dissuader Israël concernant ces forages, de même l'obliger à mettre un terme à ses violations répétées des droits et de la souveraineté du Liban", a-t-il ajouté.
M. Bou Habib a dans ce cadre contacté la représentante permanente du Liban à l'ONU Amal Moudallali, ainsi que l'ambassadrice des États-Unis au Liban Dorothy Shea, en vue de s'assurer que les forages annoncés par Halliburton n'auront pas lieu dans la zone controversée "afin d'éviter toute violation des droits du Liban". A son tour, Mme Moudallali a adressé une lettre au secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, et au Conseil de sécurité, pour demander "d'empêcher tout futur forage dans la zone litigieuse" et de s'assurer que les travaux annoncés dans le champ de Karish "n'ont pas lieu dans la zone contestée".
Violation de l'accord-cadre
Le président de la Chambre Nabih Berry a, lui, affirmé que les adjudications et les contrats passés par Israël "dans une zone maritime controversée" constituent une infraction à l'accord-cadre et "menacent la sécurité et la paix internationales". M. Berry a appelé le ministre des Affaires étrangères Abdallah Bou Habib à prendre "immédiatement des mesures" en adressant une plainte au Conseil de sécurité de l'ONU et en prenant à témoin la communauté internationale. Les contrats passés par Israël "non seulement enfreignent, mais font sauter l'accord-cadre" parrainé par les États-Unis et l'ONU pour des négociations sur le litige frontalier, selon lui.
Des pourparlers avaient démarré entre le Liban et Israël, en octobre 2020, sur la base d’une zone contestée d’une superficie de 860 km² à partager entre les deux pays (la ligne 23 qui délimite le triangle des 860 km², adoptée par le gouvernement en 2011). La ligne Hof, du nom du diplomate américain Frederic Hof qui avait joué les médiateurs entre les deux parties entre 2010 et 2012, attribuait au Liban 55% de cette zone contre 45% à Israël. Le Liban avait ensuite fait monter les enchères lors des négociations, réclamant une zone supplémentaire de 1.430 km² dans le tracé de la frontière maritime avec Israël, mais ces pourparlers avaient fini par être suspendus en décembre 2020. Le chef de l’État Michel Aoun avait alors fait de la revendication maximaliste libanaise son cheval de bataille, avant de faire volte-face et de s’abstenir de signer le décret amendant la superficie de la zone réclamée par le Liban. Face aux revendications libanaises qu'il jugeait excessives, l’État hébreu avait menacé le Liban d’élaborer un tracé maximaliste de son cru, qui aurait empiété sur quatre blocs libanais et bloqué toute négociation. Jusqu'à présent, aucune date n'a été fixée pour une nouvelle session de ces pourparlers, alors que la résolution du litige est cruciale pour que le Liban puisse entamer l'exploration et l'exploitation de ses réserves d'hydrocarbures.
Les "tergiversations" du consortium
Le chef du Législatif s'est également interrogé sur les raisons pour lesquelles le consortium chargé par le Liban de lancer l'exploration pour les hydrocarbures dans le bloc 9, également frontalier de la Zone économique exclusive israélienne (ZEE), "tergiverse" avant de mener ses opérations "qui auraient dû commencer il y a de nombreux mois".
En 2018, le Liban avait signé ses premiers contrats pour l’exploration et l’exploitation d’hydrocarbures off-shore dans les blocs 4 et 9 de sa ZEE, avec le consortium mené par le Français Total, associé à l’Italien Eni et au Russe Novatek. Dans ce cadre, le consortium avait foré un premier puits d'exploration dans le bloc 4 au début de 2021, ce qui avait permis de détecter la présence de gaz, sans pour autant montrer l'existence d'un gisement. En janvier 2021, le précédent ministre de l'Énergie Raymond Ghajar avait indiqué qu'au cours de l'année le consortium prévoyait de “terminer les analyses de données” collectées sur le bloc 4 et de lancer le processus d’exploration du bloc 9, dans le sud de la ZEE. Aucune nouvelle information n'a depuis été publiée.
De son côté, le chef druze Walid Joumblatt a fait valoir que "la société Halliburton a annoncé qu'elle a remporté le contrat de forage de puits pétroliers dans une zone disputée avec Israël, dont nous aurions pu récupérer une portion s'il n'y avait pas eu de surenchères". Il a estimé que ce contrat "enterre le dernier centimètre de la souveraineté du Liban sur ses ressources".
commentaires (8)
Son problème n'est pas Israël mais le Hezbollah. Il le neutralise et alors il aura toute la latitude de régler les problèmes frontalier avec Israël. Tant que l’état n'aura pas la possibilité de décider de sa politique étrangère, de ses frontières et du sort du peuple Libanais, Israël fera des siennes et personnes ne trouvera rien a dire. Ne vous méprenez pas, cela arrange parfaitement les affaires du Hezbollah, puisque cela lui permet de garder le pays sous pression pendant que lui enfonce le pays de plus en plus sous la coupole Iranienne. Vous voulez combattre la corruption? Elle se nomme Hezbollah au Liban! Régler lui son compte et le pays se rétablira a la vitesse VV'.
Pierre Hadjigeorgiou
09 h 20, le 20 septembre 2021