Rechercher
Rechercher

Économie - Crise

Les subventions sur le carburant presque levées dans une cacophonie générale

Les subventions d’essence sont maintenues pour le moment à un dollar à 12 000 livres, alors que le mazout sera désormais facturé en « dollars frais ».

Les subventions sur le carburant presque levées dans une cacophonie générale

Une station-service sur l’autoroute de Hazmieh assiégée par les automobilistes hier. Photo P.H.B.

Il n’est pas rare que les autorités d’un pays louvoient pour faire adopter des mesures impopulaires, comme la hausse de prélèvements obligatoires, l’allongement de la durée de travail avant la retraite ou toute autre disposition ayant pour conséquence de ponctionner le pouvoir d’achat ou les avantages sociaux des administrés.

En matière de louvoiement, la classe dirigeante libanaise vient encore une fois de s’illustrer en levant hier de manière quasi totale le mécanisme de subvention sur l’essence, le mazout et le gaz domestique, sans pour autant l’annoncer directement, plongeant au passage des Libanais aplatis par deux ans de crise et des mois de crises de nerfs aux abords des stations-service dans ce que beaucoup espèrent être un dernier week-end d’incertitude.

C’est le président du syndicat des distributeurs de bonbonnes de gaz, Jean Hatem, qui a livré l’explication la plus complète du dernier épisode de la saga des subventions. « Pour l’essence, les subventions et leur mécanisme piloté par la BDL sont maintenus pour le moment, mais avec un dollar à 12 000 livres. Le mazout sera désormais facturé en » dollars frais « (soit en espèces, soit en livres aux taux du marché parallèle, qui gravitait autour de 15 000 livres hier), tandis que les quantités subventionnées restantes de mazout ne seront vendues qu’aux hôpitaux et aux boulangeries. Pour le gaz, les stocks subventionnés restants devraient tenir pratiquement jusqu’à la fin du mois et être vendus aux prix prévus puis les subventions devraient être levées », a-t-il résumé. De fait, le prix de l’essence a bien été amendé hier, tandis que ceux du gaz et du mazout n’avaient pas encore été modifiés.

L'éditorial de Issa GORAIEB

Huiles lourdes

Hier après-midi, le représentant des distributeurs de carburants, Fadi Abou Chacra, ainsi que deux sources proches des importateurs ont confirmé le changement de taux pour les subventions sur l’essence. Pour rappel, le dispositif des subventions mis en place par la Banque du Liban (BDL) en 2019 permet aux importateurs d’essence, de mazout et de gaz domestique d’échanger leurs livres contre des dollars ponctionnés sur les réserves de devises de la BDL.

Essence

Suite à ce changement, le prix de l’essence a donc été majoré de 38 %. Selon la nouvelle grille publiée par le ministère hier matin, les 20 litres d’essence 95 octane doit désormais se vendre à 174 300 livres, alors qu’il était jusque-là à 126 400 livres. Celui de 98 octane, quasi introuvable depuis des mois, est passé de 130 500 à 180 000 livres. Le fait que le taux pris en compte pour le calcul soit de 12 000 livres pour un dollar et non de près de 15 000 livres veut bien dire que les subventions n’ont pas encore été complètement levées sur l’essence, mais que leur voilure a encore été réduite après deux rabotages en juin et août.

Selon plusieurs sources contactées au sein de la filière, seuls deux importateurs sur la dizaine qui se partagent le marché avec la direction des installations pétrolière rattachée au ministère de l’Énergie avaient commencé à distribuer de l’essence en cours de journée hier, ce qui suppose qu’ils avaient des stocks ou ont obtenu des autorisations préalables de la BDL pour décharger et vendre leur cargaisons. « Les autres attendent le feu vert de la banque centrale », a assuré une des sources.

Cette combinaison d’informations a, une nouvelle fois, poussé de nombreux automobilistes à assiéger les stations-service encore fermées, dans l’espoir d’une ouverture. Le tout dans une ambiance tendue, comme à Saïda (Liban-Sud) où un groupe de conducteurs a bloqué la route au niveau de la mosquée Hariri, comme l’a rapporté notre correspondant sur place Mountasser Abdallah. À Beyrouth, la route de l’aéroport a été bloquée au niveau de la station Aytam qui appartient au Hezbollah, sans que l’on sache si celle-ci était approvisionnée en essence, au lendemain de l’arrivée des premières cargaisons de fuel iranien commandé par le parti chiite via la Syrie. Près de nos locaux à Hazmieh, des grappes de voitures se sont formées autour de deux stations sur le bord de l’autoroute, ne laissant qu’une ou deux voies de passage libres pour les autres automobilistes.

Témoignages

Entre angoisse et débrouille, les Libanais face à la fin annoncée des subventions sur l’essence

Dans les médias, le porte-parole du syndicat des propriétaires de stations-service, Georges Brax, a déclaré hier après-midi que les stations-service avaient commencé à rouvrir, mais a reconnu que certaines sociétés importatrices n’avaient pas commencé à décharger leurs navire-citerne. Selon la dernière source précitée, les acteurs attendent que la BDL soit leur donne des autorisations préalables, soit qu’elle leur règle ce qui leur est dû pour de précédents chargements. Georges Brax a enfin annoncé une amélioration de la situation à partir de lundi, tout en admettant que les files d’attente n’allaient pas disparaître tout de suite.

Mazout et gaz

La situation était encore plus nébuleuse hier concernant le mazout, consommé par les générateurs privés qui fournissent du courant à leurs abonnés pendant les heures de coupures imposées par Électricité du Liban (EDL), dont les capacités ne suffisent pas à répondre à la demande. Si le ministère n’a pas modifié les tarifs, toutes les sources proches de la filière de distribution contactées ont indiqué que les subventions sur ce carburant avaient bien été levées et que les quantités subventionnées restantes ne seraient plus distribuées aux stations-services. Le prix du mazout subventionné est toujours fixé à 98 600 livres les 20 litres. Dans une seconde déclaration faite aux médias en début de soirée, Georges Brax a, pour sa part, indiqué que le nouveau prix des 20 litres de mazout serait désormais de « 12 dollars ». Le 6 septembre, une note du ministère avait fixé à 540 dollars le prix de la tonne de mazout, alors que plusieurs groupements professionnels (industriels et commerçants principalement) avaient demandé de pouvoir arrêter de dépendre des filières classiques d’approvisionnement plombées par les délais de la BDL dans la validation des dossiers de subvention.

Un autre facteur vient encore compliquer la question du mazout. Mercredi, la direction du pétrole a en effet demandé aux directions des installations pétrolières ainsi qu’aux sociétés importatrices de pétrole d’arrêter, jusqu’à nouvel ordre, d’approvisionner le marché local en carburant subventionné, officiellement pour faire l’inventaire des quantités sur le marché. Selon toutes les sources contactées, cette injonction n’a aucun lien avec l’arrivée, jeudi, sur le territoire des camions-citernes transportant le carburant iranien. Jeudi soir, la direction du pétrole est, en outre, revenue en partie sur sa décision en autorisant les sociétés importatrices de carburants à livrer de l’essence aux stations-service à des prix conformes à la nouvelle tarification (publiée hier matin) avant d’indiquer que la réévaluation de ceux du mazout était toujours à l’étude.

Cette demi-mesure, combinée à l’absence d’annonce concernant le mazout, a été mise en avant par certains propriétaires de générateur pour justifier le fait qu’ils ne s’étaient pas réapprovisionnés en mazout et qu’ils étaient contraints soit d’éteindre leurs unités de production, soit d’augmenter drastiquement le rationnement. En milieu de journée, l’un d’entre eux assurait que les sociétés importatrices avaient reçu l’ordre de ne pas distribuer de mazout. Une version rejetée par ces dernières et par une source au ministère de l’Énergie qui ont respectivement évoqué des aléas liés aux délais de livraison face au nombre important de commandes à traiter après les deux jours de coupure et à la disponibilité de la marchandise en attendant le déchargement de nouveau navires.

Au niveau du gaz, la situation semble un peu plus simple, pour le moment du moins, comme l’indique Jean Hatem. Le prix subventionné de la bonbonne standard d’une dizaine de kilos est fixé à 92 200 livres depuis mercredi dernier, et les stocks restants devraient, selon le syndicaliste, durer encore une dizaine de jours. En conclusion, il est donc encore trop tôt pour parler d’épilogue du feuilleton de la levée des subventions démarré il y a un an avec les premières annonces concernant la nécessité de suspendre ces mécanismes mis en place en octobre 2019, même si le sprint final semble bel et bien avoir été lancé.

Il n’est pas rare que les autorités d’un pays louvoient pour faire adopter des mesures impopulaires, comme la hausse de prélèvements obligatoires, l’allongement de la durée de travail avant la retraite ou toute autre disposition ayant pour conséquence de ponctionner le pouvoir d’achat ou les avantages sociaux des administrés. En matière de louvoiement, la classe dirigeante...

commentaires (2)

Les "louvoyements" ont couté bien plus a l economie qu'une levee pure et simple des suventions. Et les 4milliards de subventions auraient suffi a installer 10% de la capacité requise au liban en panneaux solaires au lieu d etre brulés ainsi. Plus que des voyous, nos leaders sont des incompetents en economie. Un chef d armee pour president? Quest ce qu'il sait sur l economie? Il sait faire des disputes et des blocages. Mais il aurait du rester dans l'armee.

Tina Zaidan

09 h 33, le 18 septembre 2021

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • Les "louvoyements" ont couté bien plus a l economie qu'une levee pure et simple des suventions. Et les 4milliards de subventions auraient suffi a installer 10% de la capacité requise au liban en panneaux solaires au lieu d etre brulés ainsi. Plus que des voyous, nos leaders sont des incompetents en economie. Un chef d armee pour president? Quest ce qu'il sait sur l economie? Il sait faire des disputes et des blocages. Mais il aurait du rester dans l'armee.

    Tina Zaidan

    09 h 33, le 18 septembre 2021

  • "Les subventions sur le carburant presque levées dans une cacophonie générale". Le résultat pratique, c'est qu'il faut toujours faire la queue!

    Yves Prevost

    07 h 54, le 18 septembre 2021

Retour en haut