Au lendemain de l'arrivée au Liban d'une première cargaison de fuel iranien par le biais du Hezbollah, le Premier ministre, Nagib Mikati, a déploré vendredi une "absence de souveraineté au Liban", indiquant toutefois qu'il ne craint pas que des sanctions américaines visent le pays vu que son gouvernement "n'est pas impliqué" dans cette opération.
Interrogé sur CNN par la journaliste Becky Anderson sur les importations de fuel iranien, M. Mikati s'est dit "attristé" par cette opération qui démontre une "absence de souveraineté au Liban". "Je préfère ne pas faire d'autres commentaires parce que nous essayons de résoudre cette question de manière calme", a-t-il ajouté. Il a toutefois dit ne pas craindre que des sanctions soient imposées au Liban "vu que le gouvernement libanais n'a pas approuvé" ces importations. "Nous ne sommes pas du tout impliqués dans cette affaire donc je ne pense pas que le gouvernement sera soumis à des sanctions", a-t-il déclaré. M. Mikati est le premier responsable non-affilié au Hezbollah à commenter publiquement cette affaire.
Quatre convois composés de 80 camions-citernes chargés de carburant iranien étaient arrivés jeudi matin dans la Békaa. Ces véhicules, les premiers à arriver au Liban, ont été acheminés via la Syrie, où la cargaison d'un premier navire iranien avait été déchargée mardi dans le port de Banias. Les citernes doivent décharger leurs cargaisons à Baalbeck dans les réservoirs des stations-service Amana, détenues par le parti chiite et visées depuis février 2020 par des sanctions américaines. Ce transit par la Syrie et la traversée de la frontière via un passage illégal dans le Hermel semblent avoir pour objectif d'éviter que le Liban ne soit directement visé par des sanctions américaines, imposées normalement sur toutes les importations iraniennes et toute transaction financière avec ce pays.
Commentant le fait que le Hezbollah soit représenté au sein de son équipe ministérielle, le leader sunnite a précisé qu'il n'a pas été "forcé" à intégrer des ministres proches du parti chiite, mais qu'il a dû faire preuve de "pragmatisme" parce qu'il a besoin de s'assurer une majorité au sein du Conseil des ministres pour faire passer des réformes et obtenir des "résultats lors des négociations avec le Fonds monétaire international (FMI)". "Le Hezbollah est un parti officiel libanais et je ne peux pas passer outre cette formation dans mon gouvernement", a-t-il ajouté, alors que de nouvelles sanctions contre des personnes accusées de financer le Hezbollah ont été émises vendredi par le Trésor américain.
Le PM a par ailleurs rappelé, selon une partie de l'entretien dont les propos ont été rapportés par l'Agence nationale d'Information (Ani, officielle), que la mission essentielle de son équipe est "d'arrêter l'effondrement et mettre le pays sur la voie du redressement, avant de passer à la résolution des dossiers socio-économiques et financiers". "Le Liban ressemble à un malade dans un très mauvais état qui attend d'être hospitalisé d'urgence et transféré à la salle d'opérations (...) puis aux soins intensifs (...) pour être complètement rétabli", a-t-il indiqué, déplorant le fait que le pays "est pour le moment toujours dans la phase d'attente devant les urgences de l'hôpital". Dans ce cadre, M. Mikati a noté que "le gouvernement ne peut pas passer à la phase de guérison et de rétablissement en huit mois". Il a assuré que son équipe se chargera de suivre les dossiers urgents et notamment les pénuries d'électricité, de carburant et de médicaments et œuvrera à "l'amélioration de la situation des secteurs hospitalier et éducatif".
Interrogé au sujet des subventions, Nagib Mikati a une nouvelle fois précisé que la banque centrale "ne dispose plus des fonds nécessaires pour maintenir ces mécanismes. "Seulement 24% de l'argent consacré aux subventions l'an dernier est parvenu aux Libanais, tandis que le reste a atterri dans les poches des commerçants, des accapareurs de denrées et des contrebandiers", a-t-il relevé. Il a ainsi laissé entendre que les subventions pourraient être uniquement maintenues sur les médicaments, notamment ceux des maladies incurables, appelant la communauté internationale à aider le pays le plus rapidement possible "pour arrêter l'hémorragie avant qu'il ne soit trop tard".
Le Liban, qui est resté treize mois sans cabinet actif, continue de s'enliser dans la pire crise socio-économique et financière de son histoire contemporaine. Les Libanais ainsi que les communautés arabe et internationale espèrent que le nouveau gouvernement mette en place des réformes pour freiner l'effondrement du pays et relance des négociations avec le FMI afin de débloquer les aides internationales promises.
commentaires (10)
Si ma mémoire est exacte; le Président Michel Sleiman voulait instaurer une règle, selon laquelle, chaque personne en dehors de l'exécutif qui contacte ou se fait contacter par des pays étrangers doivent faire des rapports au gouvernement de leurs entretiens. C'est le seul moyen pour l'Etat de regagner sa souveraineté. Dans les temps très anciens un politique sans mandat officiel qui entretient des relations avec des officiels étrangers pourrait être poursuivi pour trahison même s'il s'agit d'un pays ami.
Shou fi
22 h 12, le 18 septembre 2021