Les meilleurs sont tombés

Paraphrasant Gebran Khalil Gebran, le véritable don est le don de soi-même et non pas celui de vos possessions. Que dire donc du don de sa vie !

Le concept du martyre peut être vu sous plusieurs angles : patriotique, religieux, héroïque, ou celui que je préfère : « la générosité ou l’abnégation ».

Le Hezbollah, les ennemis du Liban et avant eux l’OLP, les diverses milices pro-OLP de l’époque ou celles proches de la Syrie et même l’armée syrienne et Daech ont eu tous leurs caravanes de « martyrs ». Une fois que la vie quitte son véhicule terrestre, le corps humain, il serait vil de manquer de respect aux personnes engagées, pour le bien ou le mal, qui sont tombées dans la trappe de la mort.

S’il faut s’atteler à contenir nos ennemis et même essayer de les éliminer selon la loi de la guerre, il est gracieux et honorable de se plier en une révérence imaginaire devant ceux ou celles qui tombent d’entre eux. Leur générosité absolue, représentée par le don de leurs vies, quoique pas toujours pour les bonnes causes, mérite notre pudeur et notre respect.

« Vous êtes la génération de la guerre tandis que nous sommes la génération de la paix », m’interpellaient un jour deux hurluberlus entre deux séances de leur hobby préféré : la mise à feu de pneus au centre-ville. Cette invective stupide résume l’état d’esprit désespérant de beaucoup de jeunes, non seulement au Liban mais partout dans le monde.

Les militaires sont perçus désormais par une majorité de jeunes chez qui le narcissisme prime comme une menace et non plus comme des héros. Aussi bien au Liban qu’en Europe et aux États-Unis.

Le 5 septembre marque la date de commémoration des martyrs des Forces libanaises, les meilleurs d’entre nous, qui sont tombés au champ d’honneur pour l’idée d’un Liban neutre, stable, libre, prospère, indépendant, souverain, phare de culture. Un Liban où il faisait bon vivre ! Un Liban dont on tombe amoureux fou. Ils sont tombés pour ce Liban que l’écrasante majorité des Libanais de toutes les confessions ressentent dans leurs tripes et portent dans leur ADN. Surtout aujourd’hui après être arrivés au mauvais port : les portes de l’enfer.

C’est donc l’héroïsme, la générosité de ceux-là qui ont fait acte d’abnégation suprême à partir du 13 avril 1975 dans l’arène d’une guerre dont ils et elles n’ont pas été les artisans, et qui ont été happés par la mort, que nous célébrons ce 5 septembre. Ces jeunes n’ont jamais rêvé de tuer ou de mourir. Ils et elles se sont trouvés acculés à ouvrir une parenthèse, tout arrêter, études, travail, et se consacrer à défendre leur idée du Liban à Achrafieh, Aïn el-Remmané, Chekka, Knat, Bella, Zahlé… sans savoir que cette parenthèse était leur révérence ultime.

C’est avec humilité mais aussi avec honte, la honte du devoir non accompli, que je m’incline aujourd’hui devant les braves « généreux » des FL, qui ne sont plus parce qu’ils et elles étaient les meilleurs d’entre nous.

C’est avec fierté que j’ai fait partie, la tête haute, de cette « génération de la guerre » honnie par une génération millénaire superficielle et narcissique qui me rend perplexe quant à l’avenir.

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