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Nos Lecteurs ont la Parole

Hadchit la vaillante

Nous sommes en 1978, 1980 ou 1990. « Tout le Liban est occupé par les Syriens... Tout ? Non ! Un village d’irréductibles Libanais résiste encore et toujours à l’envahisseur. » C’est la célèbre introduction de Goscinny dans les albums d’Astérix qui nous vient à l’esprit quand on part à la rencontre des habitants de Hadchit, un village situé dans les montagnes à

1 400 m d’altitude, au bord de la vallée de la Qadicha, la Vallée sainte, classée sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1998, berceau de la chrétienté et symbole de résistance. Hadchit, et par extension la vallée sacrée, regorge de sites archéologiques religieux datant du XIe siècle, de monastères et d’églises. Certaines grottes creusées à même le roc, perdues dans la vallée et difficiles d’accès, servaient de refuges aux chrétiens persécutés.

Je ne connaissais de Hadchit que son nom, sa vague localisation surplombant la vallée la situait pour moi quelque part dans les environs de Bécharré.

Je la découvre une première fois à travers un hommage rendu par les élus de la région aux martyrs quelques jours plus tôt, ce qui pousse ma curiosité à prendre la route pour aller à la rencontre de ces familles. Quelle ne fut ma surprise en découvrant un adorable petit village de montagne et des gens francs et chaleureux. Accompagnée de mon ami et guide Rami, nous nous promenons dans le village à travers les jolies ruelles, visitons deux églises : Saint-Romanos, saint patron de Hadchit, et Saydet el-Tal, très ancienne chapelle dédiée à la Vierge.

J’apprends que Hadchit compte beaucoup de vétérans de la guerre et sept héros, tombés au combat entre 1978 et 1989. C’est une résistance millénaire inscrite dans les gènes de ces irréductibles Hadchitiens qui se sont toujours battus contre vents et marées dans des conditions de vie rudes et rudimentaires.

Les familles de feus Tony Élia, Romanos Draïby, Tony Werdan, Élias Sabet et Bakhos Francis nous reçoivent chaleureusement ; cinq des sept familles meurtries (celles de Charbel Bazouni et Milad Draïby n’étaient malheureusement pas disponibles). Mais comment aborder le sujet délicat de leur fils, frère ou oncle disparu trop tôt, revenir sur un passé douloureux sans remuer le couteau dans la plaie ? À notre grand soulagement, ils en parlent le plus naturellement du monde. Leur présence est partout : dans leurs mémoires, leurs photos au salon, les anecdotes racontées. La belle-sœur de Romanos Draïby se souvient d’un jeune homme taquineur qui lui tirait gentiment l’oreille quand il la croisait. La mère de feu Élias Sabet vit avec son fils qui venait tout juste de fêter ses 18 ans en 1989. Pour son enfant chéri, malgré une santé fragile, elle sourit et récite tous les jours un chapelet en sa mémoire. Raymond, le frère de Tony Élia, évoque avec fierté la résistance et la bravoure des hommes de Hadchit pendant la guerre, des hommes qui étaient parmi les premiers volontaires à se battre pour lutter contre l’envahisseur.

Tony Werdan, un autre héros tombé pendant une opération d’éclaireur en 1983 durant la guerre de la Montagne. Son frère, grand homme vaillant et fier, ex-combattant de la première heure, dit ne rien regretter. Si c’était à refaire ? Oui, sans hésitation.

Des rencontres très émouvantes avec des compatriotes généreux de leur temps, de leur vie. Comment les remercier pour leurs sacrifices faits pour le pays ? Comment sécher les larmes de M. Francis qui pleure encore son fils perdu mais qui garde toujours la rue de son village avec la vigilance d’un jeune homme et la sagesse d’un moine ?

Je garderai de Hadchit le souvenir d’un village, à l’instar de tant d’autres, qui a donné son sang pour défendre l’honneur d’une terre bafouée. Je garderai de ces familles des sourires, une force, un courage qui s’étiolent parfois de nos jours.

Churchill aurait dit : une nation qui n’a pas de passé n’a pas d’avenir...

Rendons hommage aux héros de Hadchit et à travers eux à tous nos héros morts pour l’amour de cette terre, pour l’idée d’une nation étouffée.

Rendons hommage aux familles de nos hommes partis trop tôt.

Puissent nos aînés martyrs vivants des temps modernes et témoins d’un pays qui part à vau-l’eau, avant de partir à leur tour, transmettre aux nouvelles générations leur force et leur foi inébranlable en une terre chérie des dieux.

Fierté, volonté et courage seront toujours, seront les principaux ingrédients de notre potion magique.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Nous sommes en 1978, 1980 ou 1990. « Tout le Liban est occupé par les Syriens... Tout ? Non ! Un village d’irréductibles Libanais résiste encore et toujours à l’envahisseur. » C’est la célèbre introduction de Goscinny dans les albums d’Astérix qui nous vient à l’esprit quand on part à la rencontre des habitants de Hadchit, un village situé dans les montagnes à
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