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Nos Lecteurs ont la Parole

Considérations sur la moralité

Le pouvoir politique, sous toutes ses formes, se trouve généralement encerclé par les poteaux entrelacés en une clôture formée par les lois de l’éthique reconnues nécessaires pour l’application de la justice au sein de l’État, louées par Cicéron comme le seul cément capable de maintenir une cohésion sociale. Selon Protagoras, l’État a la responsabilité de supporter la fonction de l’éducation et de la morale, dont la synthèse aboutie sans contrainte à l’épanouissement de la justice. Le devoir d’un homme d’État serait guidé par deux principes, honestum, une conviction du devoir moral, et un respect de la convenance, decorum. Cicéron était convaincu que la chute d’un État est due à la décadence de ses dirigeants.

La décadence se nourrit sur les tares invisibles d’une société soumise à des courants contradictoires et insolubles. Depuis l’Antiquité, l’histoire est remplie d’événements illustrant la disparition, la mort, ou la chute d’une entité à la suite de conflits inhérents et autodestructeurs. Les conflits idéologiques, séculaires ou religieux ont le pouvoir de configurer la perspective morale de telle manière que les frontières de la bienséance deviennent brumeuses, et que l’horizon politique prend une dimension extrémiste. C’est Machiavel qui a le mieux défini la relation entre la légitimité du pouvoir et les exigences de la morale, en promulguant la notion que la seule préoccupation d’un dirigeant devrait se concentrer uniquement sur l’accaparation et la sauvegarde du pouvoir. Nul n’a compris Machiavel mieux que les hommes politiques libanais.

Le mythe de la tour de Babel expose le thème de la compétition entre Dieu et les hommes. Devant leur défiance de parvenir aux hauteurs célestes, la colère divine s’est manifestée par un acte de dispersion séparant les hommes à travers une intervention punitive linguistique. D’autres ont considéré ce geste comme une gratification, cherchant à diversifier les cultures et diffuser des civilisations.

La destruction de Sodome et Gomorrhe, ordonnée par un Dieu impitoyable, dont la colère n’était pas nécessairement due à une dépravation sexuelle déjà condamnée par les prophètes, mais plutôt à l’attitude acrimonieuse des habitants envers leurs visiteurs, et la violence collective contre les inconnus.

La querelle des deux chrétientés durant la haute antiquité, suivie de l’agression puis du saccage de Constantinople par la quatrième croisade, aurait sans aucun doute contribué à l’affaiblissement de la défense de la ville, et sa chute le 29 mai 1453. L’ambition temporelle des hommes, l’inimitié des États-nations allaient de nouveau éloigner la conscience humaine de ses devoirs édifiants.

L’injustice commise contre les habitants de la Palestine par un peuple convaincu de son voyage planétaire béni par Yahvé allait traverser les champs de la mort et les vallées de la douleur sans interruption, semant la haine et la colère dans un monde inattentif. L’état d’esprit ainsi créé, mélangé à la sauce religieuse, allait bloquer la raison et empêcher tout entendement.

Depuis les temps bibliques, l’homme avait à faire face à ses choix. Les mythes de l’édifice moral, depuis les dix fléaux d’Égypte, le Déluge, la colère de Moïse, les dix commandements, l’Exode, les murs de Jéricho, jusqu’à l’Apocalypse, se sont évaporés dans le chaudron de la nature humaine, sitôt que la religion avait été mise au service de son ambition. Mais nul n’a utilisé la religion, tout en délaissant la morale, avec plus de subtilité et plus de dextérité que la taupe politicienne libanaise, prête à surgir de son trou au-devant de toute menace. Dieu en a certainement pâli, et sans aucun doute, aurait déclaré son impuissance. La morale n’est ni chrétienne ni musulmane. Et c’est bien dommage que la religion, qui semble exercer une influence prépondérante dans notre vie quotidienne, mais aussi semble diriger nos décisions politiques, culturelles et parfois économiques, ait failli dans son devoir le plus déterminant.

La confrontation sanguinaire avec ou au nom du Tout-Puissant, sous des dehors folkloriques de piété et d’adoration, l’agression institutionnalisée contre l’altérité, l’antagonisme idéologique ou économique des communautés, enlèvent le doute sur le niveau de discernement du concept moral dans la gérance du pouvoir. Rien ne semble indiquer que la moralité ait fait naufrage à la suite d’événements traumatisants et indépendants de toute volonté locale.Plutôt qu’elle avait été victime de la négligence collective, d’une attitude de laisser-aller ou de laisser-faire caractéristique d’une certaine mentalité levantine, diffuse et indifférente, qui déroute la responsabilité et décourage la culpabilité. Serait-il que le Levantin, traumatisé par le va-et-vient millénaire des civilisations, ait appris, à travers le carrefour des âges, à perfectionner la nonchalance et à cultiver l’ignorance ? La décadence en est le résultat.

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Le pouvoir politique, sous toutes ses formes, se trouve généralement encerclé par les poteaux entrelacés en une clôture formée par les lois de l’éthique reconnues nécessaires pour l’application de la justice au sein de l’État, louées par Cicéron comme le seul cément capable de maintenir une cohésion sociale. Selon Protagoras, l’État a la responsabilité de supporter la...

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