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Nos Lecteurs ont la Parole

Le bleu du ciel

Le bleu du ciel.

Et ces fourmis à la cuisine, surgies de nulle part, qui avancent décidées vers la moindre miette.

Quelque chose est pourri au pays du Cèdre.

Mais le vieux ne sait pas. Il est affranchi du temps qui ne passe que pour les autres. Même s’il lui arrive parfois de demander l’heure.

Quelque chose est pourri au royaume du rêve. La magie ne prend pas. Depuis que danse devant nos yeux le spectre de la famine qui sévit ici sous les Ottomans. Images effroyables d’enfants faméliques, de corps délaissés. De cette femme au sein desséché agrippé par un nourrisson. Mêmes causes en d’autres temps ? Un blocus allié dont nous sommes la victime, la fin d’un occupant et des magouilles locales.

Puis, le jour du 4 août, cette image symbolique : destruction des silos de blé, celui-là même qui avait manqué jadis au Mont-Liban.

Avant que les sauterelles n’arrivent.

D’où vient cette pesanteur, ce vertige face au vide et cette glace instillée doucement dans le cœur. Dans un cul-de-basse-fosse, on nous a jetés. Pire que la misère, cette humiliation. La vie est si chère qu’elle est de peu de prix.

Mais peut-on, un canon sur la tempe, tuer un pays ?

Pourtant ce mois-ci, il y avait plus de moineaux sur terre, plus d’étoiles au firmament. Et les moments de joie nous ont irrigué le cœur comme un semis.

L’air se raréfie ici comme en Europe qu’on cite encore en exemple. Une Europe déliquescente où la corruption règne à des niveaux insoupçonnés. Des puissances d’argent, nous sommes là-bas les sujets où l’enjeu n’est pas de se nourrir mais de rester humain.

En ce 14 juillet, la lune se prend pour un paille-en-queue. Elle a un fil à la patte, à travers les arcades, à moins que ça ne soit des marches vers le ciel.

Bercé par les cigales, le clocher de Saint-Georges tangue au-dessus des pins. On enterre aujourd’hui un homme qui n’a pas grandi. Resté enfant, si plein de vie, que personne n’a pris sa mort au sérieux. Tous sont venus pourtant. Et la lune était là avec le chêne séculaire et l’église de ses aïeux.

Bravant ce soir les nuages, le soleil a ravivé les braises de la Méditerranée.

Loin de la fureur et du bruit, dans ma valise, je t’emporte. Valise chargée en arrivant de chocolat, de médicaments et de lait pour enfant.

Pour être heureux, il faut une chaise et une tonnelle. Depuis un moment, le vieux est serein comme un bouddha.

Mais la veille de ton départ, il a fait une chute dans l’escalier. On l’a trouvé en bas, une bosse au front et un hématome au bras. Ça tenait du miracle. À l’hôpital, il dit : « Je veux rentrer chez moi. » Il n’avait que ton nom aux lèvres.

Veux-tu encore faire ce voyage ? Tu dis : « Je veux être là où tu es. » Aussi dans ma valise, ce soir je t’emporte. En laissant derrière moi un vieux avec sa bosse, comme une émanation au front, une bosse des mathématiques. Bien qu’assis dans son lit, depuis ton départ, il dit : « Je veux rentrer chez moi. »

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Le bleu du ciel.Et ces fourmis à la cuisine, surgies de nulle part, qui avancent décidées vers la moindre miette. Quelque chose est pourri au pays du Cèdre. Mais le vieux ne sait pas. Il est affranchi du temps qui ne passe que pour les autres. Même s’il lui arrive parfois de demander l’heure. Quelque chose est pourri au royaume du rêve. La magie ne prend pas. Depuis que danse devant nos...

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