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Nos Lecteurs ont la Parole

Le DTS du FMI : Danger, ne pas Toucher au Solde !

Le DTS (droit de tirage spécial ; « SDR » en anglais) est un actif de réserve international créé par le Fonds monétaire international en 1969 afin de couronner les réserves de change officielles de ses pays membres. Au 18 février 2021, environ 293 milliards de dollars ont été alloués aux pays membres, dont 262 milliards de dollars alloués en 2009 au lendemain de la crise financière mondiale.

Conformément aux statuts et au mandat de l’institution, le FMI envisage une nouvelle allocation à hauteur de 650 milliards de dollars. La quote-part du Liban s’élèverait à près de 860 millions, selon le directeur exécutif du Fonds, Mahmoud Mohiedin, en visite à Beyrouth. Si l’on y ajoute les 250 millions alloués en 2009 et restés en réserve, le montant global dépasserait un milliard de dollars, de quoi rendre les voraces du « fresh », de la gente politique, enclins à les accaparer avant même qu’ils aient été versés !

Le président de la Chambre ayant annoncé que les fonds seront transférés dans le compte de la Banque du Liban le 23 septembre (source : L’Orient-Le Jour), la question qui se pose est double : d’abord, quelle affectation pourrai être donnée à ces fonds ;

ensuite, suivant quel mécanisme, étant donné qu’aucune conditionnalité n’est liée à l’allocation espérée, ni en termes de réformes ni en termes de formalité(s).

1- Au niveau de l’affectation : les fonds étant « libres », avantages et risques s’affrontent. Le grand avantage est celui de la libre disposition, certes, dans l’absolu, en ce sens que le FMI ne conditionne pas l’allocation de DTS à une affectation déterminée et spécifique dans le pays membre. Une fois allouée, la quote-part circule librement dans les rouages de l’État bénéficiaire qui peut l’affecter comme bon lui semble. À l’avantage de flexibilité et d’adaptation aux besoins spécifiques du pays s’oppose le grand risque d’affectation inadaptée, lorsque le pouvoir décisionnel est voué à la discrétion des dirigeants. Comme les fonds seront directement acheminés vers les comptes de la BDL, le risque n’est-il pas grand de voir près d’un milliard de dollars s’ajouter, sans réel et strict contrôle, au panier des réserves bafouées et aux subventions dilapidées ? Quelle garantie de juste affectation ?

Les fonds ainsi alloués au Liban devraient plutôt servir comme fonds d’exploitation et donc être affectés à des projets qui assureraient une durabilité dans le temps. Dans l’état actuel de la crise aux multiples facettes, plusieurs experts donnent la priorité à l’électricité. Les fonds prévus financeraient la construction de deux usines et réduiraient ainsi l’impact économique et la souffrance. Verser ces fonds dans le panier des subventions reviendrait à remplir d’eau fraîche un tamis de maillage ! Autant profiter de la non-conditionnalité du FMI pour en créer une, nationale, transparente, qui répondrait objectivement aux besoins d’une action qui convergerait avec les réformes escomptées et avec le cadre général de la conférence de Paris, CEDRE.

2- Quant au(x) mécanisme(s) : les fonds DTS seront versés directement dans les comptes de la BDL, sans autre formalité. La question qui se pose est celle du rôle de l’exécutif et du législatif, le premier étant en relation, de par le ministère des Finances, avec la BDL, le second pouvant, de par la Constitution, intervenir – positivement, on l’espère – pour imposer une affectation adaptée, loin de toute discrétion et de tout arbitraire. En effet, les Finances sont représentées au sein du Conseil central de la BDL et, aux termes de l’article 71 du Code de la monnaie et du crédit, la BDL « coopère avec le gouvernement et lui fournit tout conseil lié à la politique financière et économique afin d’assurer la meilleure harmonie entre ses fonctions et les objectifs du gouvernement ».

Sous ce titre, la « coopération » ainsi avancée devrait déboucher, au plus vite, sur une entente entre les concernés sur une affectation des fonds, adaptée et stratégique. À défaut, l’intervention de la Chambre devient une condition sine qua non de survie de l’allocation. Le Parlement serait alors appelé à imposer, par un texte législatif, une telle affectation. Ce sont des fonds publics !

Une dernière option serait celle que permet le FMI : « Les pays participants et les détenteurs agréés peuvent vendre et acheter des DTS sur le marché volontaire. Si nécessaire, le FMI peut également désigner des pays membres appelés à acheter des DTS à d’autres participants. » Unr telle option serait-elle possible dans le cadre d’un plan FMI/CEDRE, afin d’encadrer les fonds, voire… les protéger ?

DTS : Danger (ou défense ?) de Toucher au Solde… Le gaspillage chronique et impuni des fonds – publics de surcroît – nous laisse sceptiques et alertes.

Avocat et chargé de cours à l’USJ

Ancien ministre de l’Intérieur

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Le DTS (droit de tirage spécial ; « SDR » en anglais) est un actif de réserve international créé par le Fonds monétaire international en 1969 afin de couronner les réserves de change officielles de ses pays membres. Au 18 février 2021, environ 293 milliards de dollars ont été alloués aux pays membres, dont 262 milliards de dollars alloués en 2009 au lendemain de la crise...

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