Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole

Les subventions économiques : Ô rage ! Ô désespoir !

La politique de l’indexation de la livre libanaise au dollar, mise en œuvre par la Banque du Liban (BDL) depuis des décennies, consiste à fixer le taux de change entre la livre et le dollar indépendamment des fluctuations externes du marché. Dans un pays comme le Liban, souffrant d’un déséquilibre défavorable de la balance des paiements, une stabilisation du taux de change engendre la surévaluation artificielle de la livre libanaise vis-à-vis du dollar. C’est donc une forme de subvention généralisée qui englobe la quasi-totalité des consommations sur l’importation. En d’autres termes, les importations (y compris le tourisme des Libanais à l’étranger) se vendent à des prix fortement réduits.

Cette politique de subvention économique généralisée est fort coûteuse. La perte consécutive de la différence entre le taux artificiel de la livre libanaise et son taux réel est de la responsabilité de l’État. Elle requiert un financement direct ou indirect de la part du gouvernement. Ce financement s’effectue par le truchement de trois voies : (1) le gouvernement emprunte directement des dollars auprès des banques libanaises ; (2) le gouvernement emprunte directement des dollars auprès des marchés financiers internationaux via l’émission d’eurobonds ; (3) l’État emprunte indirectement des dollars auprès des déposants libanais via l’utilisation des réserves de la BDL. En cas de défaut de remboursement par l’État, les créanciers et les déposants bancaires risquent d’assumer de lourdes pertes (comme c’est le cas aujourd’hui).

Le risque souverain est particulièrement élevé au Liban car le pays est vulnérable à de nombreux soubresauts politiques. À titre d’exemple, le vide présidentiel de 2014 à 2016 ébranla de façon significative la confiance des marchés financiers. Les dépôts en dollars des banques s’amenuisèrent considérablement. Pour se ravitailler en dollars, et donc continuer sa politique d’indexation de la livre libanaise, la BDL entreprit un swap « livres libanaises contre dollars » (ces fameuses ingénieries financières). En d’autres termes, la BDL emprunta des dollars auprès des banques libanaises en outrepassant les canaux conventionnels de financement.

La politique d’indexation de la livre libanaise au dollar ne peut guère perdurer dans un pays aussi vulnérable que le Liban. Dans mon article intitulé « Jusqu’à quand la parité de la livre libanaise ? », publié dans L’Orient-Le Jour du 29 novembre 2019, je présageai la fin imminente de la politique d’indexation. Il suffit d’une petite étincelle pour que les choses basculent de façon dramatique et irréversible. En effet, au cas où la confiance n’est plus au rendez-vous, deux phénomènes nuisibles se déclenchent : (1) les déposants retirent leur argent des banques libanaises pour les transférer dans un lieu plus sûr ; (2) les créanciers hésitent à prêter de l’argent à un État brinquebalant, même à de hauts taux d’intérêt.

Aujourd’hui, le gouvernement libanais ne peut plus emprunter des dollars sur les marchés financiers pour cause principale de défaut de payement des eurobonds en mars 2020. De surcroît, les réserves en devises de la BDL sont très maigres. En conséquence, l’État est contraint d’abandonner sa politique de subvention généralisée (c’est-à-dire l’indexation de la livre au dollar) au profit d’une politique de subvention ciblée (c’est-à-dire la subvention de quelques lignes d’importations sur les produits de première nécessité, comme le carburant, les médicaments et certains aliments).

Le seul levier de secours que l’État possède actuellement pour maintenir sa politique de subvention ciblée est de puiser, ô crime de lèse-majesté, dans les réserves obligatoires de la BDL. L’argument de base repose sur l’article 91 du code de la monnaie et du crédit. Il stipule que l’État peut, dans « des circonstances d’une gravité inhabituelle ou en cas d’absolue nécessité », solliciter un prêt de la BDL en puisant dans les réserves obligatoires sur « base juridique adéquate ». In fine, l’État emprunte les dollars du déposant contre son gré pour faire perdurer une politique de subventions économiques qui, en fin de compte, profite bien davantage à certains cartels proches du pouvoir qu’aux personnes vraiment dans le besoin.

Il est important de souligner que l’État peut aujourd’hui piocher à sa guise d’importantes sommes dans les réserves obligatoires de la BDL car, comble de l’ironie, l’argent du déposant est séquestré indéfiniment dans les banques. En temps normal, cette dilapidation insolente de l’argent du déposant ne pourrait jamais se produire de façon si ostentatoire pour la simple raison que cela entraînerait un exode massif et quasi immédiat des dépôts bancaires.

Entre-temps, le pauvre épargnant qui a bataillé toute sa vie comme une bête de somme se retrouve fortement démuni. Il assiste passivement, sans qu’il ne puisse faire quoi que ce soit, à l’évaporation injuste de son épargne par un État défaillant et corrompu. De quoi nous rappeler le personnage de Don Diègue dans Le Cid de Corneille qui exprime sa profonde frustration de ne pouvoir se faire justice par lui-même en prononçant ce fameux monologue : « Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie !

N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ? »

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

La politique de l’indexation de la livre libanaise au dollar, mise en œuvre par la Banque du Liban (BDL) depuis des décennies, consiste à fixer le taux de change entre la livre et le dollar indépendamment des fluctuations externes du marché. Dans un pays comme le Liban, souffrant d’un déséquilibre défavorable de la balance des paiements, une stabilisation du taux de change engendre la...

commentaires (1)

ceux comme vous qui n'etes pas membre -secret- des magouilleurs - et qui avaient sonne l'alarme , YA REIT vous aviez fait beaucoup plus, YA REIT vous aviez eu l'idee de faire beaucoup plus pour nous reveiller, YA REIT votre avertissement avait ete assez persistant pour nous faire voir LES REALITES CACHEES, LES LEURRES des interets eleves..... YA REIT, nous aurions mis alors non pas Paris dans une bouteille, mais les crapules en prison !

Gaby SIOUFI

10 h 46, le 16 juillet 2021

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • ceux comme vous qui n'etes pas membre -secret- des magouilleurs - et qui avaient sonne l'alarme , YA REIT vous aviez fait beaucoup plus, YA REIT vous aviez eu l'idee de faire beaucoup plus pour nous reveiller, YA REIT votre avertissement avait ete assez persistant pour nous faire voir LES REALITES CACHEES, LES LEURRES des interets eleves..... YA REIT, nous aurions mis alors non pas Paris dans une bouteille, mais les crapules en prison !

    Gaby SIOUFI

    10 h 46, le 16 juillet 2021

Retour en haut