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Société - Éducation

Boutros Azar veut continuer à défendre le droit de tous à un enseignement de qualité

L’ancien secrétaire général des écoles catholiques revient sur un mandat de près de 10 ans, plombé par une législation contestée, la loi 46. Et passe le relais à l’un de ses proches collaborateurs, le père Youssef Nasr.

Boutros Azar veut continuer à défendre le droit de tous à un enseignement de qualité

« Je quitte le cœur gros le secrétariat général des écoles catholiques », dit à « L’OLJ » le père Boutros Azar. Photo A.-M.H.

Après presque dix ans passés à la tête du secrétariat général des écoles catholiques (SGEC) et de la Fédération des associations éducatives privées, le père Boutros Azar tire sa révérence. Son mandat de trois ans, renouvelé deux fois, et prolongé de six mois pour cause de Covid-19, s’est achevé en juin sur un serrement de cœur. Celui de quitter le SGEC alors que le secteur éducatif est en pleine tourmente, dans un climat d’effondrement économique inédit. Un secteur qui, déplore-t-il, a « été victime de mauvaises législations » et a « attendu en vain que l’État développe une vision cohérente pour assurer à tous les élèves un enseignement de qualité » et même « un enseignement gratuit pour tous ».

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Critiqué par certains pour ce qu’ils considéraient comme sa trop grande bonté alors que la situation de crise nécessitait davantage de poigne, décrié à la fois par des parents d’élèves et des enseignants pris à la gorge, le moine antonin a dû faire avec l’adoption en août 2017 d’une loi 46 d’inspiration clientéliste qui accordait aux enseignants du privé (à l’instar des fonctionnaires) d’importantes améliorations salariales. Les parents d’élèves peinaient pourtant déjà à payer les frais de scolarité de leurs enfants. D’où la prise de position ferme du père Azar contre cette loi qualifiée de « corruption électorale ». L’échelle des salaires qui a divisé la famille éducative a été le point de départ de la plongée en enfer du secteur. Deux ans plus tard, l’effondrement financier, la pandémie de Covid-19 et l’explosion du port de Beyrouth ont précipité la chute. C’est dans ce contexte que Boutros Azar passe le relais à son successeur, le père Youssef Nasr.

Dans quel contexte se sont déroulées les élections au secrétariat général des écoles catholiques ?

Mon mandat a été renouvelé deux fois et prolongé pour cause de pandémie. J’ai occupé la fonction de secrétaire général des écoles catholiques durant 9 ans et 6 mois et n’avais pas droit à un quatrième mandat. Le changement était donc une évidence (...) En avril dernier, l’assemblée réunie en session ordinaire a élu le père Jean Younès. Mais ce dernier s’est excusé, après un grave problème de santé. En juin, au terme d’une nouvelle élection, le père Youssef Nasr a été élu. Le nouveau secrétaire général, membre pendant 7 ans du comité exécutif de l’institution, appartient à l’ordre monastique du Saint-Sauveur. Ancien directeur du collège du Saint-Sauveur à Jeita, il est actuellement directeur de l’école Saint-Joseph à Hoch el-Oumara.

Quel bilan dressez-vous de votre action ?

J’ai toujours agi en mon âme et conscience. La gestion de la loi 46 sur la grille des salaires a été au cœur de mon action. Si je dois vraiment dresser un bilan, j’estime avoir fait preuve d’une infinie patience face aux propos déplacés et aux accusations de part et d’autre, qui ont porté atteinte à ma personne. J’insiste sur ma patience, parce qu’elle repose sur mon souci de servir la famille éducative – institutions, parents, enseignants, élèves –, dont les intérêts et la pérennité sont défendus par le SGEC. J’ai redoublé d’efforts pour que le secteur éducatif porte haut les valeurs morales, éthiques, qualitatives et économiques, sans oublier la lutte contre la corruption. En même temps, j’ai lutté pour préserver la qualité de l’enseignement au sein des écoles catholiques et des établissements privés. D’où ma mobilisation face à la multitude de défis qui se sont posés durant mon mandat, le dernier en date étant la pandémie de Covid-19.

Quelle est la situation actuelle de l’école catholique ?

Je ne suis pas tranquille pour l’avenir de l’école catholique et j’ai le cœur gros de quitter le SGEC en pleine crise liée à la politique éducative. Est-il d’ailleurs possible de trouver une solution à la crise sans une vision étatique claire ? En même temps, je laisse l’institution aux mains d’une personne de confiance qui connaît le dossier de manière approfondie, car elle exerce depuis plusieurs années au sein du comité exécutif. Je laisse donc beaucoup de problèmes à mon successeur, le père Youssef Nasr. J’aurais voulu lui paver la voie, lui rendre les choses plus faciles. J’espère sincèrement que le secteur bénéficiera d’aides conséquentes.

Quels sont vos projets après le secrétariat général des écoles catholiques ?

Je suis prêt à aller là où on a besoin de moi. Pour le moment, je suis dans l’attente. Je suis moine maronite au sein de l’ordre des pères antonins, et je ne cherche aucune position. En revanche, j’ai encore un rôle à jouer au sein de l’enseignement catholique au Liban. Je ne rends donc pas les armes. Ma voix restera forte pour que soit prioritaire l’enseignement de qualité, pour l’unité de la famille éducative, pour la pérennité des institutions privées, et enfin pour que l’État prenne conscience de la nécessité d’assurer l’éducation gratuite à tous. Pour ce faire, il est important de mettre fin à la corruption et au clientélisme, en cessant notamment d’attribuer des permis à nombre d’institutions scolaires mercantiles qui nuisent à la réputation du secteur éducatif. Je continuerai aussi à me prononcer haut et fort, comme je l’ai toujours fait, contre les mauvaises législations qui n’assurent ni l’équilibre ni la justice. Je n’étais pas contre la grille des salaires. En revanche, la législation avait le devoir d’assurer la dignité de tous, professeurs, institutions éducatives et élèves. Or cette loi a provoqué des conflits dans tous les établissements scolaires et 99 % d’entre eux n’ont toujours pas accordé les six échelons exceptionnels aux enseignants, les parents étant dans l’incapacité d’assumer des hausses d’écolages. Les élèves n’ont pas été considérés comme prioritaires. Quant aux enseignants, leurs salaires ne valent plus rien.

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C’est dans ce cadre que je suis un ardent défenseur de la carte éducative (une contribution étatique aux parents d’élèves) qui apportera des solutions au problème des écolages, accordera leurs droits aux enseignants et permettra aux institutions privées d’investir au service de l’élève et de planifier à long terme, tout en donnant aux parents la liberté de scolariser leurs enfants dans l’établissement de leur choix. Je tiens à rappeler que l’État français paie les salaires de tous les enseignants de France, même ceux du secteur privé. Je voudrais aussi signaler que le contribuable libanais paie une taxe d’enseignement. En contrepartie, que lui assure l’État ? Où va donc cette taxe ? Et qu’est devenu le projet des 500 milliards de LL promis (en juillet 2020, comprenant 350 milliards de LL pour le secteur éducatif privé et 150 milliards de LL pour le secteur public, NDLR) par les autorités pour que le secteur éducatif reprenne son souffle ?

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