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Nos Lecteurs ont la Parole

Le salut des Libanais ne viendra que d’eux-mêmes

« Connaître les noms, c’est connaître la nature des choses. »

(Platon)

Lorsqu’un système confessionnel fragile est couplé d’une classe politique manquant de vision nationale et de sens des responsabilités à l’égard des services publics, il enfante des crises d’une ampleur aveuglante. Les Libanais, tellement occupés à assurer les besoins vitaux pour leur survie, n’arrivent plus à déceler le cœur du problème et ses fondements. En effet, la seule issue possible dépendra d’une croissante conscience des Libanais à l’égard de leur objectif : vivre ensemble au sein d’un État. Mais ce bien commun ne peut nullement être défini et réalisé par le système actuel dont les articulations sont détenues par une classe politique confessionnelle et héritière de la mentalité des guerres, qui contredit l’idée même de l’État moderne. Alors, est-ce que les Libanais peuvent espérer que la formation du nouveau gouvernement tant désiré mettra un terme au drame du pays ? Ou bien doivent-ils eux-mêmes œuvrer pour leur propre salut ?

Le démantèlement des mécanismes et des concepts du système confessionnel, en vue de bien saisir ses dysfonctionnements et déséquilibres chroniques, s’avère, dans ce cadre, très important. C’est ainsi que débutera la recherche d’une alternative bien au-delà de la politique du bord du gouffre qui prévale. Effectivement, le drame des Libanais se résume dans le fait qu’ils sont pris en otage par un système inopérant maîtrisé par des dirigeants qui agissent en fonction de leurs intérêts personnels et alliances extérieures. Dans une telle ambiance, le développement d’un concept de bien commun s’avère impossible. Tant que ce genre d’entité subsiste, toute construction d’une seule communauté politique fondée sur un contrat entre des individus libres qui savent déterminer leur bien commun à la lumière de leur bien personnel reste irréalisable. Cependant, seul le concept de bien commun peut leur assurer une vie décente et prospère. À la base d’un tel concept, réside en effet un lien entre le citoyen et son État dépassant toute subordination à une entité communautaire familiale ou religieuse.

Le facteur religieux organiquement lié au fait confessionnel complique cette question de bien commun d’une manière exceptionnelle. Lorsque le bien des Libanais est compris à la lumière de leur religion assujettie à la confession, il devient ipso facto synonyme des intérêts des partis politiques confessionnels. Ceci étant le cas, rien d’étonnant de voir, dans certaines situations, que toute critique adressée à ces références symboles est considérée comme une atteinte non seulement aux intérêts et droits de la confession, mais aussi une lèse-majesté divine.

En effet, lorsque l’idée religieuse du bien se traduit dans un cadre spatio-temporel, et est liée aux expériences historiques collectives marquées par la confrontation de « nous » à « eux », il perd sa dimension universelle pour devenir un bien étroit sectaire sans lui enlever pour autant son caractère religieux. Or, cela constitue évidemment une véritable calamité et pour la religion, et pour l’État, et pour le citoyen. Pratiquement, les Libanais ne recueillent que le malheur du fait confessionnel ; ils se trouvent prisonniers des conflits aux conséquences fâcheuses qui suscitent en eux la méfiance et l’intolérance à l’égard des autres. Le fait confessionnel ébranle inévitablement les fondements de l’État moderne qu’il prétend établir.

Aucun discours national fondé sur le confessionnalisme, aussi sincère soit-il, ne peut contribuer à la construction d’un État moderne. Un tel discours n’aboutira, au final, qu’à la confirmation de la logique du pacte national qui maintient une société en mosaïque dans laquelle l’individu se soumet à sa confession contre sa volonté, non à l’État auquel il devra se soumettre parce que ainsi, il obéira à lui-même.

Concrètement, la trajectoire empruntée par la vie politique au Liban depuis l’accord de Taëf jusqu’à aujourd’hui va à l’encontre d’une construction d’un État démocratique. Suite à cet accord, nous avons pu constater une reproduction de l’État libanais confessionnel sous une nouvelle formule, à savoir la troïka. Cela signifie une dépendance de plus en plus grande sur l’entente des trois présidents en tant qu’individus pour gouverner le pays et un éloignement de plus en plus grave de la logique institutionnelle. Cette tendance à personnifier les institutions fut exacerbée pendant la tutelle syrienne qui dépendait de l’allégeance des personnes et de la banalisation des institutions.

L’établissement d’un État démocratique moderne dépend des citoyens qui ont l’expérience qu’ils forment un seul peuple parce qu’ils ont un seul destin. Quant à la rhétorique confessionnelle exaspérée, elle conduit à se barricader derrière les confessions ; toute coopération avec l’autre qui s’avère obligatoire pour éviter l’effondrement du pays semble être un mal inévitable. Cela laisse le gouvernement dans une impasse permanente, non seulement à cause de la lutte pour servir les intérêts discordants cachés par le confessionnalisme, mais aussi parce qu’il affaiblit progressivement l’indépendance du pays au point de la perdre, car les Libanais ne peuvent plus décider par eux-mêmes de leurs propres intérêts et des moyens de les atteindre.

Il ne fait aucun doute qu’une des voies pour changer la donne est le renouvellement des élites politiques. Sans ce renouveau, le pays restera dans un état de stagnation, voire d’effondrement. Le non-renouvellement des élites signifie le non-renouvellement des idées ; c’est-à-dire la continuation d’un héritage d’idées et des comportements qui rendent absentes toute proposition sérieuse et toute discussion raisonnable en vue d’améliorer le système. De même, il y a un besoin urgent d’une lecture critique de l’histoire moderne et contemporaine du Liban à la lumière de ce qui compose le thème de l’État moderne et même de chaque religion (non-confession), à savoir « l’être humain », et de ce qu’il a besoin pour grandir, et réaliser sa personnalité et ses aspirations dans le cadre de l’État de citoyenneté.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

« Connaître les noms, c’est connaître la nature des choses. »(Platon)
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