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Campus - RENCONTRE

Entre défis et projets, l’AUF renouvelle son soutien au Liban

Après une année académique marquée par les défis de l’enseignement en ligne et l’impact des multiples crises que vit le pays, nous avons rencontré Jean-Noël Baléo, directeur régional de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) Moyen-Orient depuis la rentrée 2020, pour un état des lieux du rôle de l’AUF auprès du système d’enseignement supérieur et de recherche au Liban dans le contexte actuel.

Entre défis et projets, l’AUF renouvelle son soutien au Liban

Jean-Noël Baléo, directeur régional de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) Moyen-Orient : « Notre objectif est de maintenir le potentiel universitaire, scientifique et éducatif du pays, qui fait la singularité du Liban et garantit son capital humain. » Photo AUF

Quel bilan dressez-vous pour l’AUF de l’année académique qui vient de s’écouler ?

La machine AUF a tourné à plein régime ces derniers mois. Nous avons relancé les dispositifs qui avaient été interrompus à cause de la crise sanitaire, avec des ambitions surdéveloppées pour essayer de répondre aux difficultés propres au Liban.

Parmi les faits les plus significatifs, le plan AUF pour le Liban est décliné en plusieurs projets concrets. L’agence a ainsi ouvert un campus connecté à Beyrouth, avec le soutien de la France. Cet espace d’accueil pour les étudiants leur offre divers services, dont un mentorat.

On s’investit aussi massivement dans l’entrepreneuriat étudiant en finançant deux incubateurs d’entrepreneuriat social, l’un à l’Université Saint-Joseph et l’autre à l’Université islamique, sur financement européen. Nous sommes en train de mettre en place un grand projet sur le plan national, lié à l’entrepreneuriat étudiant.

Je voudrais aussi signaler que dans le cadre de nos efforts d’adaptation, en raison du fait que la valeur des bourses cofinancées par nos partenaires libanais s’est effondrée, étant en livres libanaises, l’AUF a doublé le montant des bourses attribuées aux étudiants qui en étaient déjà bénéficiaires, car nous aurions fait face sinon à un nombre important d’abandons, notamment en mobilité doctorale.

Dans nos efforts d’adaptation à la situation, nous avons également lancé un nouvel instrument de soutien à la recherche au Liban, avec le CNRS-Liban, intitulé R3 Liban – Recherche, Réponses, Résilience. En plus de l’octroi de bourses de doctorat, cet instrument vise à atténuer l’effet de la crise sur le pays et à aider les chercheurs à proposer des mécanismes de remédiation et de résilience grâce à l’expertise qu’ils détiennent et à la recherche, dans divers domaines, comme l’environnement, la santé, la sociologie, l’économie, la préservation du patrimoine ou la gestion des écosystèmes vulnérables.

Quelles sont les difficultés que l’AUF a dû confronter depuis votre prise de fonction ?

Je suis arrivé au Liban en septembre 2020, en pleine période d’accumulation de crises. La difficulté principale est de travailler depuis neuf mois dans un contexte qui ne s’est jamais stabilisé, et qui s’est même constamment dégradé. La crise est structurelle, elle est engagée dans le temps long. Il s’agit par conséquent de s’adapter à une nouvelle donne. Nous avons à traiter un enjeu de correction de trajectoire. Un de mes objectifs principaux consiste à trouver des financements extérieurs en devises fortes (fresh money) pour les réinjecter, sur la base de projets, vers les membres de l’AUF.

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Une autre difficulté est de travailler dans un contexte de crises multisectorielles. J’effectue des plaidoyers en dehors du Liban pour expliquer combien il est indispensable de soutenir le système d’enseignement supérieur et le système scientifique libanais. Mais lorsque la moitié de la population est passée sous le seuil de la pauvreté, et que l’urgence est devenue humanitaire, il est difficile de faire comprendre que l’avenir de l’appareil scientifique et la qualité de l’enseignement sont aussi un enjeu primordial qui peut affecter l’identité future du Liban. Dans le contexte de difficulté extrême que vit le pays, il est normal que les individus se concentrent sur l’essentiel, et cet essentiel n’est pas forcément de s’investir dans un nouveau projet de recherche par exemple. La difficulté est de faire coïncider le temps court de l’urgence avec le temps long qui est celui du maintien structurel de la qualité et du potentiel scientifique et universitaire du pays. Personnellement, j’ai l’habitude des environnements difficiles et contraints, et la leçon que j’ai apprise, c’est qu’il faut redoubler d’énergie et de détermination.

Comment avez-vous accompagné les établissements membres lors de leur transition vers l’enseignement en ligne ?

Nous adaptons nos réponses pour aider les universités à traverser un changement partiellement structurel. Concernant les difficultés générales dues à la pandémie, les établissements ont souvent dû effectuer une transition vers l’enseignement en ligne sans y être parfaitement préparés. L’AUF a développé des outils de formation et de conseil pour aider ses membres à mettre en place de nouvelles stratégies, le numérique et l’enseignement à distance faisant partie des priorités de positionnement de l’AUF. Les formations que nous proposons ont pour objectif d’intégrer des pratiques et des solutions techniques et pédagogiques adaptées aux contextes. Nous sommes à cet égard en train de lancer un grand projet au Liban avec l’Université libanaise, l’Université La Sagesse et l’Université islamique, qui en seront les bénéficiaires. Ce projet est financé par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères en France, et mené en partenariat étroit avec l’ambassade de France au Liban.

Qu’en est-il des actions qui répondent à l’impact de la crise socio-économique sur le système éducatif et de recherche ?

Notre objectif est de maintenir le potentiel universitaire, scientifique et éducatif du pays, qui fait la singularité du Liban et garantit son capital humain. L’AUF a ainsi établi, pour la première fois à cette échelle, un plan national d’appui, dans une démarche de solidarité, qui intègre toutes les dimensions sur lesquelles nous travaillons : la recherche scientifique, l’entrepreneuriat, l’éducation de base et l’aide à la mobilité, entre autres. Nous avons mis en place, en quelques mois, une réponse avec un financement de l’ordre d’un peu plus d’un million d’euros, pour aider dans les deux ans qui viennent nos membres et l’ensemble du système à dépasser cette situation.

Quels sont les projets prévus pour la rentrée prochaine ?

Sur le versant de l’éducation, nous sommes en train de réactiver et lancer deux grands projets de soutien au ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Liban, pour le renforcement des capacités de ce ministère, d’une part, et pour la mise en place d’un programme national de formation de tous les professeurs de français, d’autre part. Ces deux projets sont mis en place de concert avec la Direction générale de l’éducation de ce ministère.

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Par ailleurs, l’AUF ouvrira à la rentrée deux centres d’employabilité francophone, ou CEF, à Beyrouth et Tripoli. Ce seront des espaces ouverts aux étudiants et aux anciens diplômés des universités membres. Le CEF à Beyrouth constituera la suite du projet de Campus connecté. Nous proposerons de la formation, de l’autoformation, du conseil et de l’orientation. Nous soutiendrons également des projets de pré-incubation pour assurer une fonction de chaînon manquant entre les démarches d’entrepreneuriat étudiant, réalisées dans les établissements, et l’incubation professionnelle de projets aboutis. Le CEF sera une plate-forme d’interaction entre les milieux académiques et l’ensemble du tissu socio-économique du pays, au bénéfice des étudiants mais aussi de leur employabilité, pour favoriser leur insertion professionnelle.

Pour conclure, pouvez-vous nous rappeler quelles sont les grandes orientations stratégiques de l’AUF notamment celles adaptées à la situation actuelle du Liban ?

Les grands fondamentaux de l’action de l’AUF concernent bien entendu la qualité de l’enseignement, de la recherche et de la gouvernance. Aux établissements membres, nous proposons notre appui vers une recherche d’excellence et une pédagogie innovante. Et comme nous sommes l’Agence de la francophonie, nous soutenons bien entendu la langue française et la francophonie scientifique. Nous œuvrons pour le développement des capacités d’expertise et d’innovation par la recherche scientifique, un point fondamental pour répondre aux enjeux économiques prioritaires de la région et du Liban. Nous épaulons également les universités membres dans leurs efforts de résilience face aux crises auxquelles elles sont confrontées, afin qu’elles puissent maintenir leur niveau d’enseignement supérieur dans un contexte international concurrentiel. Nous travaillons aussi sur l’amélioration des méthodes pédagogiques d’enseignement, notamment via le recours à l’outil numérique.

L’AUF formule également une offre vers les étudiants francophones et facilite la mise en place d’une démarche entrepreneuriale visant leur insertion professionnelle, en lien avec le monde socioprofessionnel.



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