
De gauche à droite : le gouverneur de la BDL Riad Salamé, les ministres sortants de l’Énergie, Raymond Ghajar, et des Finances, Ghazi Wazni, et le chef de l’État Michel Aoun, hier, à Baabda. Photo Dalati et Nohra
La crise que le Liban traverse depuis l’été 2019 a pris un nouveau tournant hier. Dans un communiqué publié en milieu d’après-midi, la Banque du Liban (BDL) a affirmé qu’elle ne financera pas les besoins en devises de l’État libanais sans demande expresse de celui-ci, et qu’elle devra forcément ponctionner les montants demandés sur les réserves obligatoires des banques déposées auprès d’elle et qui sont aujourd’hui presque tout ce qui reste des réserves de change dont dispose la BDL.
C’est en tout cas la procédure qui sera, sauf surprise, privilégiée pour financer une modification du mécanisme de subvention de la banque centrale et dont bénéficient les importateurs d’essence depuis octobre 2019. Une modification qui devrait permettre, selon le ministre sortant de l’Énergie et de l’Eau Raymond Ghajar, de maintenir les prix en livres de l’essence à un niveau inférieur à celui qu’ils devraient atteindre compte tenu de la valeur de la livre « pendant trois mois ». Cette déclaration a été faite après une réunion exceptionnelle hier matin au palais présidentiel de Baabda avec le chef de l’État Michel Aoun, le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé et le ministre sortant des Finances Ghazi Wazni, afin de limiter la crise du carburant que traverse le pays depuis plusieurs semaines et d’éviter toute « répercussion négative » sur « la sécurité » nationale. Plusieurs incidents, parfois armés, ont en effet éclaté au cours des dernières semaines dans certaines stations-service entre clients ou avec les employés.
Toujours selon le ministre Ghajar, la modification consisterait à faire passer de 1 507,5 livres à 3 900 livres pour un dollar le taux auquel les importateurs peuvent acheter des devises à la BDL pour payer 90 % des factures de leurs fournisseurs, conformément à ce que prévoit le mécanisme. Il n’a pas dit cependant si le ratio de couverture des factures serait modifié. Si cela était maintenu, le prix des 20 litres d’essence graviterait alors autour de 60 000 livres, contre un peu plus de 40 000 aujourd’hui et 200 000 livres sans subventions – le taux dollar/LL ayant atteint 16 000 livres hier sur le marché parallèle. Le ministre a avoué que la mesure visait à atténuer la crise du carburant afin d’encourager les expatriés à venir au Liban. Le Premier ministre sortant Hassane Diab doit en principe signer « dans les prochaines heures » le décret retranscrivant l’accord exceptionnel conclu.
L’article 91 du CMC
C’est en fin d’après-midi que la BDL est venue préciser quelles seraient les conditions auxquelles elle accepterait de puiser dans les réserves obligatoires pour continuer de financer les besoins de l’État.
La banque centrale a en effet invoqué l’article 91 du Code de la monnaie et du crédit (CMC) pour rappeler que l’État pouvait, dans « des circonstances d’une gravité inhabituelle ou en cas d’absolue nécessité », solliciter un prêt auprès d’elle en lui fournissant une « base juridique adéquate » l’autorisant à utiliser des liquidités puisées à partir des réserves obligatoires. La BDL n’a pas communiqué sur le plafond maximum des montants que cette disposition lui permettait d’octroyer, mais elle a rappelé que la durée du prêt en question ne devait pas dépasser 10 ans, comme le prévoit l’article 94 du CMC.
Le taux d’intérêt qu’elle pourrait réclamer ne devrait pas être inférieur au « Bank discount rate », majoré d’un point de pourcentage, comme le précise l’article 93 du CMC. Selon une source bancaire, le « Bank discount rate » pourrait correspondre au « Beirut reference rate » en dollar, qui est actuellement de 4,53 % sur un an, ou au Libor (London Interbank Offer Rate, un taux du marché interbancaire observé à Londres), fixé à environ 0,25 % cette année. La BDL a enfin ajouté que le contrat de prêt devra expressément retranscrire l’engagement du gouvernement à rembourser le ou les prêts souscrits, une référence à peine voilée au défaut de paiement sur les obligations d’État en devises annoncé par le gouvernement de Hassane Diab en mars 2020.
Dans son communiqué, la BDL a expliqué ne pas avoir d’autre choix que d’imposer cette procédure pour accorder tout financement supplémentaire en devises à l’État compte tenu du niveau atteint par ses réserves, sans en préciser le montant. Si celui-ci n’est d’ailleurs publié nulle part – même dans les bilans de la banque centrale disponibles sur son site –, Hassane Diab avait estimé en mars dernier que ces réserves atteignaient 15 milliards de dollars, un total correspondant alors à 15 % des dépôts en devises détenus par les banques.
Imposés par la Banque du Liban, ces montants déposés auprès d’elle par les établissements bancaires ont vocation, selon le Code de la monnaie et du crédit et la Banque des règlements internationaux (BRI, la Banque centrale des banques centrales), à lui servir d’outil de politique monétaire. Début juin, la BDL avait laissé entendre qu’elle pourrait abaisser ce ratio à 14 % dans le cadre de la mise en œuvre de la circulaire n° 158 visant à permettre aux clients des banques libanaises, dont l’accès aux dépôts en devises a été illégalement restreint par le secteur dès les premiers mois de la crise, de retirer une petite partie de leurs dépôts en « dollars frais » (des devises en espèces ou transférées de l’étranger).
La BDL a enfin appelé dans son communiqué à la mise en place d’un plan « clair et unique » concernant la rationalisation des mécanismes de subvention (pour les importations de blé, carburant, médicaments, matériel médical ou certaines denrées alimentaires), qu’elle finance à partir de ces mêmes réserves de devises depuis octobre 2019, ainsi qu’à la relance de l’économie et de la confiance. Elle a en outre exhorté les autorités à se focaliser sur un système de « subventions directes aux citoyens », une référence à la carte d’approvisionnement actuellement étudiée par les députés (lire par ailleurs).
La disposition des réserves obligatoires
La décision de la BDL exacerbe encore plus un débat public déjà houleux sur la disponibilité des réserves obligatoires que les banques déposent à la banque centrale et leur propriété. Selon le directeur du département de recherche de la Byblos Bank, Nassib Ghobril, ces réserves « appartiennent in fine aux déposants » dans la mesure où leurs montants ont été puisés à partir de leurs dépôts. Il a rappelé que les réserves totales de devises de la BDL – qui incluent donc les réserves obligatoires – avaient reculé de 12,3 milliards de dollars à mi-juin 2021 en glissement annuel, soit une baisse de 44 %.
Une source financière considère pour sa part que les réserves obligatoires sont des dépôts effectués par les banques et qu’elles passent alors sous la responsabilité de la BDL qui les détient, ce qui écarte toute interdiction formelle concernant leur potentielle utilisation. La réglementation ne livre pas d’ailleurs de réponse définitive concernant la disponibilité des réserves obligatoires. Ni le CMC – qui régit les règles que la BDL doit suivre – ni la BRI ne spécifient en effet à qui appartiennent ces réserves obligatoires et à quels domaines les fonds peuvent être alloués (sauf dans le but d’une politique monétaire).
L’économiste Jean Tawilé juge de son côté « positif » le fait que la Banque du Liban demande à l’État d’assumer ses responsabilités en sollicitant un ou des prêts en bonne et due forme, comme le CMC le prévoit, au regard des circonstances actuelles. « La grande question qu’on est en droit de se poser est : pourquoi avoir attendu aujourd’hui pour le faire alors que la crise dure depuis près de deux ans (et que le pays est mal géré depuis encore plus longtemps). Si la BDL avait dès le début imposé à l’État de respecter ses engagements, la classe dirigeante n’aurait pas dilapidé plus de 10 milliards de dollars de subventions en deux ans », commente-t-il. « En demandant à l’État de solliciter un prêt pour financer ses besoins, la BDL veut se couvrir et éviter d’être accusée d’avoir dilapidé les réserves obligatoires. Le but est également de préserver autant que possible les dépôts du secteur bancaire en garantissant le remboursement des sommes engagées », explique Nassib Ghobril. Il rappelle que le Liban ne peut plus se financer sur les marchés internationaux et que le défaut de 2020 a « instauré une culture de la négligence et de l’indifférence ».
Une source proche de la BDL juge pour sa part que l’institution n’avait pas à demander à l’État de respecter les exigences de forme qu’elle invoque aujourd’hui dans la mesure où les liquidités en devises disponibles qu’elle a utilisées, notamment pour financer les mécanismes de subvention en vendant au secteur privé et aux institutions des dollars contre des livres à un taux inférieur à celui du marché parallèle, « appartenaient justement plus ou moins à l’État ». Un point que la BRI valide, considérant qu’il en est « le propriétaire effectif », dans une note publiée en avril 2013, même si l’institution, basée à Bâle, n’aborde pas le statut des réserves obligatoires au-delà de leur potentielle utilisation dans le cadre d’une politique monétaire.
La grande question à laquelle peu d’observateurs étaient capables de fournir une réponse précise hier soir restait : quel serait le montant que l’État envisagerait d’emprunter à la BDL selon ces conditions et quels besoins servirait-elle à financer, autre que le carburant ? Plusieurs sources contactées ont cependant émis l’hypothèse que ce procédé sera utilisé pour en financer d’autres, dont celui de la carte d’approvisionnement, un substitut aux subventions que les commissions parlementaires ont approuvé hier et qui devrait coûter 556 millions de dollars, ou encore des fonds en devises nécessaires pour payer le carburant, ainsi que certains prestataires d’Électricité du Liban.
C'est dans le cadre de cette crise du carburant que le président du rassemblement des propriétaires de générateurs privés, Abdo Saadé, a remercié hier le général Joseph Aoun, commandant en chef de l’armée, d’avoir fourni 8 millions de litres de mazout provenant des stocks de la troupe.
La crise que le Liban traverse depuis l’été 2019 a pris un nouveau tournant hier. Dans un communiqué publié en milieu d’après-midi, la Banque du Liban (BDL) a affirmé qu’elle ne financera pas les besoins en devises de l’État libanais sans demande expresse de celui-ci, et qu’elle devra forcément ponctionner les montants demandés sur les réserves obligatoires des banques...
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Déshabiller st. Pierre pour habiller St. Pierre pour habiller St. Paul, telle est leur seule solution avec des horizons bouchés qu’ils rendent de plus en plus opaques, on risque de se retrouver tous à poil pour leur permettre de garder leur vison sur leur peau par 40 degrés à l’ombre. Ils ne sont pas prêts à quitter leurs accoutrements avant d’avoir ôter la peau sur les os des citoyens. Alors qu’est ce qu’on attend pour renverser la vapeur et aller reprendre ce qu’ils nous ont volé par tous les moyens. En été on brûle de chaud faute de carburant et en hiver on se pèlent de froid pendant que chez eux le thermostat affiche une température clémente quelque soit la saison, et leurs denrées sont bien conservées au frais pour les jours de famine. Tout ça grâce à leur culot incommensurable et notre laxisme déplorable. Aucun autre peuple n’aurait accepté qu’on le maltraite sans broncher. Cela les rend tous les jours plus forts et nous ne sommes pas au bout de notre désillusion. Ils débordent de plans machiavéliques et nous les ressortent l’un après l’autre surpris par leur succès inébranlable. PEUPLE RÉVEILLE TOI, IL Y VA DE LA VIE DE CHACUN DE NOUS ET CE QUELQUE SOIT SA CROYANCE. La seule croyance qui vaille et qu’il faut sauver pour le moment est celle du devenir de notre pays et donc de nos vies. Il faut les dégager tous sans ménagement.
Sissi zayyat
11 h 38, le 27 juin 2021