
Le président du Parlement libanais Nabih Berry. Photo d'archives AFP
Le président du Parlement libanais Nabih Berry a assuré samedi que son initiative pour la formation d'un cabinet de 24 ministres sans tiers de blocage tenait toujours et promis de ne pas abandonner, alors que le Liban est sans gouvernement depuis près de dix mois et continue de s'enfoncer dans une grave crise.
Un profond conflit politique et personnel oppose le Premier ministre désigné Saad Hariri au président de la République Michel Aoun et à son camp. L'initiative du chef du Législatif, soutenue par le Hezbollah et par le patriarche maronite Béchara Raï, consiste en un cabinet de 24 ministres sans tiers de blocage, sauf que les tractations butent sur la partie qui devrait nommer les deux ministres chrétiens flottants dans ce gouvernement. Le camp aouniste accuse le Premier ministre désigné de vouloir les nommer pour obtenir la majorité absolue au sein du cabinet, et les proches de Saad Hariri renvoient l'accusation à la présidence de la République soupçonnée de viser le tiers de blocage. Après une certaine vague d'optimisme, les espoirs ont vite été douchés par une guerre des communiqués entre le camp Hariri et les aounistes.
Dans un entretien accordé au quotidien al-Joumhouria dans son édition de samedi, Nabih Berry a affirmé qu'il ne se résignera pas face au blocage. "L'initiative tient toujours. C'est une occasion qui ne se renouvellera pas", a prévenu le président du Parlement. "Cette initiative ne capitulera pas, elle cherchera à surmonter tous les obstacles qui mettent le Liban dans cette situation désastreuse", a-t-il encore fait savoir. "Il est déjà assez dur d'observer l'état du pays et la profondeur de l'abîme dans lequel les Libanais sont plongés. Vont-ils agir et entendre le cri de la faim et la douleur des gens ?", s'est-il demandé dans une allusion aux responsables politiques. Nabih Berry a entamé son mandat au Parlement en 1992 et, à l'instar de la classe dirigeante, il est largement conspué par la rue.
Point de non-retour
A l'opposé des propos de M. Berry qui se veut optimiste, les camps aouniste et haririen poursuivent leurs échanges d'accusations par communiqués ou médias interposés.
Le bureau politique du Courant patriotique libre (CPL, dirigé par Gebran Bassil) a exprimé son inquiétude que le retard dans la formation d'un gouvernement "ne marque un point de non-retour dans l'effondrement financier et provoque des troubles sociaux". "Nous renouvelons notre appel au Premier ministre désigné pour qu'il exerce ses fonctions et présente un gouvernement conforme à la Constitution, au Pacte national (de 1943) et en accord avec le président de la République", a plaidé le bureau politique du CPL dans un communiqué publié au terme de sa réunion hebdomadaire. Selon lui, les Libanais attendent des réformes "sur la base de l'initiative française et des exigences du Fonds monétaire international". Sans gouvernement apte à effectuer des réformes structurelles, le pays, en proie à une crise économique - qualifiée d'une des plus graves depuis 1850 par la Banque mondiale - ne peut pas recevoir d'aides internationales et demeure sans perspective de relèvement.
Tout en confirmant son attachement "à un gouvernement de spécialistes et à Saad Hariri en tant que Premier ministre, le parti reste ouvert à tout gouvernement sur lequel les Libanais s'entendront, mais il rejette catégoriquement tout coup porté à la Constitution qui contournerait la parité réelle (chrétienne-musulmane) et établirait de nouvelles règles se traduisant par une répartition par tiers qui ne dit pas son nom", a affirmé le CPL, critiquant ainsi implicitement l'initiative Berry. Toutefois, la formation aouniste s'est dite "favorable, à titre exceptionnel cette fois" à cette initiative, "si aucune des composantes du gouvernement ne détient plus de huit ministres".
"En cas d'insistance (de Saad Hariri) à ne pas former de gouvernement (...) et de manquements du cabinet sortant à ses devoirs dans la conduite des affaires courantes (...), l'option d'écourter le mandat du Parlement deviendra obligatoire", a encore annoncé le parti. Ce n'est pas la première fois que le CPL évoque la possibilité d'élections législatives anticipées - qu'appelle depuis longtemps de ses vœux son rival sur la scène chrétienne, le parti des Forces libanaises. Le camp Hariri a lui aussi laissé planer la menace d'une démission collective de ses députés du Parlement, mais selon plusieurs observateurs, tout cela ne relèverait que de la surenchère politique.
De nouvelles élections parlementaires doivent se tenir en 2022. "Le président de la République devrait appeler les groupes parlementaires à un dialogue pour discuter des options et des priorités de réforme, achever la formation du gouvernement et relever les grands défis auxquels sont confrontés les Libanais", a affirmé le CPL dans ce contexte.
"Démission possible"
A contrario, le vice-président du Courant du Futur, Moustapha Allouche, a rejeté samedi la faute sur le camp aouniste, estimant que "le président et son camp ne répondaient pas à l'initiative de Nabih Berry". "Nous attendrons que M. Berry dise que son initiative ne tient plus pour considérer qu'elle ne fait plus partie des options possibles", a-t-il lancé dans un entretien radiophonique. Dans ce contexte, il a estimé qu'une éventuelle récusation de Saad Hariri était sérieusement examinée à ce stade. "Cette possibilité est devenue sérieuse depuis un mois", a affirmé M. Allouche. Quant à la démission collective des députés du Courant du Futur, elle "pourrait être rediscutée", a-t-il ajouté.
Le président du Parlement libanais Nabih Berry a assuré samedi que son initiative pour la formation d'un cabinet de 24 ministres sans tiers de blocage tenait toujours et promis de ne pas abandonner, alors que le Liban est sans gouvernement depuis près de dix mois et continue de s'enfoncer dans une grave crise.Un profond conflit politique et personnel oppose le Premier ministre désigné Saad...
commentaires (10)
GOUPIL SE JOUE DE TOUT LE MONDE ET GARDE TOUJOURS BIEN SES RAISINS.
OLJ, FOSSOYEUR DE LA LIBRE EXPRESSION
19 h 11, le 06 juin 2021