Jusqu’au bout il s’y accroche. Nabih Berry n’est pourtant pas né de la dernière pluie. Il savait, dès le moment où il a lancé son initiative pour débloquer la formation du gouvernement, que ses chances de succès étaient infimes. Pourquoi s’adonner alors à ce jeu de dupes qui ne fait qu’énerver un peu plus la population ? Parce que le chef du Parlement connaît suffisamment bien le Liban, son goût pour les fausses réconciliations et les compromis boiteux, pour savoir qu’il y a toujours une petite lumière au bout du tunnel. « Berry sait que les conditions ne sont pas propices à l’intérieur et à l’extérieur du pays », dit un proche du chef d’Amal. « Il sait aussi que Michel Aoun ne souhaite pas que Saad Hariri dirige le gouvernement, et que Hariri refuse de le former pour diverses raisons, liées à ses parrains régionaux et au fait qu’il craint que l’explosion de la situation financière, économique et sociale ne lui retombe dessus », ajoute-t-il. Mais il veut tout de même tenter le coup.
Alors qu’il attend impatiemment le retour de Hariri, en déplacement aux Émirats arabes unis, Berry est interpellé par un homme politique de premier plan. « Monsieur le Président, vous voulez que Hariri forme un gouvernement et vous faites de votre mieux pour que cela se produise, mais si Hariri avait une consigne externe de s’en abstenir ? lui demande-t-il. Hariri fera-t-il cas de vous ou, au contraire, de ceux qui lui demandent de ne pas le former ? » Cette personnalité faisait allusion à des informations selon lesquelles les Émirats arabes unis et l’Égypte ne veulent pas que le chef du courant du Futur forme un cabinet, sauf à ses propres conditions, et souhaitent donc qu’il poursuive sa mission comme il l’entend. « Je ferai ce que j’ai à faire. Le pays a besoin d’un gouvernement et il doit être formé », a répondu Berry. Ce dernier a poussé son initiative fort du soutien du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Le pari reposait sur le fait que Michel Aoun et Gebran Bassil ne pouvaient plus faire obstacle à une initiative avalisée par Nasrallah, au risque d’énerver leur précieux allié. « Nasrallah a fixé les grandes lignes, en excluant la démission du président et la récusation du Premier ministre désigné », décrypte un proche du parti chiite.
Saad Hariri est rentré lundi de son périple après un détour par Paris. Là-bas, il a rencontré le conseiller diplomatique d’Emmanuel Macron, Patrick Durel, l’un des diplomates français les plus actifs sur le dossier libanais. « Durel a été très ferme avec Hariri quant à la nécessité de former rapidement un gouvernement, et lui a demandé de se récuser s’il n’y parvient pas dans quelques jours », dit un diplomate français sous couvert d’anonymat. Walid Joumblatt était également à Paris durant la même période. « Les Français lui ont tenu un discours extrêmement pessimiste. Ils lui ont dit qu’il valait mieux que Hariri se retire, et que toute l’attention soit portée sur les élections législatives », avance un proche du leader druze. Berry a bien sûr été tenu informé de ces tractations, mais il s’est tout de même accroché à ses plans.
« Est-ce qu’il y a un problème extérieur ? »
Première étape : convaincre Saad Hariri de lâcher du lest. À peine arrivé à Beyrouth, Hariri se rend à Aïn el-Tiné. Le Premier ministre désigné n’a pas de mouture, mais les deux hommes évoquent la possibilité d’un cabinet de 24 ministres. Le chef du courant du Futur s’y était jusqu’ici opposé. Berry prend les devants : « Nous devons travailler pour le processus de formation à deux niveaux, le premier étant la répartition des portefeuilles et des quotas, et le second, la liste des noms. » Il propose une distribution des portefeuilles selon le principe de son initiative, un cabinet de 24 (trois huit) sans tiers de blocage : 8 ministres pour le président de la République (7 chrétiens, dont le Tachnag, et un druze du PDL de Talal Arslane) ; 8 ministres pour le Hezbollah (2), le mouvement Amal (3), les Marada de Sleiman Frangié (2), le PSNS (1). Reste la part du camp Hariri. Ce dernier a 4 ministres, dont 5 si l’on y ajoute la présidence du Conseil, auxquels s’ajoute le ministre druze du PSP de Walid Joumblatt. Restent les deux ministres chrétiens flottants que Hariri a tenu à nommer pour avoir une part de 8 ministres, équitablement aux deux autres camps. Dans cette formule, Hariri accorde le ministère de l’Intérieur au président de la République en plus du ministère de la Défense. Mais il réclame en retour celui de la Justice. Les Affaires étrangères sont attribuées au PSP, l’Énergie aux Marada tandis que le Hezbollah obtient les Travaux et Amal le ministère des Finances.
Au cours de la réunion, Berry pousse Hariri dans ses retranchements. À trois reprises, il lui demande : « Est-ce qu’il y a un problème extérieur qui empêche la formation du gouvernement ? S’il y a quelque chose qui vous paralyse, dites-le moi. » Le chef du courant du Futur répond par la négative. Il dément toute interférence extérieure et se dit prêt pour la formation du gouvernement si le président de la République est d’accord. Mais personne n’est dupe. Hariri n’est pas prêt à céder le moindre pouce.
« Mais qui nommera les deux derniers ministres chrétiens ? »
Deuxième étape : convaincre Bassil de céder du terrain. Au sortir de la réunion, Berry envoie son assistant politique, Ali Hassan Khalil, informer Hussein Khalil du Hezbollah du contenu de l’entretien. Le représentant du parti de Dieu organise dans la foulée une réunion avec Bassil à Bayada. Mais le gendre du président prend les devants et prévient ses hôtes qu’il les attend… au palais de Baabda. Le chef du Courant patriotique libre semble optimiste. Il assure que la formule lui convient, mais insiste sur la nécessité de discuter des noms et de faire quelques amendements à ceux-ci, et demande un temps de réflexion. Les deux Khalil sont plutôt satisfaits. Le gouvernement commence à prendre forme. Mais au moment de partir, Bassil, qui prévient qu’il s’oppose à ce que les Marada mettent la main sur l’Énergie, leur demande : « Mais qui nommera les deux derniers ministres chrétiens ? » L’objet de tous les désaccords est remis sur la table. Ali Hassan Khalil répond que si Bassil les nomme, « il aura 10 ministres et Hariri 6, ce qui est illogique ». Mais le gendre du président insiste. « Je ne laisserai pas Hariri nommer un ministre chrétien. » L’ambiance change du tout au tout. Ali Hassan Khalil est excédé. Il comprend qu’on est revenu au point de départ. « Voyez avec le président ce qui est possible pour vous et revenez vers nous », finit-il par lâcher.
Même faux suspense de l’autre côté. Hariri assure qu’il proposera une mouture complète dans les 24 heures après avoir rencontré les anciens Premiers ministres, son bloc parlementaire et le bureau politique du courant du Futur. Le lendemain, il tient une réunion avec les anciens Premiers ministres, au cours de laquelle il affirme qu’il ne fera aucune concession et insiste sur sa volonté de nommer les deux ministres chrétiens car il s’agit pour lui d’un droit constitutionnel. « Il (Bassil) ne peut pas m’imposer des noms. C’est une insulte », dit le leader sunnite. Avant de reprendre les calculs d’épicier. « Si le président de la République veut avoir 8 ministres, le bloc du Liban fort doit m’accorder son vote de confiance », ajoute-t-il. Dans le cas contraire, le président ne peut avoir que trois ministres. La guerre (re)commence. Bassil tient en fin d’après-midi une conférence de presse dans laquelle il dit vouloir un gouvernement dirigé par Hariri, tout en lançant quelques piques à l’adresse de celui-ci. Hariri réplique violemment. Le courant du Futur sort un communiqué au vitriol dénonçant un « marécage politique » géré par Bassil, « le président de l’ombre », et parrainé par son beau-père, dans lequel sont jetés les Libanais. La sortie de Hariri provoque la colère de Berry qui voit son initiative prendre l’eau de toutes parts. « Tu n’aurais pas dû t’attaquer à Michel Aoun », lui dit-il. Le patriarche Raï est lui aussi énervé et se rend en réaction à Baabda pour apaiser la situation. « Acceptez-vous que le président de la République soit offensé ? » demande le président au patriarche. Aoun accuse Hariri d’être responsable de l’obstruction. Bassil, pour sa part, estime que son meilleur ennemi cherche à consolider sa base populaire en se présentant comme le héros de la cause sunnite. « Hariri est fini au niveau politique, sunnite et arabe, et le Hezbollah le soutient encore », souffle-t-il.
« Ramener Berry dans son giron »
Berry a échoué. Il est impuissant face à tant d’animosité des deux côtés. Seul le tout-puissant Hezbollah pourrait débloquer la situation. Et encore, même lui n’a pas toutes les cartes en main dans ce genre de cas. « Le Hezbollah ne compte pas faire pression sur Michel Aoun, surtout qu’il constate qu’il n’y a aucune volonté côté sunnite de former un gouvernement », dit un proche du parti chiite. « Faire pression sur Aoun et Bassil, c’est faire un cadeau à Hariri et Geagea », ajoute-t-il.
« Le Hezbollah a voulu embarrasser Berry, qui insistait pour soutenir Hariri, afin de prouver que ce dernier est la source du blocage et ramener Berry dans son giron », décrypte un homme politique opposé au parti chiite. Du côté de Hariri, on estime que Aoun et Bassil n’auraient jamais pu maintenir leurs exigences sans le soutien du Hezbollah. La farce gouvernementale est terminée. Les protagonistes se lancent dans un nouvel épisode : la course à la vraie-fausse démission.
Désolant, lassant, fatiguant, démoralisant, le Liban est en arrêt cérébrale, et ses politiques à la petite semaine sont en arrêt cardiaque, ils ont perdu leurs cœurs, ils ont perdu le peu de jugeotte qui leur restait. Même l’occupant Syrien dans les jours les plus sombres n’a jamais infligé tant de souffrances et de misères au peuple Libanais. Certes il a fait les pires des injustices, des déportations en Syrie de tout opposant Libanais de toutes religions confondues. Mais a laissé le reste du peuple vivoter tant bien soi peu. De là à le regretter il n’y a qu’un pas. KELLONE YAANNI KELLONE Hariri compris et c’est la première fois que je le dis haut et fort. Trop c’est trop ! et plus le temps passe plus le Liban, son peuple, son passé et son avenir trépassent dans les abysses de la terre… A Force je finis par comprendre ce peuple qui vote et revote toujours pour les mêmes Zaïms, qui lui donnent quelques miettes de leurs larcins pour qu’ils puissent avoir l’impression d’exister. Le beau pays du Cèdre a été vendu trahi, martyrisé, opprimé par ses enfants qui chacun à sa façon prétendait le défendre, le préserver pour ses propres intérêts. Adieu mon pays que j’aime, de ma vie je ne pourrai pardonner à personne ce que tes enfants t’ont fait. Seul Dieu et sa miséricorde peuvent vous pardonner ce que vous avez fait et que vous continuez à faire.
11 h 09, le 05 juin 2021