Comme c’est souvent le cas au Liban, la forme prend le dessus sur le fond. La plupart des commentaires qui ont suivi le discours du secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah, mardi soir, ont porté sur sa toux insistante et sa possible atteinte d’une maladie grave, occultant les trois messages importants (deux régionaux et un interne) qu’il a adressés aux Libanais, mais aussi aux Israéliens.
Au sujet de cette toux, il était clair pour tous ceux qui ont écouté le discours de mardi soir que Hassan Nasrallah n’était pas au meilleur de sa forme. Selon des sources du Hezbollah, certains de ses proches lui avaient même conseillé de renoncer à prononcer un discours à l’occasion de la fête de la Libération le 25 mai, car cela donnerait lieu à des spéculations sur son état de santé et pourrait déstabiliser ses partisans. Mais, toujours selon les mêmes sources, « le sayyed » aurait insisté pour garder son rendez-vous télévisé avec ses nombreux téléspectateurs, d’abord parce que l’occasion de la fête de la Libération est sacrée à ses yeux et qu’il faut maintenir le souvenir du retrait de l’armée israélienne (sans conditions de la plus grande partie du territoire libanais qu’elle occupait) vivace pour les jeunes générations, ensuite parce qu’il avait des messages importants à transmettre, notamment après la dernière confrontation palestino-israélienne.
Nasrallah a donc pris la parole pendant plus d’une heure pour évoquer la libération du territoire libanais en 2000, la plaçant dans la perspective de ce qui s’est passé récemment entre les Palestiniens et les Israéliens. Pour lui, la libération de 2000 a constitué « le moment fondateur » qui a jeté les bases de « l’axe de la résistance » et préparé « les victoires qui ont suivi la formation de cet axe, tout en annonçant celles qui vont venir ». Au passage, il a salué le fait que le Yémen, à travers Ansarullah (les houthis), ait rejoint cet axe qui, selon lui, est encore appelé à s’élargir pour mener vers ce qu’il considère comme la victoire inéluctable. Toute la logique développée par Nasrallah repose donc sur ces éléments : la victoire au Liban a rendu possibles toutes les autres, et au fil des années et des guerres, l’axe de la résistance n’a cessé de se renforcer. Dans ce contexte, Nasrallah a donné une information qui devrait faire l’objet de nombreux commentaires en Israël, lorsqu’il a affirmé que les Palestiniens « ont suffisamment d’armes pour continuer à se battre pendant des mois », et certaines d’entre elles « proviennent de l’intérieur israélien ». On savait naturellement que les Palestiniens avaient reçu des armes d’Iran, et pouvaient désormais fabriquer certains missiles et certains drones eux-mêmes, mais le fait qu’ils puissent aussi acheter des armes en territoire israélien est une donnée supplémentaire visant à démoraliser encore plus les Israéliens et à les faire douter de leurs propres responsables militaires. Cet argument avait d’ailleurs été utilisé pendant la guerre en Syrie, lorsque l’opposition déclarait que certaines de ses armes lui avaient été vendues par de hauts officiers du régime syrien. Qu’elle soit vraie ou fausse, cette information donnée par le secrétaire général du Hezbollah devrait donc provoquer des remous en Israël.
Le deuxième message, qui est sans doute le plus important du discours, c’est la nouvelle « équation » qu’il a instaurée et qui se résume ainsi : « Si les Israéliens cherchent de nouveau à expulser les Palestiniens de Jérusalem, ils provoqueront une guerre régionale. » Autrement dit, l’axe de la résistance devrait immédiatement voler au secours de Jérusalem et de ceux qu’on appelle « les Arabes de 48 » (les Palestiniens qui n’ont pas quitté leurs maisons après la naissance de l’État d’Israël). Nasrallah a ainsi confirmé ce qui était apparu dans la dernière confrontation palestino-israélienne, et qui consiste en une solidarité entre les Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie avec leurs « frères israéliens ». Ce qui constitue un développement majeur dans l’histoire du conflit en Palestine. En effet, les Israéliens n’ont pas cessé de chercher à diviser les Arabes de l’intérieur et ceux des Territoires, et même ceux des Territoires entre eux, et entre l’Autorité palestinienne (née des accords d’Oslo en 1991) et les autres organisations. Tous les efforts déployés par les Israéliens pendant les trente dernières années pour empêcher les Palestiniens de s’unifier ont donc montré leurs limites, et ceux-ci ont oublié leurs multiples divergences pendant onze jours pour faire face au plan israélien de « judaïser Jérusalem ». Les Palestiniens et « les Arabes de 48 » se sont ainsi battus côte à côte, les uns avec les armes, les autres avec les pierres et la colère, contre les Israéliens. Mais selon Nasrallah, si le scénario devait se répéter, cette fois « tout l’axe de la résistance » devrait riposter. C’est pourquoi il a parlé de « guerre régionale ». Comme d’habitude, chez « le sayyed », ce genre d’équation vise essentiellement à la dissuasion beaucoup plus qu’à provoquer une guerre. Il a largement utilisé ce procédé concernant le Liban et il a montré son efficacité, puisque, de l’avis de nombreux diplomates occidentaux, la situation au Liban-Sud est relativement calme depuis 15 ans, exactement depuis la guerre de juillet 2006. Cette nouvelle équation a donc pour but de pousser les Israéliens à renoncer à lancer une nouvelle offensive contre les habitants arabes de Jérusalem-Est.
Enfin, le troisième message du discours de mardi porte sur la situation interne et la nécessité de former un gouvernement au plus vite. Nasrallah a ainsi déclaré qu’il y avait deux possibilités : soit le Premier ministre désigné Saad Hariri se rend à Baabda et n’en repart qu’après s’être entendu avec le chef de l’État Michel Aoun sur une mouture précise, soit le président de la Chambre Nabih Berry intervient et relance sa médiation en vue d’arriver à un accord sur la formation du gouvernement. Autrement dit, Nasrallah exclut totalement le scénario de la renonciation de Saad Hariri à former le gouvernement. Certes, le chef du CPL Gebran Bassil avait lui-même affirmé au cours de la séance parlementaire de vendredi que son parti et le camp qu’il représente ne veulent pas du départ de Hariri, et Nasrallah a abondé dans ce sens. Cette position claire énoncée à la fin du discours suffira-t-elle à faire bouger les choses sur le plan de la formation du cabinet? Les deux prochaines semaines devraient être décisives à ce sujet.
commentaires (9)
Bla bla b.la bla. Elle adore noircir des pages pour justifier son salaire la Scarlette.
Sissi zayyat
21 h 01, le 27 mai 2021