
La France est toujours en charge du dossier libanais, affirme Walid Joumblatt. Photo d’archives AFP
Fidèle à un appel qu’il a lancé déjà à plusieurs reprises, le chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt a de nouveau plaidé en faveur d’un compromis politique qui permettrait la formation d’un « gouvernement de mission techno-politique ». Il l’a fait au cours d’une émission de grande audience de la MTV, jeudi soir. « Un gouvernement doit être formé pour entamer les négociations avec la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, a affirmé le leader druze. Mais sur quoi sommes-nous en désaccord ? Sur les portefeuilles de la Justice et de l’Intérieur ? Chacun se barricade derrière sa communauté et fait de la surenchère. Mais le chef de l’État est là jusqu’à la fin de son mandat, et personne ne peut l’en empêcher, et le Premier ministre désigné est là. Saad Hariri ne pourrait-il pas faire un sacrifice ? Le compromis est-il chose honteuse ? Un compromis a bien été passé avec Émile Lahoud, sachant qu’il était accusé d’avoir assassiné (Rafic) Hariri ! »
« Le compromis doit se faire sur un gouvernement de mission techno-politique (…), a renchéri M. Joumblatt. L’ambassadrice de France a clairement souligné que le président français Emmanuel Macron est chargé du dossier libanais par la communauté internationale et les cinq grandes puissances du Conseil de sécurité. Alors pourquoi attendre encore le dialogue entre l’Iran et les États-Unis? ou la Palestine ? ou la Russie ? »
Tout en confirmant que M. Hariri ne bénéficie pas du soutien de l’Arabie saoudite, M. Joumblatt a ajouté : « Mais devons-nous pour autant laisser tout le pays en suspens ? » Et d’assurer à Saad Hariri, qui représente à ses yeux la communauté sunnite au Liban, qu’il aura son soutien : « Que Saad Hariri soit pragmatique et nous serons à sa disposition. Nous l’aiderons, s’il le souhaite, à achever le processus de formation du gouvernement. »
Éviter toute polémique
Par ailleurs, commentant la lettre du chef de l’État au Parlement, dans laquelle Michel Aoun accuse Saad Hariri du blocage gouvernemental, Walid Joumblatt a demandé aux députés de sa formation d’« éviter toute polémique autour de cette missive ». « Mon groupe parlementaire n’est avec aucune des deux équipes (le camp Hariri et le camp Aoun, NDRL), car il s’agit là d’une fuite en avant qui n’a pas de sens. Le problème n’est pas constitutionnel, je ne suis pas d’accord avec le président de la République sur ce point. Je ne veux pas commenter sa lettre. Commentons plutôt les dossiers de l’électricité, de la carte d’approvisionnement, de l’essence et des agences exclusives », a plaidé le leader druze.
« L’absence de gouvernement et de solutions sérieuses explique la situation actuelle de crise, mais cette crise est aussi le résultat de décennies de développement bâties sur la corruption et l’économie libérale, sans souci pour l’économie productive », a-t-il poursuivi. « Il faut éliminer de la Constitution la référence à l’économie libérale et nous convaincre que le vieux Liban n’existe plus. Il y a un nouveau Liban et nous devons agir en conséquence », a-t-il ajouté, prônant en particulier la création d’un impôt sur la fortune et les « terres non exploitées », comme les waqfs.
En matière de réforme, M. Joumblatt accorde clairement la priorité au secteur de l’électricité. « Nous avons reçu des offres de la part de l’Allemagne, du Koweït et d’autres pays, mais nous les avons toutes refusées à cause du chœur regroupant Saad Hariri, Gebran Bassil (chef du CPL), Ala’ el-Khawaja (homme d’affaires jordanien), Samir Doumit (cadre du courant du Futur) et d’autres. »
S’en prenant également à Samir Geagea, chef des Forces libanaises, Walid Joumblatt a critiqué les appels de ce dernier à des législatives anticipées, alors que le scrutin est prévu l’année prochaine, tout comme la présidentielle et les municipales. « Les législatives anticipées ne mèneront à rien. Geagea a un seul objectif : augmenter le nombre des députés de son groupe afin de devenir le chrétien fort et se faire élire président de la République. Mais je ne suis pas d’accord avec ce point de vue », a clairement fait savoir le chef druze.
Une tutelle remplace l’autre
Au sujet de la délicate question de la frontière maritime, le leader du PSP a affirmé très clairement que, selon David Hale, le sous-secrétaire d’État américain pour les affaires du Proche et du Moyen-Orient, reconnaître officiellement que la frontière maritime est délimitée par la nouvelle ligne accordant au Liban une superficie supplémentaire de plus de 1 400 kilomètres carrés, c’est « perdre toute chance de profiter de la possibilité d’un règlement du litige qui oppose le Liban et Israël, par le biais de l’ONU, sur la ligne originelle ». Pour M. Joumblatt, la surenchère sur cette question n’est pas « locale », mais pourrait être en provenance d’Iran. « Ce serait une façon de dire au Liban : en matière d’hydrocarbures, c’est moi qui décide et non pas vous. » « La tutelle syrienne est-elle de retour ? En réalité, la Syrie n’a jamais quitté le Liban, a enchaîné M. Joumblatt, mais la tutelle principale aujourd’hui est celle de l’Iran. » « Le camp souverainiste (la coalition du 14 Mars, NDLR) a été défait (…) Il dort sur la 1559 (…) Pardon, mais cette résolution a rejoint une kyrielle d’autres restées lettre morte. Son application relève désormais de nouveaux équilibres », a encore lancé le leader druze en référence à la résolution de l’ONU qui appelait au désarmement de toutes les milices libanaises, une injonction que n’a jamais respectée le Hezbollah.
commentaires (12)
L'analyse de Walid Joumblatt est pertinente en privilégiant l’intérêt général et visant à accélérer la formation d'un gouvernement.
LTEIF Salim
20 h 31, le 22 mai 2021