
Une poignée de manifestants, drapeau palestinien à la main, rassemblés à Adaïssé devant le mur en béton érigé par Israël à sa frontière, le 15 mai 2021. Photo João Sousa
En ce jour du 73e anniversaire de la Nakba, la "catastrophe" qui commémore l'expulsion des Palestiniens suite à la création de l'État d'Israël en 1948, des centaines de manifestants libanais et palestiniens se sont rassemblés à Adaïssé, à la frontière avec Israël, au pied du mur en béton érigé par l'État hébreu, afin de crier leur soutien à la Palestine, à feu et à sang depuis lundi. De nombreux rassemblements à travers le territoire libanais ont également été signalés, au lendemain de la mort d'un activiste du Hezbollah, tué par l'armée israélienne alors qu'il franchissait la frontière avec un groupe de manifestants.
Selon Omar Tamo, journaliste de notre publication anglophone L'Orient-Today, et les images de notre photojournaliste João Sousa, des dizaines de manifestants libanais et palestiniens se sont approchés samedi après-midi du mur israélien en béton qui sépare le Liban et Israël, avant de franchir une petite barrière métallique installée en territoire libanais, au niveau de la localité de Adaïssé dans le Sud. Un groupe de partisans du Parti syrien national social (PSNS) étaient également présents, selon notre journaliste sur place Lyana Alameddine.
Beaucoup d'espoir
Libanais ou réfugiés palestiniens au Liban, les manifestants proclament leur soutien à la cause palestinienne, alors que l'État hébreu et le mouvement islamiste Hamas se livrent depuis lundi à des échanges de bombardements meurtriers qui ont fait plus d'une centaine de morts côté palestinien, et une dizaine d'autres côté israélien. "Nous sommes venus ici pour montrer au monde que nous soutenons les Palestiniens combattant pour leur pays, qui est en train d'être détruit. Nous sommes ici pour nos droits", affirme Ahmad Sleiman, 25 ans, originaire de Haïfa en Palestine occupée. "Nous voulions combattre comme le martyr qui a été abattu hier. J'aurais aimé être à sa place", confie-t-il, en référence à Mohammad Tahan, manifestant civil mais activiste du Hezbollah, tué hier par des tirs israéliens. "Nous voulons leur montrer que soixante-dix ans après, nous n'avons pas oublié la cause palestinienne. Nous voulions nous avancer plus près de la frontière mais nous n'y avons pas été autorisés", déclare celui qui est venu de Tripoli. L'armée libanaise tentait en effet d'empêcher les manifestants de s'approcher du mur frontalier, mais sans grands efforts, alors que les soldats de la Force intérimaire des Nations Unies (FINUL) étaient postés un peu plus en retrait. Peu avant 18h, un contestataire a lancé plusieurs cocktails Molotov, provoquant un incendie en territoire israélien. Et environ une heure plus tard, l'armée israélienne a tiré sur plusieurs manifestants qui escaladaient le mur en béton, selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle). Au moins deux d'entre eux ont été blessés et transportés vers un hôpital de la région. L'armée israélienne a également fait usage de gaz lacrymogènes, provoquant des suffocations parmi plusieurs manifestants.
D'autres manifestants ont lancé plus tôt des projectiles contre le mur frontalier. Ils ont d’abord franchi la première barrière située entre le territoire libanais et le mur en béton érigé par Israël. Certains ont escaladé le mur de béton au niveau de Kfar Kila et détruit les caméras de surveillance de l'"ennemi israélien", rapporte quant à elle l'Agence nationale d'information (Ani, officiel). Une bousculade a eu lieu au niveau de la porte de Fatima, ancien poste frontière entre le Liban et Israël, entre forces de sécurité, armée libanaise et manifestants après que ces derniers ont tenté de franchir le point de contrôle.
"Aujourd'hui, en ce jour anniversaire de la Nakba, nous ne pouvons que regarder notre pays", déplore pour sa part Mohamad Samara, un Palestinien âgé de 57 ans, venu de Beyrouth avec sa famille jusqu'à Adaïssé. "Cette année, nous avons beaucoup d'espoir. Nous avons l'espoir que les colonisateurs ne resterons pas. Je suis plein d'espoir. La Palestine sera libérée", affirme celui dont la famille a été chassée de Palestine en 1948. "Nous sommes ici pour nous tenir aux côtés de la résistance palestinienne, pour libérer le pays. J'ai choisi cet endroit car c'est le plus proche de la Palestine", indique un autre manifestant, Tarek Faour, au journaliste de L'Orient Today. "Nous sommes venus en tant que Libanais pour brandir le drapeau palestinien, pour affirmer notre soutien au peuple le plus valeureux, aux martyrs, aux blessés. J'aimerais pouvoir me tenir à leurs côtés, aussi bien physiquement que spirituellement pour les aider dans leur cause", affirme ce Libanais vivant à Ras Beyrouth.
Avertissement israélien
Un homme, la cinquantaine, venu du camp palestinien de Chatila, au sud de Beyrouth, confie à notre journaliste sur place Lyana Alameddine : "Beaucoup de gens sont venus de Chatila. Mourir en martyr est notre but. C'est pour ça que nous nous rendons là-bas".
Des photos de l'AFP montraient également des réfugiés palestiniens rassemblés au niveau de la localité libanaise frontalière de Maroun al-Ras, sous le regard de l'armée qui a repoussé certains d'entre eux.
Des militaires libanais observant des réfugiés palestiniens qui manifestent à Maroun al-Ras, à la frontière avec Israël, le 15 mai 2021. Photo AFP / Mahmoud ZAYYAT
D'autres rassemblements ont également lieu dans des villes du Liban-Sud, notamment à l'appel du Hezbollah et de la Jamaa Islamiya. Des jeunes se sont ainsi rassemblés dans l'après-midi à Saïda avec un faux missile des brigades al-Qassam, la branche armée du Hamas à Gaza, rapporte notre correspondant dans la région, Mountasser Abdallah.
Des jeunes hommes sur la place des martyrs à Saïda avant une manifestation pro-Palestine, le 15 mai 2021. Photo d'archives AFP
Des convois de bus transportant des manifestants pro-palestiniens s'étaient lancés dès le matin depuis les camps de réfugiés de Nahr el-Bared et Beddaoui, dans le Nord, ou encore Rachidiyé et Aïn el-Héloué dans le Sud. Mais l'armée les avaient empêchés d'aller plus loin que Saïda et avait interdit les accès à Marjeyoun, plus au Sud.
En matinée aussi, le porte-parole arabophone de l'armée israélienne, Avichay Adraee, avait conseillé à l'État libanais d'empêcher les "émeutiers" de s'approcher de la frontière-sud du Liban, avertissant qu'Israël "ne laissera pas ses citoyens face au danger".
La tension était montée d'un cran dès jeudi soir entre le Liban et l'État hébreu quand trois roquettes avaient été tirées en direction d'Israël depuis un secteur proche du camp de réfugiés palestiniens de Rachidiyé, dans le sud du Liban. Les projectiles sont tombées en Méditerranée et une source proche du Hezbollah avait indiqué que le parti n'était pas impliqué dans ces tirs. Des manifestations de soutien au peuple palestinien ont ensuite eu lieu vendredi à travers le pays, dont l'une à la frontière israélienne au cours de laquelle le jeune Mohammad Tahan a été tué.
Les manifestants dénoncent les violents bombardements israéliens contre l'enclave palestinienne de Gaza pour le sixième jour consécutif et la répression pratiquée par l'État hébreu dans la Ville sainte de Jérusalem, notamment dans la Mosquée al-Aqsa, troisième lieu saint de l'islam. C'est cette répression qui a déclenché les tensions qui se sont transformées en guerre entre le Hamas et Israël.
En ce jour du 73e anniversaire de la Nakba, la "catastrophe" qui commémore l'expulsion des Palestiniens suite à la création de l'État d'Israël en 1948, des centaines de manifestants libanais et palestiniens se sont rassemblés à Adaïssé, à la frontière avec Israël, au pied du mur en béton érigé par l'État hébreu, afin de crier leur soutien à la Palestine, à feu et à sang...
commentaires (9)
C'est seulement à Gaza, et dans les territoires occupés, qu'on meurt, dans les combats, en martyr pour la Palestine. Il est inutile, ailleurs, de se faire tuer volontiers à la manière d'un suicide.
Esber
14 h 08, le 17 mai 2021