La tension est montée d'un cran vendredi au Liban-Sud, un membre du Hezbollah ayant succombé à ses blessures infligées par des tirs israéliens à la frontière lors d'une manifestation contre Israël, ont indiqué le parti chiite et l'Agence nationale d'information (Ani, officielle).
Selon l'agence, les soldats israéliens postés à la frontière "ont tiré deux obus qui se sont abattus près des manifestants dont certains ont tenté de pénétrer dans la localité de Metoulla" dans le nord d'Israël et frontalière du sud du Liban.
"Le Hezbollah pleure son martyr Mohammad Kassem Tahhan, tombé alors qu'il participait aux manifestations populaires" à la frontière, a déclaré le Hezbollah dans un communiqué. Les funérailles du jeune homme âgé de 21 ans et décédé à l'hôpital selon l'Ani, auront lieu samedi dans son village natal d'Adloun, au Liban-Sud.
D'après l'agence, un autre Libanais a été blessé par les tirs israéliens contre les manifestants qui protestaient contre les bombardements israéliens contre l'enclave palestinienne de Gaza. Les manifestants, dont certains arboraient des drapeaux palestiniens, du Hezbollah et de l'Iran, se sont rassemblés dans la plaine de Khiam, face à Metoulla, à quelques dizaines de mètres de la frontière, selon un photographe de l'AFP sur place. Ils ont ensuite mis le feu dans un terrain vague et les flammes se propagées jusqu'à la frontière. Après les tirs israéliens, l'armée libanaise et les forces de sécurité ont été dépêchées sur les lieux pour repousser les dizaines de jeunes de la frontière, toujours selon l'agence.
En Israël, l'armée a affirmé sur Twitter que ses chars avaient "tiré des coups de semonce sur des émeutiers qui ont franchi vers l'intérieur du territoire israélien". Ils "ont saboté la clôture et mis le feu (...) avant de regagner le territoire libanais", a-t-elle ajouté, sans mentionner de victimes.
"Crimes" d'Israël
Le président de la République, Michel Aoun, a "fermement condamné le crime commis par les forces israéliennes qui ont ouvert le feu contre des jeunes qui manifestaient à la frontière sud (...)". La présidence a indiqué que le chef de l'Etat a demandé au ministre sortant des Affaires étrangères, Charbel Wehbé, de notifier l'ONU de l'agression israélienne, "en vue de prendre les mesures nécessaires". Le Premier ministre sortant, Hassane Diab, a appelé "la communauté internationale à condamner les crimes d'Israël dans le sud du Liban et à Gaza".
La Force intérimaire de l'ONU au Liban (Finul), déployée à la frontière entre Israël et le Liban, a appelé toutes les parties au "calme" afin d'éviter une "escalade". "Nos troupes sont sur le terrain pour empêcher les violations et avec l'armée libanaise, nous avons renforcé la sécurité dans la région", a indiqué la Finul dans un tweet, qualifiant de "tragique" toute perte humaine.
En soirée, la tension restait vive dans la région. Selon l'Ani, l'armée israélienne a tiré en direction de deux Palestiniens qui tentaient de franchir les fils barbelés à la frontière. Elle a en outre tiré des "bombes éclairantes au-dessus" du village libanais de Kfarkila, proche de Khiam.
La tension était déjà palpable jeudi soir, trois roquettes ayant été tirées vers Israël depuis un secteur proche du camp de réfugiés palestiniens de Rachidiyé, dans le sud du Liban, selon une source militaire libanaise. Elles sont tombées en Méditerranée. Une source proche du Hezbollah a indiqué que le mouvement armé n'était pas impliqué dans ces tirs.
Manifestations à travers le territoire
Parallèlement à la manifestation à la frontière libano-israélienne, de nombreux rassemblements qui ont drainé des centaines, voire des milliers de manifestants, ont été signalés dans diverses régions du pays, du Nord jusqu'au Sud, en passant par la Békaa. Les protestataires ont dénoncé les violents bombardements israéliens contre l'enclave palestinienne de Gaza pour le cinquième jour consécutif, et les violations de l'Etat hébreu dans la Ville sainte de Jérusalem, notamment au sein de la Mosquée al-Aqsa, troisième lieu saint de l'Islam.
A Baalbeck, dans la Békaa, une foule compacte s'est rassemblée dans les rues de la ville, non loin du Temple de Jupiter, avant de s'arrêter devant l'entrée du camp de réfugiés d'al-Jalil, situé à l'entrée sud de la localité. Des drapeaux palestiniens et libanais ont été brandis, ainsi que des photos de la mosquée al-Aqsa, sur fond de slogans "révolutionnaires", rapporte l'Ani Des factions et des comités populaires palestiniens ont pris part à ces actions.
Dans le nord du pays, à Tripoli, le député Fayçal Karamé a rassemblé des dizaines de ses partisans pour exprimer sa solidarité avec la Palestine. "Les jours ont prouvé que l'option de la résistance est la bonne", a affirmé cet ancien ministre sunnite, proche du Hezbollah.
"Ma place n'est pas là"
Plus au Sud, à Saïda, un important rassemblement s'est tenu sur la place de l'Etoile. Un peu plus loin, à Aïn el-Héloué, le camp de réfugiés palestiniens le plus peuplé du Liban, des milliers d'habitants se sont rassemblés dans les rues après la prière du vendredi. Ils ont brandi des drapeaux palestiniens et ceux de factions, notamment islamistes. Les protestataires ont sillonné les rues du camp, sur fond de chants patriotiques. "Avec notre âme, avec notre sang, nous nous sacrifions pour toi, Ô al-Aqsa", ont scandé des manifestants. D'autres criaient "Bombarde, bombarde Tel-Aviv !".
"Ma place n'est pas là, elle est aux côtés des combattants en Palestine", affirme l'un des manifestants, armé d'une Kalashnikov, dans ce camp où les armes échappent au contrôle de l'Etat libanais. "Ils (les dirigeants arabes, ndlr) doivent ouvrir leurs frontières car des milliers de Palestiniens veulent défendre leur peuple en Palestine", ajoute-t-il à notre correspondant sur place Mountasser Abdallah. "Il n'y a pas d'autre solution que la résistance", estime Fouad Othman, un autre manifestant. "Je maudis le silence arabe et demande à la Résistance de continuer à bombarder les colonies et à briser tous les obstacles qui empêchent de faire face à l'occupation" israélienne, poursuit-il. Des femmes, à l'instar de Sana', ont également pris part à cette manifestation, souligne notre correspondant. "Nous continuerons d'élever notre voix afin que le peuple arabe se réveille", lance-t-elle.
Le camp voisin de Rachidiyé a lui aussi été le théâtre de manifestations vendredi, organisées par des étudiants palestiniens. Vendredi matin, l'armée libanaise a annoncé avoir retrouvé dans la nuit de jeudi trois roquettes dans le périmètre de ce camp, quelques heures après les tirs de roquettes depuis le Liban vers Israël.
Un cortège de partisans du Hezbollah a également défilé dans la localité frontalière de Kfarkila, selon des images de l'agence Reuters. Drapeaux du parti chiite à la main, ils ont également porté une réplique du Dôme du Rocher situé à Jérusalem.
commentaires (24)
Comme d'habitude, quand l'occasion se présente de pouvoir faire des déclarations publiques dûment retransmises par tous les médias, nos valeureux "messieurs responsables et dirigeants" de notre République s'en donnent à coeur-joie. Cette fois c'est la Palestine et son lot éternel de problêmes et de violences. Pourtant...nous ici au Liban...on ne se souvient pas d'avoir entendu tous ces messieurs s'indigner ainsi après le 4 août 2020...? Faut croire que pour eux les victimes libanaises ont moins de valeur que les victimes palestiniennes...??? - Irène Saïd
Irene Said
15 h 20, le 15 mai 2021