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Politique - Décryptage

Forces et faiblesses du plan B français

Paris a tendu pour la première fois la main aux partis de l’opposition, souhaitant accompagner la transition démocratique.

Forces et faiblesses du plan B français

Le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, à Beyrouth, le 6 mai 2021. Photo Reuters/Aziz Taher

« Mais il est venu pour quoi faire finalement ? » De nombreux Libanais se posaient la question hier, reflétant une réelle incompréhension quant au sens et à l’objectif de la visite de Jean-Yves Le Drian au Liban. Le ministre français des Affaires étrangères ne s’est pas déplacé pour tenter de débloquer en un peu plus de 24 heures une situation qui est maintenant paralysée depuis neuf mois. « Je ne suis pas venu ici pour mener des tractations politiques », a-t-il résumé hier lors d’un point de presse à la Résidence des Pins. Il s’est contenté de rencontres protocolaires avec Michel Aoun, Nabih Berry et Saad Hariri – il a justifié cette dernière par le fait que M. Hariri était Premier ministre désigné – et n’a pas effectué l’habituelle tournée auprès des autres leaders politiques.

Il n’a pas non plus précisé qui étaient les responsables à l’encontre desquels la France a déjà pris des mesures, soulignant toutefois que « ce n’était qu’un début » et que celles-ci pourraient être « durcies ou étendues ». La venue du patron du Quai d’Orsay visait notamment à rappeler – non seulement par des mots mais surtout par des gestes – que la France continuerait de « se tenir au côté du Liban ». Mais cela suffisait-il à justifier le déplacement ? En prenant en outre le risque que celui-ci suscite encore un peu plus de déception, après l’échec de l’initiative française ? C’est sans doute pour éviter de créer à nouveau trop d’attentes que Jean-Yves Le Drian a opté pour une communication très sobre qui tranche radicalement avec celle des deux visites, en août et en septembre, d’Emmanuel Macron. Un choix à double tranchant, puisqu’il a néanmoins participé à donner un caractère énigmatique à sa venue et à en brouiller le principal message : Paris a en fait activé le plan B. Concrètement cela veut dire deux choses : d’une part, que la pression sur les responsables politiques va s’accroître, de l’autre, que la France veut désormais se positionner comme un acteur accompagnant la transition politique.

L'édito de Issa GORAIEB

Courants alternatifs

Si Paris reste officiellement attaché à la formation rapide d’un « gouvernement de mission » qui doit mettre en œuvre les réformes les plus urgentes, les responsables français ont clairement pris conscience qu’à moins d’un petit miracle cela n’arriverait pas de sitôt. Emmanuel Macron avait été accusé lors de ses précédentes visites de donner du crédit à la classe politique traditionnelle et de ne pas prendre en considération la nouvelle opposition qui se forme depuis le soulèvement du 17 octobre 2019. Sans le dire aussi clairement, les diplomates français laissaient entendre à l’époque que cette opposition n’étaient pas mûre, pas forcément représentative, et que l’urgence allait aux réformes. Changement de logiciel : le maintien des échéances électorales de 2022 (législatives, municipales et présidentielle) est désormais considéré comme un objectif prioritaire côté français. « Le respect du calendrier électoral au Liban est incontournable », a dit M. Le Drian, insistant sur le fait que la France faisait passer ce message à tous ses interlocuteurs sur la scène internationale.

Deux défis

La rencontre avec les partis de l’opposition qui a duré jeudi plus de deux heures est le principal message à retenir de la visite de l’ancien président du conseil régional de Bretagne. « La France nous considère pour la première fois comme des partis de l’opposition », se réjouit Pierre Issa, le secrétaire général du Bloc national. Le ministre s’est réuni avec une dizaine de groupes politiques issus de la société civile, à l’instar de Beirut Madinati ou de Taqaddom, mais aussi des députés démissionnaires dont les Kataëb, qui étaient assis autour de la table en tant que parti traditionnel lors des réunions à la Résidence des Pins présidées par Emmanuel Macron. Tous sortent renforcés de cette séquence qui leur confère une forme de légitimité : être reconnus comme une alternative politique pour les nouveaux partis ; être intégrés dans le « nouveau monde » pour les rescapés de l’ancien. Malgré leurs différentes sensibilités politiques, ils ont accordé leur violon autour de deux exigences : la formation d’un gouvernement totalement indépendant et la tenue d’élections démocratiques. Pour eux, comme pour la réussite de la nouvelle stratégie française, il s’agit désormais de surmonter deux grands défis. Le premier consiste à éviter d’arriver en rangs trop éclatés aux élections au risque de se faire laminer par les partis traditionnels. De nouvelles coalitions ont vu récemment le jour entre ces formations mais le processus est encore embryonnaire près de deux ans après le soulèvement libanais. « Cela fait 45 ans qu’il n'y a pas d’opposition organisée, il faut un peu de temps. Mais il y a désormais plus de maturité politique chez tout le monde », assure Pierre Issa.

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L’exclusion à droite des Forces libanaises et le refus de certains partis de gauche de participer à la réunion avec M. Le Drian – l’activiste Wassef Haraké, le Parti communiste et le mouvement Citoyens et citoyennes dans un État ont décliné l’invitation – pourraient faciliter la cohésion au sein de ce groupe mais réduit en même temps l’assise populaire sur laquelle il souhaitait tabler. « Cette rencontre doit poser les bases d’un discours d’opposition avec des frontières délimitées, pour savoir qui est dedans et qui est dehors », avance Michel Moawad, le chef du mouvement de l’Indépendance. Le deuxième défi, qui sera encore plus dur à surmonter, est de faire en sorte que ces élections aient effectivement lieu. À l’exception des Forces libanaises, qui semblent s’être renforcées depuis la thaoura, les autres partis n’ont aucun intérêt à organiser des élections qui risquent de menacer leur survie politique. C’est particulièrement vrai pour le Courant patriotique libre, dont la base semble s’être rétrécie au cours de ces dernières années. Paris se dit déterminé à défendre la tenue des élections tandis que les nouvelles formations comptent se mobiliser en ce sens. Mais cela sera-t-il suffisant? Rien n’est moins sûr aujourd’hui. La pression française n’a pas suffi à aboutir en neuf mois à la formation d'un gouvernement, un objectif beaucoup moins ambitieux – parce que moins dangereux – que l’organisation d’élections. L’opposition n’a pas réussi pour le moment à remobiliser la rue, elle-même très fragmentée. C’est toute la difficulté d’entamer un bras de fer avec un adversaire prêt à tout pour l’emporter. Soit il entraîne l’autre dans son jusqu’auboutisme, soit il en ressort victorieux en misant sur sa résilience et sur la lassitude de son opposant.

Portrait

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« Mais il est venu pour quoi faire finalement ? » De nombreux Libanais se posaient la question hier, reflétant une réelle incompréhension quant au sens et à l’objectif de la visite de Jean-Yves Le Drian au Liban. Le ministre français des Affaires étrangères ne s’est pas déplacé pour tenter de débloquer en un peu plus de 24 heures une situation qui est maintenant...

commentaires (16)

Et pendant ce temps : la contrebande vers la Syrie est toujours prospère ; nos ministres et députés perçoivent toujours leurs émoluments ; l’armée libanaise continue à recevoir les plateaux-repas de l’armée de l’émirat du Golfe ; le vol de l’argent du peuple par les corrompus est en pleine expansion. Vive le Liban, la Suisse du Moyen-Orient !

Un Libanais

19 h 26, le 09 mai 2021

Tous les commentaires

Commentaires (16)

  • Et pendant ce temps : la contrebande vers la Syrie est toujours prospère ; nos ministres et députés perçoivent toujours leurs émoluments ; l’armée libanaise continue à recevoir les plateaux-repas de l’armée de l’émirat du Golfe ; le vol de l’argent du peuple par les corrompus est en pleine expansion. Vive le Liban, la Suisse du Moyen-Orient !

    Un Libanais

    19 h 26, le 09 mai 2021

  • Le ministre s’est réuni avec une dizaine de GROUPES politiques issus de la société civile et des DÉPUTES démissionnaires. Tous sortent renforcés de cette séquence d’être intégrés dans le « nouveau monde » COMME UN COMIQUE L’A TRÈS BIEN DÉFINI : UN PSYCHIATRE ( M. LE DRYAN) C’EST TRÈS EFFICACE. ILS (GROUPE + DÉPUTES) PISSAIENT AU LIT ET ILS AVAIENT HONTE . QUAND ILS ONT VU LE PSYCHIATRE ILS SONT GUÉRIS. MAINTENANT ILS PISSENT AU LIT, MAIS ILS SONT FIERS. Vivement LEUR future .

    aliosha

    09 h 03, le 09 mai 2021

  • Mr. Le Drian. Vous devez comprendre les dessous du succés electoral de la classe politique dirigeante: C'est leur pouvoir d'engager leur "clients" dans des boulots de fonctionnaire. Ces fonctionnaires et leur famille vont leur re-voter ad aeternam. 1,500,000 personne. Ce pouvoir leur donne un perennité trés difficile a briser par les acteurs du privé.

    Mon compte a ete piraté.

    08 h 54, le 09 mai 2021

  • Du pur foutage de gueule pour se donner bonne conscience. Les Occidentaux peuvent envoyer autant de Le Drian qu'ils veulent, ça ne sert absolument à rien, les bandits qui nous gouvernent et nous volent n'ont peur de rien ni de personne puisqu'ils sont couverts par les mercenaires et leur arsenal militaire.

    Robert Malek

    03 h 39, le 09 mai 2021

  • B comme Bérézina ?

    TrucMuche

    22 h 43, le 08 mai 2021

  • Mr le Dryan n'a pas rencontré le parti plus important du Liban qui dirige tout le pays ???

    Eleni Caridopoulou

    20 h 30, le 08 mai 2021

  • La France a toujours soutenu le peuple libanais mais son pouvoir coercitif est limité, le reste de l'Union Européenne ne la suivant pas pour mettre en place les véritables pressions qui s'imposent pour avoir un effet concret sur les responsables du blocage politique qui perdure. De toute évidence, les premiers responsables de ce blocage sont le Président Aoun et son gendre Bassil .

    Tony BASSILA

    20 h 18, le 08 mai 2021

  • Malheureusement les six chefs de tribus sont plus forts que les partis de l’opposition mais si le peuple aura vraiment faim personne ne restera à sa place .

    Antoine Sabbagha

    18 h 46, le 08 mai 2021

  • Ah bon? Il y a vraiment un plan b?... Type Bigre il est temps de déguerpir, ou, vu l'influence yankee, type Bulles..t, those folks are full of it, ou type Balivernes, que des balivernes,...

    Wlek Sanferlou

    16 h 38, le 08 mai 2021

  • la rencontre avec le représentant français rappelle la venue à Marseille en 1919 au " congrès français de la Syrie" des nationalistes arabes. En juillet 1920 les troupes françaises écrasaient les forces arabes à Khan Mayssaloun. Elle rappelle également l'organisation par la gouvernement français de l'opposition syrienne offshore. On n'a pas besoin de l'étranger, mais seulement de gens courageux et honnêtes.

    NASSER Jamil

    15 h 09, le 08 mai 2021

  • Espérons que cette opposition sera à la hauteur de la tâche qui leur incombe. Aucune division ni aucune dispersion ne seront tolérées. Ils ont l’obligation de réussir, et pour cela ils doivent avancer unis et déterminés pour convaincre les libanais réticents de leur volonté de les sauver un peu malgré eux pour les partisans des partis dominant le pouvoir actuellement et pour qui on ne cesse de leur trouver des excuses bidons à leur entêtement et leur refus de sauver le pays tant qu’ils ne feront pas parties de l’équipe ministérielles. En d’autres termes tant qu’ils ne pourront plus assurer le saccage du pays pour éviter les scandales à venir qui les éclabousseraient tous sans exceptions. Le jour où tous les libanais feraient un examen de conscience à savoir répondre à la seule question qui taraude les autres libanais qu’est ce que cette bande de mafieux a apporté aux libanais qui nous a échappé? La réponse est RIEN. Si, si ils ont apporté la destruction et le chaos pour s’enrichir et garder le pouvoir tout en simulant l’empêchement de redresser le pays mais en participant activement à sa démolition et à celle du peuple dans sa totalité y compris les plus fervents de leur fausse idéologie. Les chrétiens ne sont jamais sentis aussi démunis politiquement et socialement d’où l’exode de leurs enfants menacés d’illettrisme et de pauvreté ou pire de mort. C’est à ça qu’aspirent les partisans du CPL? L’obscurantisme et la destruction par des barbares qui disent les représenter?

    Sissi zayyat

    13 h 14, le 08 mai 2021

  • « Je ne suis pas venu ici pour mener des tractations politiques « Une phrase qui devrait quand même retenir l attention de Tous ... À un moment où la Région est en ébullition Monsieur Le Drian a souhaité confirmé au peuple Libanais que la France serait présente à leur côté ... Les prochaines Soixante Douze heures seront assez fatidiques et inquiétantes dans la région ... A partir de Minuit Israël entame ses plus grandes manœuvres militaires du siècle où participent tous ses corps d armée ... Gaza est en emoi et se prépare à toute riposte , déclare ce matin qu elle est prête à s attaquer à la capitale et les grandes villes en cas d agressions ... Lundi plus de trente mille personnes se réuniront à Jérusalem dans le but de prendre d assaut la Mosquee Al AKSA declarations à ce qu aucun arabe demeure à Jérusalem ... Hier dans son discours Sayed Nasrallah a confirmé la mobilisation des troupes à partir de minuit et demandé à Israël d’éviter toute erreur qui peut entraîner une riposte sans précédent ... Israël semble protéger sa survie .Elle est consciente qu aux négociations de Vienne elle est perdante dans tous les cas de figures et conclusions , en cas de signature entre l Iran et les USA Israël craint la levée des sanctions en Iran et en cas d accord négatif L Iran relèverait le taux d uranium de soixante à 90 pour cent ... DIEU éclaire les esprits , protèges le LIBAN de tout mal ainsi que sa region....Israël semble aujourd hui jouer son avenir et sa crise Existentielle

    Menassa Antoine

    13 h 03, le 08 mai 2021

  • JE COMPREND QUE LES COMMUNISTES RESSEMBLE À UNE RELIGION. ILS ONT DES OEILLÈRES. MAIS WASSEF HARAKÉ CHERCHE QUOI PAR SON ABSENCE À CETTE RÉUNION QUI EST UNE ÉTINCELLE D'ESPOIR ? À MOINS QU'IL SOIT UN AGENT ULTRA PRO POUR LE COMPTE DU HEZBOLLAH ? UNE SIMPLE QUESTION.

    Gebran Eid

    12 h 49, le 08 mai 2021

  • a part le mouvement de Ch. Nahas citoyens & citoyennes dont les theses sortent vraiment de toute realite possible -Actuelle- je ne vois pas pourquoi les communistes? & wassef harake ne s'etaient pas joints a m. Le Drian. a moins qu'ils n'aient trouve cette reunion inutile parce que nul ne peut changer la donne meme pas la france.

    Gaby SIOUFI

    09 h 58, le 08 mai 2021

  • Et donc, rien ne va bouger d’ici aux hypothétiques élections ! Génial, la livre sera à quel cours d’ici là et combien de personnes auront émigrés définitivement et combien de pauvres supplémentaires y aura-t-il au Liban ? Merci qui ? Merci à nos politiciens jusqu’auboutistes, corrompus et imbus d’eux-mêmes.

    TrucMuche

    09 h 22, le 08 mai 2021

  • Tout ceci relève du bla bla . Il est beaucoup plus plausible de croire que Le Drian avait un message ultra secret de la part des américains à confier aux hauts responsables , et concernant les nouveaux plans américano-européens concernant la région et qui auraient des conséquences bien précises sur la situation au Liban .

    Chucri Abboud

    01 h 05, le 08 mai 2021

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