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Société - Crise

Remplacer des appareils électroménagers ? Vous n’y pensez pas !

Du réfrigérateur à la machine à laver au four à micro-ondes, le Libanais moyen, qui consacre l’essentiel de son budget à l’alimentation, a même de la difficulté à payer les réparations.


Remplacer des appareils électroménagers ? Vous n’y pensez pas !

Pour la majorité des Libanais, il est actuellement difficile, voire impossible, de remplacer le matériel électroménager qui tombe en panne. Photo Mohammad Yassine

En mars dernier, une plaisanterie a été largement partagée sur les réseaux sociaux au Liban : « Mon Dieu, protégez mon frigo, ma voiture et mes enfants... » Pour être d’un goût douteux, cette boutade n’en reflète pas moins les nouveaux comportements, notamment au sein de la classe moyenne, face à l’inflation galopante. « Auparavant, si l’air conditionné montrait le moindre problème, les gens en achetaient un nouveau, aujourd’hui ils attendent que le compresseur tombe en panne pour le réparer. Et encore, parfois ils n’ont même pas les moyens de payer la réparation », observe un technicien dans un atelier de réparation de moteurs de toutes sortes, dans le quartier de Mar Mikhaël à Beyrouth. Pour la majorité de la population, il est actuellement difficile, voire impossible, de remplacer le matériel électroménager qui tombe en panne et cela va du réfrigérateur au four à micro-ondes en passant par la machine à laver. Le propriétaire du magasin, Setrak, note que « la moindre réparation coûte 100 000 livres, soit moins que huit nouveaux dollars, mais plus de 50 anciens. Plus personne ne remplace ses appareils ménagers ou électroniques, et certains n’ont même pas les moyens de les réparer » , confie-t-il. Ouvert tous les jours de 8h à 17h, son atelier n’a jamais été aussi actif : depuis le début de la dépréciation de la livre libanaise, le travail a quasiment doublé, mais pas le chiffre d’affaires.

L’un de ses clients, Abdo Azar, spécialiste de la réparation de machines à laver, explique : « Une visite à domicile et une petite réparation revenaient à 100 dollars, mais les choses ont bel et bien changé et je ne peux pas facturer plus de 150 000 livres, soit 12 nouveaux dollars. Certains de mes clients doivent faire des économies, même pour la réparation de l’électroménager. » Pour Abdo, qui travaille dans la région du Metn, son activité a augmenté, voire doublé, mais les bénéfices s’élèvent à seulement 40 % de ce qu’il gagnait avant la crise.

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Dans un autre atelier, situé dans une rue perpendiculaire à la rue d’Arménie à Mar Mikhaël, Sako Kechichian, un quinquagénaire spécialiste de la réparation de téléviseurs, raconte : « Une fois la vérification terminée, je présente un devis aux clients, qui souvent disparaissent dans la nature, abandonnant leurs télés qui encombrent l’atelier. » Il montre plusieurs postes à écran plat posés contre le mur et précise que pour ce genre d’appareils, le prix est presque le même en cas de réparation ou de remplacement.

Dans un pays où la pauvreté gagne chaque jour du terrain, les personnes des classes moyennes qui arrivent encore à manger à leur faim sans l’assistance des ONG consacrent l’essentiel de leurs ressources à l’alimentation et presque rien à de nouveaux achats. La livre libanaise a perdu plus de 90 % de sa valeur en dix-huit mois, dans un pays où les déposants n’ont plus qu’un accès très limité à leurs comptes dans les banques.

« Notre réfrigérateur est tombé en panne en mars dernier. En d’autres circonstances, je l’aurai remplacé en 24 heures.

Là, je l’ai vidé et transporté la nourriture périssable chez ma sœur, qui habite à 10 kilomètres de chez moi, puis je me suis mise durant des jours à essayer de trouver un bon réparateur, qui a finalement réussi à le sauver de la casse pour 250 dollars, soit 3 000 000 de LL, c’est-à-dire 2 000 anciens dollars », s’exclame une trentenaire. « Comme la plupart des Libanais, je suis payée en livres, ainsi que mon mari. Or un réfrigérateur coûte 1 500 dollars, soit environ 18 000 000 LL. Avant la dévaluation, les 1 500 dollars faisaient 2 250 000 LL. »

Le prix de chaque machine dépasse les dix millions de livres. Photo Mohammad Yassine

Surtension électrique

« Nous avons échappé à une catastrophe », soupire de son côté Sylva, qui habite une localité du Metn, en racontant qu’une surtension électrique s’est produite, la semaine dernière, dans son appartement et celui de ses voisins. « Heureusement que cela a eu lieu en soirée, ce qui nous a permis de voir que la lumière était devenue plus forte alors que les ampoules éclataient. Nous avons alors couru dans tous les sens pour débrancher la télévision, le réfrigérateur, la machine à laver et tout l’électroménager. Finalement, j’ai seulement perdu des chargeurs téléphoniques et des stabilisateurs », raconte-t-elle. « Les dégâts se sont chiffrés à 250 dollars, mais cela pouvait être pire et j’ignore ce que j’aurais fait pour remplacer le frigo, la télé et la machine à laver », lance Sylva qui met en cause EDL, laquelle n’effectue pas les contrôles et la maintenance nécessaires sur les câbles et les pylônes.

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Pour Lucienne Tahan, des établissements Antoine Tahan, « les réparations sont actuellement de loin plus importantes que les ventes ». « Nous réparons surtout des téléphones portables, des fers à repasser et des sèche-cheveux », affirme-t-elle en expliquant que les demandes de réparation ont commencé à augmenter après le premier confinement et la première importante hausse du dollar face à la livre libanaise, en avril 2020, lorsque le billet vert avait franchi la barre des 4 000 LL.

Lucienne et son père, commerçants en articles électroménagers à Achrafieh, se demandent jusqu’à quand cette situation peut durer et doutent que la population et les commerces puissent tenir le coup encore longtemps.

« Même les réparations coûtent cher. Pour un téléphone sans fil, cela peut atteindre 150 000 livres. Or cela n’est pas accessible à tout le monde », dit Lucienne Tahan.

En mars dernier, une plaisanterie a été largement partagée sur les réseaux sociaux au Liban : « Mon Dieu, protégez mon frigo, ma voiture et mes enfants... » Pour être d’un goût douteux, cette boutade n’en reflète pas moins les nouveaux comportements, notamment au sein de la classe moyenne, face à l’inflation galopante. « Auparavant, si l’air conditionné...

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