Dans un rappel à l’ordre évident à l’intention de la procureure générale près la cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, le procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, a pris jeudi la décision de modifier la répartition des tâches au sein des parquets de cette cour, restreignant aux trois magistrats Sami Sader, Samer Lichaa et Tanios Saghbini l’examen, respectivement, des crimes de trafic et d’écoulement de drogue, des grands crimes financiers et des homicides. Les autres dossiers restant en l’état. Rendue publique hier, la décision a fait grand bruit puisqu’elle a été interprétée comme une évidente restriction administrative du champ de compétence de Ghada Aoun. M. Oueidate a renforcé sa décision administrative en soulignant que Mme Aoun et les magistrats désignés « doivent l’informer personnellement des crimes dangereux qu’ils examinent et s’en tenir à ses directives en la matière, conformément à l’article 16 du code de procédure pénale ». La décision de M. Oueidate, qu’il fait reposer sur le texte des articles 13 du code de procédure pénale et 31 du décret législatif n°150/83 (la loi sur la justice judiciaire), fait suite à une réunion, le 13 avril, du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) sous la présidence de Souheil Abboud, en présence notamment du président de l’Inspection judiciaire, Bourkan Saad. Elle se justifie « par le souci de la bonne marche des affaires de droit commun », précise le texte.
Ghada Aoun avait récemment engagé des poursuites contre le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, et la Société générale de banque au Liban (SGBL) pour des transferts bancaires massifs à l’étranger et des faits relevant du blanchiment d’argent. Ces transferts se seraient produits à l’automne 2019 et à divers autres intervalles. L’ancien directeur général du ministère des Finances, Alain Bifani, avait dénoncé ces faits, précisant qu’après le 17 octobre 2019 et les manifestations massives qui ont suivi, plusieurs milliards de dollars avaient été exfiltrés du pays au profit de certains privilégiés, alors même que les banques étaient momentanément fermées. Une situation injustifiable éthiquement puisque les comptes des petits épargnants, parallèlement, étaient bloqués, mais la situation était légalement couverte au Liban par l’absence d’une loi sur le contrôle des capitaux.
Selon des sources informées, Mme Aoun avait engagé ses poursuites contre la SGBL et M. Salamé sur base de photocopies du dossier, alors que l’affaire était déjà examinée à Beyrouth, à la demande du parquet financier. Cette façon de faire avait créé un cas de litispendance (un litige unique porté devant deux juridictions différentes dont on suppose qu’elles sont également compétentes pour en connaître), précisent des sources judiciaires.
Dans le prolongement de cette affaire, Mme Aoun avait été invitée à rendre compte de son travail au regard d’un certain nombre de plaintes présentées à son encontre à ce sujet. De source bien informée, on précise toutefois que Mme Aoun ne saurait être « écartée » de son poste au sens juridique du mot, puisque sa nomination a fait l’objet d’un décret en Conseil des ministres. Mais les dispositions prises par M. Oueidate la disqualifient notamment pour examiner les « grands crimes financiers ».
Je pense que l'OLJ ne peut pas être neutre en relatant sur cette affaire, puisque l'avocat de l'Entreprise, est un haut dirigeant du journal !
19 h 54, le 17 avril 2021